On peut comprendre que le président de la commission scolaire Central Quebec s’oppose à la disposition du projet de loi 14 qui retirerait aux enfants de militaires francophones le droit de fréquenter l’école anglaise, droit qui est pourtant refusé à tous les Québécois francophones.
Il est plus étonnant de voir le rédacteur en chef de la Revue juridique des étudiants de droit de l’Université Laval, Colin Standish, défendre la même position sur la base d’une notion aussi peu juridique que la considération due « aux fils et aux filles des héros de guerre », comme il l’a fait mardi dans les pages de la Gazette, avant de faire une présentation truffée d’arguties juridiques en commission parlementaire mercredi.
En réalité, il y a peu de chances que la jeune Sandra, fille d’un militaire blessé en Afghanistan, subisse le triste sort sur lequel s’apitoyait M. Standish et qu’elle soit séparée de ses amis qui fréquentent une école anglaise voisine de la base de Valcartier. En vertu des dispositions qui sont prévues, seule une minorité d’élèves pourrait devoir interrompre leur parcours en anglais en septembre 2014.
Qui plus est, tout indique que la ministre responsable de la Charte de la langue française, Diane de Courcy, proposera l’ajout d’une clause dite « grand-père » qui permettrait à Sandra et à ses amis de terminer leur cours. Les nouvelles règles ne s’appliqueraient donc qu’aux nouveaux venus.
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Malgré la « cruauté » que le rédacteur en chef de la Revue juridique des étudiants de droit de l’Université Laval reproche à la gouvernance péquiste, il est objectivement faux de dire que le projet 14 veut restreindre le droit de la minorité anglophone à l’accès aux services gouvernementaux, puisqu’il vise essentiellement les francophones.
M. Standish fait une interprétation pour le moins élastique du célèbre jugement de la Cour suprême dans la célèbre cause Mahé contre Alberta, qui a reconnu le droit des minorités linguistiques à la gestion et au contrôle de leurs écoles.
Certes, la cour a reconnu le rôle fondamental de l’école dans l’épanouissement de la langue, de la culture et de l’identité d’un peuple, mais elle n’a jamais suggéré de transférer des élèves anglophones dans des écoles françaises de l’Alberta pour en assurer la pérennité. C’est pourtant un transfert de cette nature que la commission scolaire Central Quebec - et M. Standish - souhaite perpétuer pour maintenir ses effectifs.
Il y a beaucoup plus de civils francophones qui quittent le Québec chaque année pour s’établir dans une autre province que de soldats mutés dans une autre base. Leur famille doit composer avec un nouvel environnement culturel et linguistique au même titre que celles des militaires. Personne ne peut sérieusement croire qu’on puisse choisir la carrière militaire dans le seul but de contourner la loi, mais certains profitent certainement de leur statut pour le faire.
Si l’armée canadienne veut recruter des francophones, c’est à elle d’assurer leur confort culturel. Le Québec n’a certainement pas à contribuer à l’anglicisation de leurs enfants et de leurs descendants sous prétexte que l’armée serait un milieu hostile au français. Il y a tout de même des limites à se tirer dans le pied.
Il y a une école française à proximité de 24 des 25 bases militaires canadiennes - l’exception étant celle de Gander, à Terre-Neuve - et l’armée soutient ceux qui veulent y inscrire leurs enfants. Il serait pour le moins paradoxal que le Québec vienne contrecarrer ces efforts en les incitant plutôt à choisir l’école anglaise.
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Le député caquiste de La Peltrie, Éric Caire, lui-même un ancien militaire, estime que les sacrifices consentis par les militaires pour défendre « nos droits » sur les champs de bataille justifient celui d’envoyer leurs enfants à l’école anglaise, mais sa campagne contre le projet de loi 14 semble traduire tout autant son désir de plaire à ses électeurs basés à Valcartier.
François Legault a dû faire bien des concessions pour convaincre une majorité d’adéquistes de se rallier à la CAQ, mais cela ne justifie pas d’avaler toutes les couleuvres qu’on lui présente. Ce n’est pas parce qu’il a choisi de renier ses convictions souverainistes sous prétexte de s’attaquer aux « vrais problèmes » qu’il doit aussi renoncer à défendre le français et laisser les militaires dicter la loi.
Peu importe la disposition du projet de loi 14 qui est discutée en commission parlementaire, la CAQ semble toujours y voir autant de problèmes que les libéraux. Pierre Curzi avait raison : tant qu’à se contenter d’ajustements mineurs, il vaudrait peut-être mieux attendre l’élection d’un gouvernement majoritaire. Parce qu’une fois la loi 101 modifiée, on ne rouvrira pas le dossier de sitôt.
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