Armistice ou trêve au PQ?

Actualité québécoise - vers une « insurrection électorale »?




Denis Lessard La Presse (QUÉBEC) Il jouera les vierges offensées. Mais Gilles Duceppe est depuis des semaines derrière la guerre d'usure que mène en sous-main une phalange de vétérans péquistes et de bloquistes inquiets qui, à chaque occasion, ont sapé le leadership de Pauline Marois.
Il ne voulait pas d'effusion de sang. Et l'a clairement dit à ses disciples.
Soit, Pauline Marois sera assiégée, jusqu'à ce qu'elle jette l'éponge, dégoûtée. À chaque moment stratégique, aux conseils nationaux, aux caucus importants, de mauvaises nouvelles - des démissions de présidents d'association, des sorties péremptoires de présidents régionaux - sont tombées à point nommé. Des messages en douce qu'a parfaitement décodés la principale intéressée.
Aussi le geste fait hier par l'ancien chef du Bloc québécois a-t-il laissé pantois bien de ses appuis dans les rangs péquistes. Surtout que le même Gilles Duceppe s'est emmuré dans le silence quand il s'est retrouvé aux côtés de Pauline Marois lors d'un brunch-bénéfice, à Tracy, il y a deux semaines. Dans une lettre diffusée hier, dans laquelle il décline l'invitation à se joindre au Parti québécois, M. Duceppe semble prêter un serment d'allégeance à la chef péquiste - il demande aux troupes de se rallier derrière elle, de «laisser travailler Pauline Marois et le Parti québécois».
«Comme je te l'ai dit en privé, je n'exclus pas de me joindre à toi et au Parti québécois dans l'avenir, mais je ne me sens pas prêt, actuellement, à replonger dans la vie politique active», a écrit M. Duceppe dans la lettre que s'est empressée de rendre publique une Pauline Marois bien soulagée, a confié un élu. Car au-delà de ce refus, Duceppe a fait une promesse de non-agression. «Cela ne signifie nullement, comme certains l'ont affirmé, que je me tienne en «réserve de la République». Je n'ai aucune velléité de prendre la place de qui que ce soit. Je ne cautionne ni n'encourage aucune contestation de ton leadership», affirme-t-il.
Engagement à brève échéance
En vertu de cet «actuellement», on peut voir un engagement à bien brève échéance; il enterre la hache de guerre jusqu'à l'élection complémentaire de Bonaventure, interprète-t-on. Bien sûr, un ancien employé de M. Duceppe, Stéphane Gobeil, maintenant au cabinet de Mme Marois, a joué un rôle dans cet arrimage, tout comme Pierre-Paul Roy, autre lieutenant de l'ancien député bloquiste. De plus, hier à Québec, François Leblanc, chef de cabinet de Duceppe à Ottawa, a eu une rencontre «entre quatre yeux» en après-midi avec Nicole Stafford, bras droit de Pauline Marois. Duceppe avait parlé de son projet de lettre à un vieux confident, lundi. Ses proches savaient depuis la semaine dernière que «quelque chose s'en venait».
Gilles Duceppe nous a habitués à ces valses-hésitations. Déjà, en 2005, bien avant que Jacques Parizeau ne le décrive comme «le souverainiste le plus inspirant», le chef bloquiste roulait les mécaniques; au congrès péquiste de juin, son long discours - seulement 28 minutes et non 45, a-t-il insisté cette semaine - lui a permis de se mesurer à Bernard Landry, une simple démonstration de force.
Après l'humiliante défaite de 2007, André Boisclair sentait derrière lui l'ombre du frère fédéral. Duceppe «se couche le soir avec l'habit du chef du Parti québécois», a lancé Boisclair, amer, avant de claquer la porte. Plus tard, Duceppe s'est lancé dans la campagne pour la direction du PQ... pendant quatre heures. Après avoir annoncé sa candidature, il a déclaré forfait une fois son coup de bluff éventé - Mme Marois avait décidé de lui faire face. C'est le même Gilles Duceppe qui, écrasé sous la pression, pouvait disparaître une journée ou deux en campagne électorale fédérale. Depuis le sondage Léger Marketing qui a montré qu'avec lui, le PQ avait une chance de remporter les élections, Duceppe était carrément assiégé par des péquistes rêvant de son retour. Sa lettre diminuera la pression, mais pourrait bien donner à Pauline Marois l'oxygène nécessaire pour les prochaines semaines. Depuis un an, elle a profité plus d'une fois de la conjoncture; une victoire inattendue dans Kamouraska lui a offert plusieurs mois sans secousses. En avril, elle a récolté un appui impressionnant de 93% au vote de confiance.
Le PQ en difficulté
Mais depuis, rien ne va plus. Sondage après sondage, le PQ est constamment en difficulté. Passe encore d'être moins populaire que la formation de François Legault. Ce qui est plus grave, c'est d'être coiffé par les libéraux de Jean Charest, à un troisième mandat, grevés d'un taux d'insatisfaction sans précédent. À la rentrée parlementaire de septembre, la cause de Pauline Marois semblait entendue chez les députés. La sortie inopinée du rapport Duchesneau, la cascade des cafouillages de Jean Charest dans la formation de la commission Charbonneau ont temporairement réduit la pression sur Mme Marois. Mais la fronde des députés péquistes au caucus, il y a deux semaines, était depuis longtemps prévisible; il restait à connaître le moment.
Il n'est pas rare que, intensément courtisé, un politicien garde ses cartes bien cachées. En 1978, Claude Ryan avait bien dit que «la porte était fermée» et nié son intention de devenir chef du PLQ. En 1998, Jean Charest avait soutenu n'avoir aucun projet pour passer des Communes à l'Assemblée nationale - le bras droit de Daniel Johnson, Pietro Perrino, l'avait pourtant prévenu en secret que le poste de chef du PLQ allait se libérer.
C'est dans les prochaines semaines qu'on pourra soupeser le sens du mot «actuellement» choisi par Gilles Duceppe. L'entourage de Pauline Marois a fait valoir que la partielle dans Bonaventure serait «gagnable». Le PQ peut l'échapper, le 5 décembre, dans une circonscription qui a presque toujours été libérale depuis 1956. Mais Mme Marois aura des comptes à rendre si son parti y est écrasé.


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