Que dira Barack Obama?

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Les Américains adorent les bons discours et en particulier ceux prononcés au moment de l'entrée en fonction d'un nouveau président. Alors que Barack Obama se prépare en vue de cet événement, les enjeux sont particulièrement élevés. Il sera en concurrence avec les fantômes de présidents fort éloquents surgis du passé et aussi avec ses propres normes relevées en cette matière. Il entre en fonction à titre de premier président noir pour guérir des siècles de racisme et de déshumanisation et dans un contexte de grave crise économique. Son pays est engagé dans deux guerres difficiles, la menace terroriste islamiste est toujours présente et il subsiste encore de grandes inquiétudes quant à l'armement nucléaire des Iraniens et des Coréens du Nord.
Face à de tels troubles, on pourrait penser que les simples mots ne peuvent pas faire grand-chose. Mais la magie de la démocratie américaine, ainsi que l'alchimie reliée au leadership, fait en sorte que les mots appropriés et même les gestes faits à point peuvent faire l'histoire. Des centaines de millions de personnes aux États-Unis et partout dans le monde ne prêteront pas seulement oreille au discours d'entrée en fonction du nouveau président, mais elles aspireront aussi à ce qu'il leur indique une direction, en particulier dans le contexte actuel.

Le 30 avril 1789, un certain George Washington, visiblement nerveux, a prononcé le premier discours d'entrée en fonction de l'histoire des États-Unis. L'humilité du grand homme, ses gestes maladroits et ses mains tremblantes, ont ému la foule. Nombreux ont alors été ceux qui se sont réjouis d'avoir été témoins de la vertu personnifiée, alors que la grandeur individuelle et nationale semblaient vouloir se renforcer l'une l'autre.
Douze années plus tard, Thomas Jefferson entra en fonction pendant une période très favorable aux divisions. Dans un premier temps, il fit alors sa marque avec des mots et non pas avec des actions. Quelles que soient la gêne qu'aura pu ressentir George W. Bush, en 2000, et celle qu'éprouvera Barack Obama, mardi prochain, cela n'est rien comparativement à la tension qui régnait entre John Adams et Thomas Jefferson en 1801. Le vice-président Jefferson venait tout juste de défaire son vieil ami - et patron - au terme d'une lutte épique marquant la première vraie campagne présidentielle partisane, la première «éviction» d'un président en poste et la première transition entre le parti au pouvoir et celui de l'opposition dans l'histoire américaine. L'envolée patriotique de Jefferson («Nous sommes tous républicains, nous sommes tous fédéralistes») fut un baume et elle indiqua, en les rassurant, aux fédéralistes perdants qu'ils demeuraient Américains.
Abraham Lincoln
Ces deux fondateurs ont ouvert la voie à une riche histoire de moments qui ont fait date au chapitre de l'entrée en fonction de nouveaux présidents. En 1861, Abraham Lincoln a tenté d'unifier le pays en évoquant «les cordes mystiques de la mémoire» unissant les Américains. Bien que ces efforts eussent échoué et qu'une sanglante guerre civile eût suivi, quatre ans plus tard, Lincoln accueillit les rebelles du Sud «sans méchanceté envers qui que ce soit et avec charité envers tous».
En 1933, ayant à faire face à d'horribles conditions économiques, Franklin Roosevelt fit trois choses importantes qu'Obama devrait noter. En premier lieu, il rassura les Américains, y allant de ces célèbres paroles: «La seule chose que nous devons craindre est la peur elle-même, cette terreur sans nom, irraisonnée et injustifiée qui paralyse les efforts nécessaires pour convertir la retraite en progression.» Ensuite, il réorienta les Américains, les éloignant du matérialisme et de l'individualisme excessif pour les ramener vers des valeurs de base et communautaires, disant: «Les changeurs de monnaie ont fui leurs hauts sièges dans le temple de notre civilisation. Nous pouvons maintenant faire retrouver à ce temple les anciennes vérités. La mesure de la restauration réside dans l'ampleur avec laquelle nous appliquons des valeurs sociales plus nobles que le seul profit monétaire.» Finalement et d'une manière pratique, Roosevelt a réaffirmé sa foi envers la Constitution, durable mais souple, et bien adaptée pour affronter toute situation d'urgence.
Plus récemment, en 1961, John Kennedy a défini l'idéalisme d'une génération en soulignant: «Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays.» Et 20 ans plus tard, Ronald Reagan rejetait le libéralisme de Kennedy, lançant l'ère des coupes dans les budgets et le scepticisme à l'égard du gouvernement en s'exprimant ainsi: «Dans la présente crise, le gouvernement n'est pas la solution à notre problème; le gouvernement est le problème.»
Lorsque Barack Obama prendra la parole mardi prochain, il rejettera le scepticisme de Reagan et ressuscitera l'idéalisme de Kennedy, fera sienne la souplesse de Roosevelt tout en affichant l'humanité de Lincoln. Il fera aussi écho à l'appel de Jefferson en faveur de l'unité et il espérera qu'au coeur de toutes ces aspirations grandioses il pourra canaliser l'humilité de Washington. Une oeuvre de taille, bien sûr.
Mais qui donc avait prévu que Barack Hussein Obama allait être élu?
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Gil Troy
L'auteur est professeur d'histoire américaine à l'Université McGill.

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Professeur d'histoire américaine à l'Université McGill. Auteur de "Why I Am a Zionist: Israel, Jewish Identity and the Challenges of Today", Updated Edition (Paperback)





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