Vous connaissez sûrement ce magnifique roman qu'est 'Au nom de la rose'
d’Umberto Eco dont Jean-Jacques Arnaud a superbement transmis l'essence
au cinéma. Nous sommes en l'an 1327, époque où l'église, en pleine crise,
se voit disputer ses pouvoirs tant spirituels que temporels. Une crise
d'accommodements entre les principes doctrinaires véhiculés par la Grande
Inquisition et la rigueur intellectuelle d'un certain Guillaume de
Baskerville qui opte pour le pragmatisme pour solutionner un crime
jusque-là insoupçonné: l'acquisition de la connaissance.
Je ne peux m'imaginer meilleur scénario pour analyser la situation
générale qui prévaut depuis quelques années au Parti Québécois. Les
inquisiteurs se multiplient et les procès ne se comptent plus depuis ces
vingt dernières années. Des tenants de toutes tendances se succèdent et
tergiversent d'une théorie à l'autre face au grand réquisitoire de
l'indépendance. Toutes les thèses, hypothèses et antithèses s'affrontent et
opposent leurs équations à des jugements parfois incisifs, parfois
définitifs. Le discours devient discordant et laisse les militants
désenchantés. On aurait dit que le Parti Québécois a fait l'objet
d'ensorcellements. Au Moyen-âge, on aurait vite fait d'approcher certains
de ses doctes sorciers au bûcher!
N'eût été de l'opinion d'un certain Gérald Larose que je soupçonne être
originaire de Baskerville, je n'aurais probablement jamais eu le temps de
me relire, apeuré par la tache d'encre bénédictine empoisonnant le discours
péquiste. Gérald Larose nous révélait brillamment les indices d'une piste
de réflexion dans son article intitulé ['Si on s'y mettait'->12134] paru au Devoir
du 1 mars 2008. La mécanique ingénieuse de sa pensée nous démontre sans
équivoque l'approche à suivre: réintégrer le projet d'indépendance au
périmètre politique. J'aurais eu l'audace de parler ici plutôt de
paramètres politiques à rétablir.
Comment devenons-nous généralement indépendant au plan des relations
interpersonnelles si ce n'est qu'en assumant des rôles précis déterminant
nos propres empreintes psychologiques, héréditaires ou existentielles. On
peut se croire indépendant alors que nos comportements démontrent le
contraire. Il en va ainsi des indépendantistes modernes. Ils croient
détenir le trousseau sans posséder la clef ouvrant la porte à leurs
aspirations. C'est ici qu'entre en scène la gouvernance de soi. Cette
gouvernance exige des gestes concrets éloignés des questionnements
antérieurs. Lorsque Gérald Larose nous recommande de s'attaquer
immédiatement à la construction concrète des fondamentaux de la
souveraineté en suggérant de grandes missions pour l'État, il nous demande
de poser des gestes fondamentaux qui ne pourront que promouvoir la
souveraineté. Je retiens de ces gestes à poser, la création d'une
Constitution du Québec et l'accréditation d'une citoyenneté québécoise. En
définissant les bases de 'Ce que nous sommes' de manière inclusive, nous
établissons ainsi des balises très importantes parce que porteuses d'avenir
pour tous. Comme le suggère M. Larose, la naissance d'une Constitution du
Québec ne peut que déterminer l'assise où des structures additionnelles
pourront être mises en place. La reconnaissance d'une citoyenneté
québécoise est l'expression d'une grande solidarité où s'expriment ces
principes d'égalité et d'appartenance dont il nous parle. Il nous faut donc
dès maintenant poser la première pierre pour édifier ce projet
souverainiste.
[->5679]Dans le contexte des débats tenus aux audiences de la Commission
Bouchard-Taylor, cette approche me paraît saine et ne réduit en rien les
aspirations de chacun. Bien au contraire, l'affirmation de soi ne peut
qu'être bénéfique pour ces psycho-dramaturges que nous sommes devenus!
