Après une victoire du PQ, Harper pourrait déclencher un référendum ou des élections précipitées

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PKP a le pied lourd sur l'accélérateur du temps

Marx a écrit que « dans les grands développements historiques, vingt années ne sont pas plus qu’un jour, bien que, par la suite, puissent venir des journées qui concentrent en elles vingt années ».
Dans la lutte pour l’indépendance du Québec, il se pourrait que les jours qui nous mènent au prochain scrutin et qui le suivront « concentrent en elles vingt années », si on en juge par l’accélération subite de la situation politique.
La caricature du Globe and Mail du 11 mars l’illustre parfaitement. « Réveillez-vous, l’histoire se corse », déclare le comédien québécois au spectateur canadien-anglais profondément endormi devant le 147ième acte de la pièce.
Mais bien que la pièce en soit à son 147ième acte depuis le référendum de 1995, il ne faudrait pas croire que nos adversaires à Ottawa dorment au gaz.
Il serait naïf de penser que le gouvernement Harper, advenant une victoire du Parti Québécois, va regarder les bras croisés le gouvernement québécois créer une commission sur le modèle de la Commission Bélanger-Campeau, préparer un Livre Blanc, et faire monter la fièvre souverainiste.
Les médias anglophones ont compris, avec l’arrivée de Pierre-Karl Péladeau et sa déclaration, le poing levé, en faveur de l’indépendance du Québec qu’il y avait une accélération de l’histoire.
Les fédéralistes ont tiré des leçons de la « Grande Frousse » du référendum de 1995. Ils savent qu’il n’y a rien de rassurant à ce que l’appui à la souveraineté ne soit qu’à 40% dans les sondages. C’était la même chose en 1995, avant le déclenchement de la campagne référendaire.
Ils savent également qu’ils ne pourront pas toujours nous le « voler » comme ce fut le cas en 1995.
Alors, à quoi s’attendre?
Dans une lettre publiée dans le National Post (8 mars), soit avant l’annonce de la candidature de PKP, Conrad Black écrit que « l’élection du 7 avril représente un tournant décisif » et une occasion de sortir de « l’impasse » actuelle, où le Québec se comporte comme « un pays séparé » bénéficiant des largesses du Canada.
Dans l’éventualité d’une victoire péquiste, Conrad Black propose que le gouvernement Harper déclenche immédiatement un référendum au Québec avec le choix suivant. Ou bien le Québec rejoint le Canada ou bien « il est partitionné de façon à ce que le Canada conserve les régions sous juridiction fédérale (incluant les Premières Nations) ».
Un autre scénario plausible serait que Stephen Harper déclenche des élections générales pour aller chercher au Canada anglais un mandat pour mettre le Québec à sa place.
Depuis 1995, les fédéralistes ont changé d’attitude à l’égard du Québec. Il n’est plus question de faire des concessions au Québec. C’est la ligne dure qui domine, avec les menaces de partition.
Une élection précipitée aurait l’avantage pour Harper de prendre de court ses adversaires libéraux et néo-démocrates – tous deux originaires du Québec – et de se présenter devant l’électorat comme un véritable Monsieur Canada.
La réaction de Stephen Harper, lorsque les libéraux, les néo-démocrates et les bloquistes ont projeté de former un gouvernement de coalition, est une indication de ce qu’il pourrait faire.
Rappelons les faits.
En octobre 2008, Stephen Harper est réélu à la tête d’un gouvernement minoritaire. Dans le discours du trône, il s’attaque à des principes démocratiques, comme le droit de grève, le financement équitable des partis politiques et le libre accès aux tribunaux. Et plutôt que d'engager des mesures de soutien à l'économie, il propose des compressions budgétaires de six milliards.
Les trois partis d’opposition refusent de l’appuyer et concoctent une solution de rechange : un gouvernement de coalition des Libéraux et du NPD, appuyé par le Bloc Québécois. Nous entrons en pleine crise politique.
Dans la biographie qu’il a consacrée à Harper, le journaliste Paul Wells raconte que Stephen Harper est alors complètement abattu. Il songe à laisser le pouvoir à la coalition.
Mais, après la conférence de presse des trois leaders de la coalition, des sondages réalisés par le Parti conservateur l’amènent à changer complètement d’attitude. Que disent ces sondages?
Que la population canadienne n’est pas préoccupée par le fait que Jack Layton imposerait des politiques « socialistes » au pays. Ni par l’idée que Stéphane Dion pourrait devenir premier ministre.
Par contre, la chose contre laquelle s’insurge le Canada anglais est que le Bloc Québécois fasse partie du gouvernement.
Gilles Duceppe s’en doutait et il avait prévenu Dion et Layton que ce n’était peut-être pas une bonne idée qu’il se présente en conférence de presse aux côtés des deux autres, d’autant plus que le Bloc ne faisait qu’appuyer la coalition. Mais on ne tiendra pas compte de son avis.
Harper a vite compris sa chance. Il retrouve rapidement tous ses moyens, son esprit combatif, et déclare à la Chambre des communes : « Monsieur le président, le premier principe de la démocratie canadienne est que si vous voulez devenir premier ministre, vous devez aller chercher un mandat auprès du peuple canadien, et non auprès des séparatistes du Québec ».
Il galvanise les troupes conservatrices avec un triple jab : « Monsieur le président, l’entente que le chef du Parti Libéral a conclu avec les séparatistes est une trahison envers les électeurs de ce pays. Une trahison envers les meilleurs intérêts de notre économie. Une trahison à l’égard des meilleurs intérêts de ce pays. Et nous allons le combattre avec tous les moyens à notre disposition ».
On connaît la suite. Sachant qu’il avait l’appui du Canada anglais, Harper joue le tout pour le tout. Il demande et obtient de la Gouverneure générale la prorogation de la Chambre des communes. La coalition s’écroule. Stéphane Dion démissionne et Michael Ignatieff le remplace.
Selon le journaliste Lawrence Martin, si Michaelle Jean avait refusé la prorogation, Harper était décidé à en appeler directement à la Reine.
Des sondages effectués pour mesurer la réaction de la population canadienne à cette décision montrent un solide appui au gouvernement et donnent 45% des intentions de vote aux Conservateurs, 23% aux Libéraux et 13% au NPD. Harper a gagné.
Nul doute que Harper a retenu la leçon. Face aux « séparatistes québécois », il peut compter sur l’appui de la population du Canada. Aussi, le scénario évoqué précédemment du déclenchement d’un référendum ou d’une élection fédérale au lendemain d’une victoire du Parti Québécois est à prendre sérieusement en considération, surtout si les troupes souverainistes sortent profondément divisées de l’exercice.
« Des journées qui concentrent en elles vingt années », écrivait Marx…


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