Sous pression face à une poussée des cas de coronavirus au Japon, le gouvernement nippon a annoncé lundi son intention de déclarer l’état d’urgence dans sept régions, dont Tokyo, une mesure assortie d’un plan d’aide à l’économie de 915 milliards d’euros.
La déclaration officielle de l’état d’urgence devrait intervenir dès mardi, après consultation d’un comité d’experts conseillant le gouvernement sur la gestion de la crise sanitaire, a annoncé le premier ministre Shinzo Abe devant des journalistes.
Prévu pour durer un mois, l’état d’urgence doit concerner Tokyo et les préfectures voisines de Chiba, Kanagawa et Saitama, les régions d’Osaka et Hyogo (ouest du pays) ainsi que la préfecture de Fukuoka (sud-ouest).
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« Nous observons actuellement une augmentation rapide des infections en particulier dans des centres urbains tels que Tokyo et Osaka », risquant de saturer les infrastructures médicales du pays, a justifié M. Abe.
L’état d’urgence va permettre aux autorités des régions concernées de demander aux habitants de rester chez eux et à des commerces jugés non essentiels mais attirant habituellement beaucoup de monde de suspendre leurs activités.
Les autorités pourront aussi réquisitionner si besoin des terrains et des bâtiments à des fins médicales.
Pas de confinement forcé
Ce statut ne va toutefois pas entraîner de mesures de confinement aussi drastiques que celles actuellement en vigueur dans de nombreux autres pays comme en Europe, avec des sanctions pour les contrevenants.
« Au Japon, même si nous déclarons un état d’urgence, nous n’allons pas fermer des villes comme dans d’autres pays. Les experts nous ont dit que ce n’était pas nécessaire », a dit M. Abe.
Le système nippon repose beaucoup sur le civisme attendu de la part des citoyens, soumis à une pression sociale constituant généralement une force de dissuasion majeure.
Il est aussi extrêmement difficile d’un point de vue juridique pour les autorités japonaises de forcer des citoyens à se confiner et d’obliger des commerces de fermer, ainsi que de sanctionner ceux qui ne respecteraient pas les consignes.
« Le Japon est toujours hanté par le sombre héritage » de son régime militariste jusqu’à 1945, qui opprimait durement les libertés individuelles, a rappelé à l’AFP Yoshinobu Yamamoto, professeur émérite de l’Université de Tokyo, spécialiste des relations internationales.
Cependant si le cadre actuel de l’état d’urgence ne s’avérait pas efficace face à la pandémie, « certaines voix pourraient réclamer un pouvoir plus fort pour contrôler les gens. Cela pourrait créer un précédent », a-t-il estimé.
Récession brutale inévitable
Bien que voisin de la Chine, foyer d’origine de la COVID-19, le Japon est jusqu’à présent nettement moins touché par la pandémie que l’Europe ou les États-Unis : l’archipel totalisait dimanche quelque 3650 cas de contamination pour 73 décès, selon un dernier bilan officiel.
Le nombre de nouvelles contaminations a cependant sensiblement augmenté depuis deux semaines, notamment à Tokyo, même si le dernier bilan de lundi dans la capitale (83 cas) s’affiche en nette baisse par rapport au record atteint dimanche (148 cas).
Ces chiffres ont progressivement accru la pression sur le gouvernement pour intensifier son action face à la pandémie, après la décision dès fin février de fermer les établissements scolaires du pays.
Par ailleurs la gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, appelait déjà depuis fin mars ses administrés à télétravailler autant que possible et à éviter les sorties non indispensables le week-end, avec un succès tangible.
Le premier ministre a également annoncé lundi un plan massif de soutien à l’économie du pays de 108 000 milliards de yens (soit 915 milliards d’euros), pour parer aux conséquences de la pandémie sur l’activité de la troisième puissance économique mondiale, alors que la région de Tokyo concentre environ un tiers du Produit intérieur brut (PIB) national.
L’ampleur de ce plan, qui représente l’équivalent de 20 % du PIB nippon, est « sans précédent » au Japon, a souligné M. Abe.
Bien que largement supérieur aux attentes, ce plan ne devrait pas permettre d’éviter une récession brutale de l’économie japonaise au premier semestre 2020.
Mais il devrait « stimuler une reprise rapide » au second semestre, du moins si la pandémie est contenue avec succès d’ici là, a estimé dans une note Naoya Oshikubo, économiste chez SuMi TRUST, rappelant par ailleurs les mesures d’urgence déjà prises par Banque du Japon.