La semaine dernière, une tornade a déferlé sur l'Europe. L'arrivée de Barack Obama à Londres, sa présence au G20, au sommet de l'OTAN à Strasbourg et ensuite à Prague et en Turquie, peuvent en effet être comparées à une tornade. Tornade médiatique, évidemment, mais tornade quand même. L'effet premier de ce vent nouveau qui a soufflé sur le Vieux Continent est d'abord symbolique. L'Amérique décriée de George W. Bush, celle de Guantánamo et de la surdité politique, n'est plus. La politique reprend enfin ses droits.
Barack Obama est arrivé sur le continent européen précédé de l'immense aura qu'il y possédait déjà. Alors que seulement un peu plus de 50 % des citoyens américains ont voté pour lui, en Europe, son taux de popularité frise des records soviétiques. Obama en avait conscience et n'a cessé d'exploiter cet avantage.
L'image des États-Unis en est donc changée. Ceux-ci retrouvent une partie de leur prestige et une autorité morale qui leur faisait cruellement défaut depuis huit ans. Mais il ne suffit pas de se réjouir de ce changement d'image. Encore faut-il se demander ce qui a vraiment changé une fois la poussière retombée.
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Les grandes déclarations d'unité entendues durant cette semaine manifestaient certes un nouveau climat. Le dialogue entre l'Europe et l'Amérique a repris ses droits. Mais cette nouvelle atmosphère cache mal la persistance de divisions profondes. Les Européens ont beau se rallier à la nouvelle stratégie d'Obama en Afghanistan, les gestes ne suivent pas les paroles. La faiblesse de l'effort militaire européen ne pourra faire autrement que de transformer cette guerre, si elle devait durer, en guerre américaine. Il est ironique de voir la France applaudir à la fermeture de Guantánamo, réclamée depuis si longtemps, et se contenter de n'accueillir qu'un seul prisonnier sur son territoire.
Le G20 a aussi eu sa part de fictions. On a raison d'applaudir à cette concertation historique entre pays développés et émergents pour sortir de la crise. Les efforts consentis pour la relance, le Fonds monétaire international et un début de réforme réglementaire sont louables.
Mais on sourit en écoutant la rhétorique populiste sur les paradis fiscaux et les salaires des dirigeants des grandes banques. Y a-t-il quelqu'un quelque part qui croit sérieusement que les paradis fiscaux et les salaires des patrons ont quelque chose à voir avec les causes de cette crise? On dira qu'il faut calmer la colère populaire. Mais, à trop mentir au peuple, on se prépare des lendemains qui déchantent.
À Strasbourg, Barack Obama a eu de belles paroles sur l'Europe dont il dit ne pas vouloir dicter les politiques. Sitôt après avoir quitté la capitale alsacienne pour Prague, le voilà pourtant qui s'empresse d'exiger l'intégration de la Turquie à l'Union européenne. Une déclaration à laquelle le président Nicolas Sarkozy a répliqué du tac au tac. En moins de 24 heures, la belle unité souffrait déjà quelques égratignures.
Les médias auront évidemment retenu les appels sentis d'Obama à la coopération transatlantique. Peu d'entre eux auront malheureusement remarqué que, lors de sa première conférence de presse en territoire français, le président américain avait fait très peu de cas des revendications européennes en matière de défense. Obama a plutôt martelé le credo traditionnel selon lequel la défense de l'Europe et de l'Amérique, c'est exactement la même chose. Point à la ligne! Sur ce plan, Barack Obama semble même en retrait comparativement à son prédécesseur. On se souviendra que George W. Bush avait été le premier président américain à entamer son mandat par un voyage, non pas à Paris ou à Londres, mais à Bruxelles.
Barack Obama semble autant sinon plus opposé que son prédécesseur à ce qu'une Europe politique vienne contrecarrer le nouvel équilibre qui est en voie de s'installer entre Washington, Pékin et Moscou. C'est en effet vers ces deux dernières destinations, beaucoup plus que vers le Vieux Continent, que le regard d'Obama est aujourd'hui tourné. D'ailleurs, la mort du G7 et son remplacement par le G20 ne représentent-ils pas le véritable triomphe de la Chine?
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En multipliant les apparitions médiatiques, Barack Obama n'a rien épargné pour faire de l'ombre à Nicolas Sarkozy, dont l'image a pris tout à coup un coup de vieux. On se rappellera que, depuis deux ans, le président français avait déployé tous ses talents pour se réconcilier avec George W. Bush. Ce n'est pas un hasard si, avant de fouler le sol européen, Obama avait envoyé une lettre à l'ancien président Chirac pour le féliciter de son opposition à la guerre en Irak. On a bien senti que, tout en demeurant poli, Obama ne prisait pas vraiment l'agitation frénétique du président français et ses menaces démagogiques de claquer la porte du G20. Avec une ironie consommée, le président américain a d'ailleurs affirmé que le «courage» de Nicolas Sarkozy s'exerçait «sur tellement de fronts qu'il est difficile de les énumérer». Il y a des compliments dont on se passerait.
Il n'est pas certain que, du point de vue européen, ce premier voyage d'Obama en Europe soit une réussite aussi complète qu'on le dit. Ce fut au moins l'occasion de découvrir que le soft power, c'est encore le pouvoir.
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crioux@ledevoir.com
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