Le jupon dépasse de plus en plus, tellement qu'il risque bien de s'y prendre les pieds. Le gouvernement Harper laisse tomber la modération, les larges consensus, l'ouverture québécoise sur le déséquilibre fiscal. Il retrouve ses anciens démons, l'intolérance, le déni scientifique, le refus de la promotion des droits des femmes, la prépondérance des convictions religieuses dans la vie publique. Au cours des dernières semaines, les exemples se sont multipliés. Pas de grands discours mais de petites annonces, des programmes peu connus qui sont supprimés et des ballons d'essai.
Ce sont toutes des mesures anodines en apparence, de petites compressions, des phrases, des mots qu'on laisse tomber, des nominations curieuses qui tissent une toile, celle de la droite religieuse canadienne.
Les fonctionnaires, qu'on ne peut pas soupçonner de perversité, avaient recommandé au ministre Blackburn d'accorder une subvention au festival gai Black and Blue. D'un point de vue économique, l'événement était rentable pour Montréal. Mais subventionner des homosexuels, ça ne se fait pas. Subventionner le très médiocre Festival Juste pour rire, dont les vedettes donnent dans le pipi caca dodo, cela convient. L'homosexualité mine la morale sociale, mais pas la vulgarité, la grossièreté et la bêtise.
Dangereux aussi pour la société sont les musées, ces endroits où on peut contempler des nus lascifs, des abstractions incompréhensibles et, depuis quelque temps, des installations morbides qui décrivent la vie moderne. Le Canada n'a pas besoin de musées, sinon ceux de la guerre et du boeuf albertain. Le gouvernement ne sait pas trop quoi faire de ses surplus, mais il coupe cinq millions dans le financement des musées qui, on le proclame depuis des années, souffrent d'un problème chronique de sous-financement.
Et que dire de ces femmes qui s'organisent et parlent d'égalité ? Elles nous avaient fait faire de grands progrès en profitant de quelques subventions du gouvernement fédéral qui leur permettaient de contester devant les tribunaux l'application des lois et de faire pression sur les élus. Ces programmes d'assistance juridique subventionnée ont entre autres fait progresser le dossier de l'équité salariale. Ce gouvernement vient de leur retirer leurs subventions. La femme au foyer n'a besoin ni de subventions ni de pouvoir politique. Et celle qui n'est pas au foyer, qu'elle se débrouille.
Qu'elle se débrouille comme les minorités francophones. Sans subventions. Je ne sais pas combien a coûté la contestation juridique qui a sauvé le caractère français de l'hôpital Montfort à Ottawa, probablement des centaines de milliers de dollars. Cette juste victoire de la raison n'aurait pas été possible sans un programme d'assistance juridique, que le gouvernement conservateur vient d'abolir sous prétexte qu'un gouvernement ne peut pas financer ceux qui contestent ses lois. Ni les femmes ni les minorités n'ont les moyens de s'affirmer devant les tribunaux sans financement du gouvernement. Ce gouvernement le sait, le comprend et veut que cela se termine.
Le jupon dépasse aussi sur la question de l'environnement. La jolie ministre Ambrose regarde placidement les glaces de l'Arctique fondre. Après tout, ce n'est que de la glace. Si le climat se réchauffe, ce n'est pas notre problème, c'est celui de la planète. Et ce n'est pas sûr qu'il existe des gaz à effets de serre. Pour être bien certaine, la ministre Ambrose appelle un patron de compagnie pétrolière, qui la rassure. Nous ne courons aucun danger, proclame-t-elle, j'ai consulté des experts. C'est pour cette raison que tous les programmes créés par l'ancien gouvernement ont été jetés à la poubelle, c'est pour cela que Kyoto est une farce, c'est pour cela, enfin, que le gouvernement n'a pas de plan intégré. En fait, soyons francs : l'environnement, on s'en fout. Tant que nous aurons les sables bitumineux, les Canadiens seront bien.
La planète n'est pas menacée, selon les conservateurs, mais la religion le serait. Il faut protéger les religions contre l'assaut immoral de l'homosexualité et en particulier du mariage gai. Il ne faut pas en rire, mais on est tenté de le faire. Ce gouvernement croit que la planète est moins menacée que les droits religieux. Dieu est en péril ! Donc, adoptons une loi qui protège Dieu et les droits de ceux qui croient en Dieu. Dans cette démarche, ce n'est pas la religion qui est en jeu mais la liberté de contourner la Charte des droits, la liberté de dire qu'un Arabe est dangereux et qu'un homosexuel contrevient à la morale. On veut légiférer la discrimination au nom de la liberté des croyances. Si mon dieu croit que tous les Juifs doivent être tués, je possède le droit, au nom de ma religion, de le dire. C'est le droit que réclament les talibans, et c'est le même droit, en dernière analyse, que réclament les extrémistes conservateurs. Si je suis maire et que ma bible m'interdit de marier des homosexuels, les couples gais ne se marieront pas dans ma ville. Ici, nous sommes dans le domaine de l'opportunisme criminel. On ne parle de cette loi que pour faire oublier que le mariage gai ne sera pas rescindé. Non seulement toutes les protections des droits religieux existent déjà dans les lois, la jurisprudence et la Charte des droits, mais une loi qui affirmerait la prépondérance des croyances religieuses sur les droits risquerait d'ouvrir la porte aux pires intolérances, aux discriminations les plus arbitraires et aux extrémismes les plus assassins. Décidément, ce gouvernement est de plus en plus dangereux. Ce qui me désespère, c'est que personne n'a encore sonné l'alarme.
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