[Quand Gérard Bouchard lui-même suggère un 'acte fondateur',->5679] nos
interventions doivent s'inscrire dans une approche excluant les théories au
profit de l'action. C'est ainsi accepter que l'équation mathématique puisse
évoluer sans pour autant nous empêcher de l'appliquer en fonction de la
compréhension actuelle qu'on en possède. C'est ce que Guillaume de
Baskerville a compris lorsqu'il confronta la Grande Inquisition. À se
demander s'il n'aurait pas été un laïciste formidable! La connaissance
appartient à tous mais ses applications se buttent parfois à des
considérants à courte vue. Ici, l'instinct de survie de la francophonie
doit prédominer sur le discours car le fondement même d'une nation est d'abord
sa langue, son histoire et son patrimoine. C'est exactement ce que tous
observent dans cette histoire des accommodements raisonnables : la
disparition d'une nation francophone pourrait être inéluctable si personne
n’agit.
Proclamer l'instinct de survie mérite qu'on s'attarde ici à la nécessité
de reconnaître le rôle de chacun. Un cinéaste ne pourrait produire un chef
d'œuvre sans la complicité évidente de ses différents acteurs. Il en va de
même de tous les militants. L'esprit d'équipe doit dominer. Si le sacrifice
de l'un au détriment du groupe est nécessaire, il faut s'y soustraire.
Certains ténors sans voies pourraient ici ménager leur voix.
Comprenez-moi
bien, je m'inscris donc en faux lorsqu'il s'agit d'instaurer une
‘conversation nationale'. Depuis 40 ans qu'on se parle, on devrait bien comprendre que la saison des idées est révolue! Seule l'action est maintenant déterminante. Cesser le discours et agir, telle est la seule
solution viable! Ce n'est certes pas en multipliant les partis politiques
indépendantistes que l'unité prévaudra. Nier l'action, c'est comme vouloir
bâtir une ville en multipliant les échafaudages sur un sol friable. C'est
aussi se contraindre à se reconnaître victimes à l'intérieur d'une Tour
infernale. Il en va de même des chartes et des lois, Rien ni personne ne
devrait nous empêcher de vouloir reconnaître notre spécificité toute
québécoise. Il s'agit d'uniformiser notre pensée en fonction des attributs
nécessaires à la bonne marche de notre entreprise: appartenir à une nation
francophone unique en Amérique du Nord. La pertinence d'agir doit demeurer
acquise dans nos esprits. L'intervention de M. Larose appelle l'annonce des
chantiers.
L'avenir appartient aux audacieux. Osez! Mme Marois, Osez! C'est ce
qu'attendent des milliers de militants engagés. On blâme rarement ceux qui
agissent.
Bernard Thompson
Hérouxville
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Au nom de Larose
Depuis 40 ans qu'on se parle, on devrait bien comprendre que la saison des idées est révolue! Seule l'action est maintenant déterminante.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
2 commentaires
Jacques Bergeron Répondre
14 mars 2008Lorsque je lis ces excellents articles, comme celui-ci, il m'arrive de me demander si Mme Marois se permet de les lire. Ou que ces «jeunes conseilers» sans expérience se permettent d'aller voir sur Vigile, ou sur d'autres sites indépendantistes ou nationalistes,ce qu'on y dit. Et pourtant c'est bien là où on peut découvrir d'excellentes idées.Ce qu'il faut à nos partis indépendantistes, c'est de se donner un John Parisella, pour conseiller Mme Marois. Peut-être, car il faut dire peut-être,qu'on pourrait enfin doter nos partis politiques indépendantistes d'une vraie stratégie capable de conduire les Québécoises et les Québécois vers la «terre promise» de l'indépendance et leur droit de vivre en Français en terre des Amériques.Un «État» capable de se développer selon sa philosophie, sociale, politique, culturelle et économique,est-ce trop demander?J'ai la vague impression que je perds mon temps à espérer que Mme Marois pourrait confier l'avenir de notre idéal à des gens possédant plus de sagesse et plus d'expérience que ses présents conseillers,tout «intellectuels» qu'ils soient, ne possédant pas l'expérience nécessaire pour occuper les postes qu'ils occupent. Possèdent-ils simplement un peu de «connaissances historiques» leur permettant d'agir auprès d'un chef de parti comme le Parti Québécois ou le Bloc? Si j'étais chef d'un de ces partis, il est certain