Plus d’un millier d’habitants de Lesbos ont manifesté jeudi à Mytilène, chef-lieu de l’île, contre un nouveau camp de migrants, le gouvernement appelant au dialogue au lendemain de violents affrontements entre manifestants et policiers.
Plusieurs associations de commerçants de Lesbos et des syndicats proches du parti communiste grec, à l’origine de la manifestation, ont également appelé à la poursuite de la grève sur l’île. Les magasins étaient fermés jeudi pour une deuxième journée d’affilée.
« Ni de camp fermé, ni de camp ouvert sur les îles », scandaient les manifestants qui ont marché pacifiquement.
Sur l’île proche de Chios, des centaines de personnes ont également manifesté jeudi et poursuivi la grève.
L’ambiance était plus calme sur ces îles jeudi après les violents incidents de mercredi ayant fait plus de 60 blessés dont la plupart des policiers des forces antiémeutes.
Après des semaines de pourparlers infructueux avec les autorités locales, le gouvernement avait envoyé lundi par bateau des engins de chantier et la police antiémeutes, provoquant l’indignation des insulaires et les critiques de l’opposition de gauche.
« L’écrasante majorité des forces antiémeutes ont quitté jeudi matin les îles et rentreront en Grèce continentale », a confirmé jeudi à l’AFP un porte-parole de la police, Thodoros Chronopoulos.
« Quarante-trois policiers ont été blessés légèrement à Lesbos mercredi, mais ils sont hors de danger », a-t-il précisé.
Le porte-parole du gouvernement Stelios Petsas a indiqué que « la première phase des travaux de terrassement s’est achevée sur les sites de construction [des camps à Lesbos et Chios] et que les forces policières devaient rentrer ».
Conditions difficiles
La Grèce est redevenue en 2019 la première porte d’entrée en Europe des demandeurs d’asile. Devant l’augmentation du flux migratoire, le gouvernement conservateur avait annoncé en novembre que les camps surpeuplés de Lesbos, Samos et Chios en mer Egée seraient fermés cette année.
Ils seront remplacés par de nouvelles installations « fermées » d’une capacité d’au moins 5000 personnes chacune, qui devraient être opérationnelles au milieu de l’année 2020, selon le gouvernement.
Plus de 38 000 demandeurs d’asile s’entassent dans des conditions sordides dans les camps actuels des îles de Lesbos, Samos, Chios, Leros et Kos, officiellement prévus pour 6200 personnes.
Mais les habitants des îles s’opposent à la construction de nouveaux camps : vivant avec les migrants depuis 2015, année de la grande crise migratoire, ils réclament leur transfert en Grèce continentale et la construction de petits centres d’enregistrement d’un millier de personnes chacun.
« L’île est devenue une immense prison de migrants […] nous avons exprimé notre solidarité toutes ces années, mais il faut décongestionner les îles », a indiqué Michael Hakas, 47 ans, employé à l’université de Mytilène, qui a manifesté jeudi.
Mercredi à Lesbos, le face à face tendu entre habitants et forces antiémeutes a duré toute la journée : des centaines de personnes rassemblées à Antamanides, un village proche du site de construction d’un nouveau camp, ont jeté des pierres vers la police, qui a riposté avec du gaz lacrymogène, des grenades assourdissantes, un canon à eau et des balles en plastique, selon un photographe de l’AFP.
Mercredi soir, environ 2000 personnes ont manifesté devant une caserne où se trouvaient les policiers avant de tenter d’y pénétrer. La police antiémeutes a riposté avec du gaz lacrymogène tandis que certains habitants ont tiré avec leurs carabines de chasse, selon un photographe de l’AFP.
À Chios, 2000 personnes ont aussi manifesté contre la construction d’un nouveau camp. Selon des médias locaux, un groupe de manifestants a fait irruption dans une chambre d’hôtel occupée par des policiers et les ont roués de coups, blessant huit d’entre eux.
Le premier ministre Kyriakos Mitsotakis a indiqué jeudi lors d’un conseil des ministres qu’une enquête serait ouverte après les dénonciations sur « l’usage de violence disproportionnée » par des habitants des îles où, selon lui, « il faut isoler les éléments extrêmes ».
Il a appelé les maires des îles à participer à une réunion jeudi soir à Athènes en vue d’apaiser la situation.
« Il faut privilégier le dialogue, la guerre a besoin d’une trêve », a indiqué jeudi Stigmatisé Karmans, le maire de Chios, à la radio RealFm, soulignant qu’il allait se rendre à Athènes pour participer à la réunion avec le premier ministre.