mercredi 12 janvier 2005
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ÉDITORIAL - La création d'un nouveau comité, annoncée la semaine dernière par le premier ministre Jean Charest, ne peut pas conduire à un choix éclairé pour l'avenir du CHUM. ll faut stopper les machines avant qu'il ne soit trop tard et confier ce dossier à une commission de consultation et d'évaluation indépendante, comme le recommande l'expert en la matière, M. Luc Ouimet, dont les propos ont été rapportés à la une de notre édition d'hier.
En affirmant qu'il n'était désormais plus question de choisir entre deux sites possibles pour le futur CHUM mais entre deux «projets différents», un grand hôpital spécialisé et une cité des sciences de la vie, le premier ministre Charest est venu modifier la donne du problème. Car toutes les études d'impact et de faisabilité produites à ce jour ont porté sur la construction d'un grand hôpital d'enseignement universitaire, aucune n'ayant abordé le concept d'un cité intégrée des sciences de la vie.
À première vue, cette idée de technopole de la santé, défendue de façon aussi surprenante que féroce par le milieu des affaires, présente un intérêt certain, nous l'avons toujours reconnu. Mais comme elle propose de quitter le centre-ville, qu'elle comporte beaucoup d'inconnues et qu'elle n'a jamais fait l'objet d'études indépendantes, il serait irresponsable pour un gouvernement d'aller de l'avant.
Arguments de fond et chiffres à l'appui, il faut savoir quel serait l'incidence d'un tel projet sur l'enseignement et la recherche, mais aussi sur le développement urbain, la sécurité des patients, les services à la population cible et, bien sûr, les finances publiques. Le Québec a déjà investi beaucoup d'argent dans des «concepts» de papier exempts d'analyses préalables: la Cité du multimédia et la Cité du commerce électronique en sont des exemples dont plus d'un doute aujourd'hui de l'intérêt. Le CHUM est un projet différent, bien sûr, mais que dire de plus pour le moment?
Un rapport synthèse produit l'automne dernier pour la Ville de Montréal, par la firme d'urbanistes Groupe Gauthier, Biancamano, Bolduc, indique que la construction du CHUM sur le site de la gare de triage d'Outremont affecterait fortement la vocation de ce quartier et viderait le centre-ville de milliers d'emplois structurants. Cela non plus n'a pas été analysé. Quant au coût global d'un tel projet, il varie considérablement selon que l'on se fie aux promoteurs ou au comité interministériel créé par le gouvernement, qui en arrive à un total de plus de deux milliards.
Dans ces conditions, comment deux ingénieurs et administrateurs, MM. Guy Saint-Pierre et Armand Couture, peuvent-ils en arriver à une conclusion éclairée après seulement trois semaines de travail? Impossible!
Québec doit donc suspendre le mandat de ce comité pour créer une commission de consultation et d'évaluation indépendante. Cette commission fonctionnerait selon les règles de l'art, recevrait l'avis de tous les intéressés et procéderait à l'analyse détaillée des coûts et des bénéfices des options présentées. Seule une telle commission pourra rallier les uns et les autres en toute neutralité.
S'il choisit de faire l'économie d'une telle démarche, le gouvernement Charest tranchera à l'aveugle dans le vif du problème, avec la certitude de causer des blessures profondes dans la collectivité.
j-rsansfacon@ledevoir.ca
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