En évoquant mercredi l’indépendance énergétique du pays qu’il préside, Donald Trump a rappelé cette nouvelle réalité pétrolière qui redessine la relation des Américains avec le Moyen-Orient. En cette année 2020 appelée à confirmer les États-Unis dans leur rôle d’exportateur net de produits pétroliers, l’or noir peut s’en trouver ainsi un peu plus dépolitisé. Sa sensibilité économique reste cependant toujours criante au pays des pick up et des VUS.
Dans un climat de tension demeurant vive avec l’Iran, cette indépendance énergétique permet aux États-Unis de ne plus avoir besoin du pétrole du Moyen-Orient et de soustraire son approvisionnement des aléas géopolitiques dans le Golfe, a soutenu le président américain. Dans les faits, partant d’une balance commerciale négative depuis 1953 pour atteindre un sommet il y a une dizaine d’années, les États-Unis vont se retrouver en situation d’exportation nette à partir de 2020, selon le scénario de référence de l’Agence d’information sur l’énergie (EIA, en anglais), une agence gouvernementale de statistiques. Dans son rapport annuel sur les perspectives énergétiques mondiales, l’Agence internationale de l’énergie prévoit, pour sa part, que, sur le plan de l’offre, la production mondiale devrait atteindre les 103 millions de barils par jour en 2040, sous l’impulsion des États-Unis, accaparant les trois quarts de l’augmentation pétrolière anticipée et 30 % de celle du gaz. La production pétrolière américaine devrait croître de 22 % sur l’horizon, le schiste comptant pour 40 % du menu pétrolier des États-Unis.
À cette autonomie énergétique s’ajoute le poids sans cesse décroissant du Moyen-Orient dans les sources d’alimentation américaines. Selon le magazine Forbes reprenant des données de l’EIA, le poids de cette région comptait pour 23 % des importations à son sommet en 2001. En 2018, il est tombé sous les 16 %, 90 % venant de l’Arabie saoudite et de l’Irak. Le Canada devenait du même souffle la plus importante source pétrolière externe des États-Unis, avec 43 % des importations américaines, ajoute Forbes.
Mais cette relative indépendance s’exprime en volume. En valeur, les États-Unis demeurent sensibles au niveau des cours pétroliers et à leurs fluctuations. D’autant que ce bonanza repose sur l’extraction d’un pétrole non conventionnel dont les coûts requis et la technologie utilisée ne permettent pas de pérenniser le seuil de rentabilité de cette industrie, qui peut varier d’un puits à l’autre.
Face à Téhéran
Washington peut donc se servir de cette relative sécurité d’approvisionnement pour accroître sa marge de manoeuvre diplomatique. Face à Téhéran, deuxième producteur de la région au sein de l’OPEP, l’imposition de sanctions économiques a réduit la production iranienne de 40 % entre le début de 2018 et la fin de 2019, selon Forbes reprenant des données de l’OPEP. Les États-Unis peuvent ainsi influencer le maintien des cours et vouloir se substituer au brut iranien dans l’offre de pétrole et de gaz liquéfié vers l’Asie et l’Europe. D’autant qu’ils bénéficient d’un prix de référence plus bas que celui du Brent, référence mondiale, et que les experts accordent une certaine supériorité aux marges bénéficiaires des raffineries américaines.
Reste la dépendance qu’une grande partie du monde au pétrole du Moyen Orient. Il y a aussi cette géographie faisant passer quelque 20 % du pétrole mondial dans les eaux bordant les frontières iraniennes. Ou encore ces risques d’attaques d’installations pétrolières pouvant plomber l’offre. Une escalade du conflit entre l’Iran et les États-Unis, en provoquant un choc pétrolier persistant sur la durée, risquerait de plonger une économie mondiale déjà poussive dans une paralysie prolongée.
La perte du pouvoir d’achat entraîne des conséquences immédiates sur l’activité économique. Une sensibilité accrue aux États-Unis, là où le poids du pétrole dans les dépenses moyennes du consommateur est parmi les plus élevés. Là où le simple prix de l’essence à la pompe peut devenir un enjeu électoral.