GUERRE CULTURELLE

Bébés en solde

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La GPA et la PMA banalisée sans discussion au Québec


Une légende raconte que le Black Friday (ou « Vendredi fou ») remonterait à l’époque de l’esclavage. Ce jour-là, dit-on, les esclaves étaient bradés sur les places publiques des États-Unis. La rumeur a beau avoir été démentie par les historiens, elle a la vie dure et revient chaque année vers la fin novembre.


Il arrive pourtant que la réalité dépasse la fiction. Récemment, le site de la firme BioTexCom titrait « Black Friday sale » au-dessus des visages stylisés de deux nourrissons. Car BioTexCom ne vend ni des machines à laver ni des écrans plasma, mais des bébés. Entre le 15 et le 26 novembre, la clinique ukrainienne offrait un alléchant rabais de 3 % sur ses forfaits de « mères porteuses », autrement appelé « gestation pour autrui » (GPA).


Y aura-t-il bientôt des poupons dans la hotte du père Noël ? À moins qu’on les commande sur Amazon. Sur le site ontarien Canamcryo.com, après avoir sélectionné les caractéristiques de votre futur rejeton, vous pouvez choisir un donneur de sperme ou d’ovule en cliquant sur « ajouter au panier ». Le site ne dit pas si la livraison est offerte.


L’image ferait sourire si la chose la plus sacrée au monde depuis l’apparition de la chrétienté, la mise au monde d’un enfant, n’était en train de devenir un produit comme les autres. Après la femme-objet, voilà la mère jetable et le bébé sur mesure. Il y a vingt ans, les « produits culturels » ont désacralisé l’art, le temps est maintenant venu de la maternité aux enchères et des bébés en solde.


Heureusement, dans nombre de pays, des verrous existent encore contre cette instrumentalisation du corps des femmes, souvent pauvres, destinée à fabriquer des orphelins en séparant volontairement l’enfant de sa mère biologique. Tout cela pour satisfaire l’hubris de couples fortunés incapables de vivre avec les limites normales de la procréation imposées à tout être humain.


Sous la pression d’une industrie de la reproduction en pleine expansion, ces verrous sont pourtant en train de sauter. Si la France interdit toujours la GPA sur son territoire, le Québec est sur le point de plier l’échine. Le projet de loi 2 discuté cette semaine en commission parlementaire veut supprimer l’article du Code civil qui stipule que « toute convention par laquelle une femme s’engage à procréer ou à porter un enfant pour le compte d’autrui est nulle et de nullité absolue ». Un article qui existe aussi en France et qui interdit tout contrat commercial sur le dos de celui que l’on désignait hier encore comme le « fruit de l’amour ».


Alors que sa tradition et son droit ont toujours été différents, le Québec est sur le point de se soumettre au diktat canadien qui a légalisé la GPA (dite « non rémunérée ») depuis 2004. Le projet fixe évidemment des balises, mais chacun sait que celles-ci sont souvent des fictions. Ainsi l’interdiction de rémunérer les mères porteuses est-elle facilement contournée lorsque la transaction et les paiements se font à l’étranger. Rémunérée ou pas, cette pratique représente une gigantesque entreprise de contournement des lois de l’adoption. Pourquoi les commanditaires, qui au fond adoptent un enfant qui jusque-là n’appartenait qu’à sa mère, ne sont-ils pas soumis aux contrôles stricts qui s’appliquent à ceux qui veulent adopter ?


Le gouvernement s’apprête non seulement à légaliser les mères porteuses, mais aussi à offrir en prime les bénéfices de son assurance maladie et de ses congés de maternité. Les parents étrangers seront ainsi subventionnés à même les impôts des contribuables.


Sans faire de bruit, depuis quelques années, le Canada est en train de devenir un eldorado du tourisme procréatif. C’est ce qu’a révélé le Globe and Mail dès 2018. Dans certaines provinces, la moitié des enfants nés de GPA seraient destinés à des parents étrangers. Alors que des pays comme l’Inde, le Népal, la Thaïlande et le Mexique ont fermé leurs portes aux étrangers, le Canada leur offre un bon système de santé, la gratuité des soins, des procédures d’adoption simplifiées et un passeport canadien en prime pour le bébé. « Le Canada est un endroit formidable pour la GPA. Des tas de gens veulent en profiter, et il faut s’attendre à ce que ce nombre ne fasse que croître », écrit la journaliste Alison Motluk.


On ne sera pas surpris que les 116 pages de ce projet de loi empruntent parfois le style d’un roman de science-fiction. On y trouve des formules aussi alambiquées que « la mère ou la personne qui a accouché » (article 208). Comme si une personne qui a accouché pouvait être autre chose qu’une mère ! On parle de « la femme ou de la personne qui a donné naissance à l’enfant » (article 235). Comme si la personne qui accouche pouvait être autre chose qu’une femme !


Rien d’étonnant, puisque cette loi est aussi sur le point de rompre avec toute l’histoire de l’état civil et du droit de la famille québécois en superposant à la notion biologique et indiscutable de « sexe » inscrite dans toutes les conventions internationales celle venue des États-Unis, totalement floue et arbitraire de « genre » (gender). Et pas n’importe quel « genre », un « genre » dont chacun serait libre de changer au gré de ses désirs.


Est-on conscient qu’on est en train de ratifier sur le coin d’une table et sans véritable débat ce qu’il faut bien appeler une rupture anthropologique ?



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