Artistes anglophones: attaques contre le Festival d'été de Québec

La ministre de la Culture refuse de se mouiller

Le problème du Québec, selon Jean Charest, ce sont les Québécois. "Il faut s'y attaquer". Le jour approche où on n'aura plus de problèmes...

Isabelle Paré , Isabelle Porter - Québec et Montréal— La ministre de la Culture, Christine St-Pierre, refuse de se mouiller dans le débat lancé par un groupe qui presse Québec de revoir les subventions accordées au Festival d'été de Québec (FEQ) en raison de la trop grande place accordée aux artistes anglophones dans sa programmation.
Les signataires du groupe, qui comprend les auteurs-compositeurs et interprètes Yann Perreau, Edgar Bori, Raoul Duguay ainsi que des personnalités comme Gérald Larose, président du Conseil de la souveraineté du Québec, ainsi que les ex-ministres péquistes Louis O'Neill, Matthias Rioux et Claude Morin, affirment que le «Festival d'été a changé» et que son «objectif n'est plus de diffuser la culture du Québec et la culture francophone».
En effet, le 27 avril dernier, le FEQ dévoilait sa programmation 2010, regorgeant de gros noms de la musique métal internationale, dont Rammstein, Iron Maiden et d'autres stars de la musique pop anglophone dont Black Eyed Peas, Rush, Santana et Arcade Fire. Selon les signataires, la programmation du FEQ est composée à 60 % d'artistes anglophones.
Hier, la ministre de la Culture a refusé de se prononcer sur cette controverse. «Il n'est pas question de s'ingérer dans la programmation des festivals», a fait savoir Valérie Rodrigue, l'attachée de presse de Mme St-Pierre, dont le ministère a alloué 412 500 $ au FEQ l'an dernier, par le biais de la SODEC.
La SODEC, qui gère le programme d'aide aux événements nationaux et internationaux, affirme que la qualité et l'importance de la participation des artistes québécois font partie de ses propres critères de subvention. «On donne pour encourager les artistes d'ici, mais notre participation ne représente que 3 % du budget du Festival d'été», a expliqué hier Isabelle Melançon, aux communications de la SODEC.
Loco Locass: une coïncidence
Ironiquement, alors que la controverse faisait rage, la direction du FEQ s'est refusée hier à tout commentaire, mais a annoncé que le groupe souverainiste Loco Locass, connu pour ses positions tranchées sur la protection de la langue française, se produira le 14 juillet en première partie de Gilles Vigneault. «C'est un hasard. Le communiqué était écrit avant que l'on reçoive la lettre», a défendu Lucie Tremblay, porte-parole du Festival.
Contacté par Le Devoir, le chanteur Biz des Loco Locass a dit ne pas être au courant de la lettre s'en prenant au tournant «anglophone» pris par le Festival. «Non, on n'en a pas entendu parler. [...] Je ne suis pas au courant de la programmation. Tout ce que je sais, c'est que nous, on va être en première partie de M. Vigneault», a affirmé Biz, qui dit que sa formation a signé son contrat avec le Festival il y a trois semaines.
L'année du 400e, les Loco Locass s'étaient associés à des événements prônant la défense du fait français notamment au Moulin à paroles, un mouvement qui dénonçait la faible place laissée à l'histoire dans les célébrations.
Interrogée sur les fonds publics versés au Festival d'été de Québec, la porte-parole du FEQ a expliqué que les sommes provinciales représentaient seulement 8,6 % du budget du Festival. Les subventions fédérales, versées notamment par Industrie Canada pour soutenir les événements favorisant le rayonnement international, s'élèvent quant à elles à 2,7 millions, soit 20 % du budget total. Les fonds provenant de partenaires privés comptent pour 26 %, soit 4,6 millions. Loto-Québec et Hydro-Québec, des créatures publiques, comptent toutefois parmi les principaux commanditaires de l'événement estival.
Interrogée sur les choix du Festival, Mme Tremblay soutient qu'après avoir atteint un creux de vague en 2004, le FEQ a révisé son tir et privilégie désormais, à la demande du public, la programmation exclusive de vedettes internationales. «Depuis, notre budget est passé de 6 à 18 millions», dit-elle.
Cette approche inquiète les signataires de la lettre, qui ne voient pas en quoi le gouvernement devrait continuer à verser des fonds publics à un festival qui ne sert plus de vitrine à la culture québécoise. «Je n'ai rien contre les choix du Festival, mais alors, il faut réduire l'appui public à de tels événements pour le donner à ceux qui continuent de faire valoir les artistes d'ici», a déploré hier l'auteur-compositeur-interprète Edgar Bori, un artiste qui s'autoproduit depuis les tous débuts de sa carrière.
Hormis Yann Perreau, représenté par Spectra, et Raoul Duguay, aucun autre artiste québécois n'a associé son nom à cette lettre de protestation, envoyée à la ministre St-Pierre. «Les artistes ont peur de mordre la main qui les nourrit, ou qui les nourrira peut-être un jour. Moi, je n'ai rien contre le Festival ou sa démarche mondialiste, mais c'est dangereux quand l'argument de la masse devient le critère qui justifie les subventions», plaide Bori.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->