La conjoncture économique peut parfois jouer un rôle décisif sur le résultat d'une élection. Deux circonstances laissent croire que ce sera le cas lors du présent scrutin. L'économie est un enjeu important pour les électeurs et un nombre élevé d'entre eux pense que le parti de Stephen Harper est le plus apte à s'occuper de cette question. Dans ce contexte, l'économie devrait constituer le facteur décisif qui assurera la victoire du Parti conservateur le 14 octobre prochain.
L'économie, facteur clé de l'élection
Les électeurs sont généralement de bons observateurs de la scène économique. Leurs perceptions collent souvent d'assez près à l'évolution de la conjoncture économique. C'est sans doute la raison pour laquelle la situation de l'économie, qui était une question moins importante pour les électeurs lors des élections de 2004 et 2006, est revenue à l'avant-plan.
Un enjeu important ne fera pas nécessairement la différence lors d'élections. Pour cela, il faut que les électeurs pensent que certains partis sont plus compétents que d'autres pour s'occuper de certains problèmes. Dans le cas de l'environnement, par exemple, les avis sont partagés. Les électeurs se divisent à peu près également quand il s'agit de déterminer quel est le meilleur parti pour s'occuper de cette question. Aucun parti de l'opposition n'est parvenu à s'imposer comme le champion de l'environnement. La division des voix des électeurs préoccupés par cette question favorise le gouvernement sortant.
Tel n'est pas le cas pour l'économie. Un sondage mené par la firme Harris-Décima à la fin du mois d'août montre que 41% des Canadiens pense que le Parti conservateur est le plus compétent pour s'occuper de cette question, contre seulement 28% pour le Parti libéral, 10% pour le NPD, et 2% pour les verts. Ces chiffres ont largement inspiré la stratégie des conservateurs qui ont fait de l'économie l'enjeu central de leur campagne.
Cette stratégie visait deux objectifs. D'abord, consolider la réputation des conservateurs comme gestionnaires de l'économie en affichant une préoccupation appuyée pour cette question. Ensuite, faire en sorte que la situation de l'économie soit présente à l'esprit du plus grand nombre d'électeurs le jour des élections. Le fait que le Parti libéral ait ramené l'économie au coeur de sa campagne semble montrer que le pari de Stephen Harper de faire de l'économie la clé de sa réélection était le bon.
L'économie et l'image des chefs
On pense souvent à tort que les «faiseurs d'image» peuvent modifier les perceptions des électeurs à propos des chefs à partir de facteurs assez superficiels: l'habillement, le débit du discours, etc. En fait, les électeurs évaluent les chefs à partir de critères beaucoup plus fins.
Les enjeux jouent un rôle important de ce point de vue. Les priorités adoptées par un chef permettent aux électeurs d'évaluer son jugement et sa capacité à dégager les nécessités de l'heure. La maîtrise affichée par les chefs dans certains domaines constitue également une information utile pour les électeurs. L'économie, par exemple, est souvent associée à la compétence et les affaires étrangères à la fermeté. Pour s'imposer faire à Stephen Harper, il faudrait que Stéphane Dion projette une image de force et de compétence en offrant aux électeurs un discours crédible et inspirant sur ces deux enjeux. Les difficultés qu'il a connues en début de campagne suggèrent qu'il n'est pas encore parvenu à le faire.
La façon d'aborder les enjeux est aussi cruciale. Les électeurs expriment souvent dans leur vote un souci d'équilibre dont les partis doivent tenir compte. Les Canadiens ont élu Jean Chrétien à trois reprises parce que ses positions politiques apparaissaient comme des compromis raisonnables entre plusieurs objectifs contradictoires: réduire la dette, combattre le chômage, baisser les taxes, financer les services publics, etc. Au cours des présentes élections, les électeurs paraissent souhaiter un dosage entre l'économie et l'environnement qui met un peu plus l'accent sur le premier enjeu que le second. En comprenant cet état d'esprit plus rapidement que ses adversaires, le chef conservateur s'est donné un avantage qui s'avérera sans doute décisif au cours de ces élections.
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Archives La Presse
Richard Nadeau
L'auteur est professeur titulaire au département de science politique de l'Université de Montréal.
Avantage décisif pour Harper
l'économie devrait constituer le facteur décisif qui assurera la victoire du Parti conservateur le 14 octobre prochain.
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