que j'aurais tendance à vouloir utiliser comme conseillers des gens qui ont connu la commission Bélanger/Campeau et les «Commission sur l'avenir du Québec», des gens qui ont subi le vol d'un pays,par le vol du référendum de 1995. Si j'étais à la place de Mme Marois,je voudrais utiliser des gens qui ne souffrent pas du complexe du colonisé, ou d'un complexe de culpabilité. Je voudrais voir auprès de moi quelqu'un capable de voir au-delà du capitalisme, principale source des mots de l'univers par la volonté des capitalistes «anglo-saxons» de dominer le monde par leur «philosophie anti-sociale» et «anti autres cultures» du monde. Je voudrais voir des gens convaincus qu'un petit pays «peut et doit compter» sur son «gouvernement» s'il veut se développer dans toutes les phases de son existence dans ce monde dominé par les capitalistes n'ayant d'autre intérêt que leur enrichissement.Si j'étais Pauline Marois, je voudrais me «débarraser» rapidement de tous ces conseillers, qui n'ont à la bouche et dans leurs écrits, que la rectitude politique les privant de toute pensée indépendnatiste capable de répondre aux attentes de l'idéal de mon peuple. Si j'étais Pauline Marois,je déciderais que l'apprentissage de langues étrangères ne devraient débuter qu'au secondaire et se continuer au collégial,que «tous» les Québécois, anciens et nouveaux, doivent poursuivre leurs études post-secondaires dans un collège de langue française, que le Québec n'a pas les moyens de se payer deux «Centres universitaires de santé et de formation hospitalière», qu'un seul grand hôpital sera créé et qu'il sera de langue française, que le Québec ne peut payer la formation d'étudiants qui le quittent dès leurs études terminées, ou quelques années plus tard.Si j'étais Mme Marois, je voudrais consulter le peuple de toutes les régions du Québec sur le genre de pays dans lequel il veut vivre et je lui répondrais en m'engageant à lui donner une «constitution répondant » à ces exigences démocratiques et philosophiques, nonobstant les cris des fédéralistes,«toutes ethnies» confondues».Si j'étais chef du PQ je déciderais d'agir en fonction de «mes électrices et de mes électeurs» et de leur idéal. Comme je ne suis pas Pauline Marois, et que je sais qu'elle ne lit pas des messages de si peu d'intérêt,j'ai la vague impression que le peuple devra agir seul,sans compter sur ses «Politiques». Ce n'est certainement pas le PI, ou le parti à «deux chefs» faisant passer sa philosophie sociale avant notre idéal, qui peuvent répondre à mes attentes et à celles de mon peuple.Comme je suis catholique, je vais continuer à «prier» et à «oeuvrer» à la recherche de l'idéal de mon peuple en dehors des partis politiques, en espérant que mon attente du pays ne sera pas trop longue? À bientôt «75» ans, ma patiente et mon espoir arrivent au bout du chemin à sens unique de la vie?
Archives de Vigile Répondre
11 mars 2008J'ai eue à commenter le Plan Larose dans un texte d'opinion publié dans Le Devoir. Mon opinion rejoint la vôtre, sauf que j'aborde le sujet à partir de considération de géopolitique qui sont indispensable pour comprendre la game.
(http://www.vigile.net/Geopolitique-101-Pauline-l )
..........
Vous avez raison seul l'action peut créer la dynamique menant à la rupture. Ce fut le cas en Inde quand Ghandi marcha 300 km pour se rendre à la mer pour prendre un poignée de sel sur lequel une taxe était perçu par le pouvoir colonial, et invita tout le monde à faire de même et à refuser de payer; la dynamique a mener à l'indépendance. Au États Unis ce fut les boites de thés sur lequel le pouvoir colonial percevait une taxe qui furent balancer à l'eau. Cette action a insuflé une dynamique à la Révolution américaine.
......
Nous devons faire le constat que le Québec a été annexé par un autre état qui l'a réduit au statut de demi état. Sortir Ottawa de notre état pour en faire un état optimal suppose une stratégie d'état et des actes d'états (des gestes de souverainetés) et donc un rapport de force qu'il nous faut assumer. C'est là que le leadership du PQ pose problème, il a peur de la confrontation.
Il ne s'agit pas foncer tète baisser dans le mur de ROC; il faut cibler l'action sur des points précis ou le rapport de force nous sera favorable.
............
JCPomerleau