Alerte rouge! Les communistes sont à nos portes

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Virage à gauche : SPST défend le programme socialiste de QS !?!

Alerte rouge! Les communistes sont à nos portes. Les agents provocateurs visant à transformer le Québec en Cuba du nord progressent.


Lançons la machine à peur! Ressuscitons la House Un-American Activities Committee du sénateur Joe McCarthy pour tuer dans l’œuf la menace bolchévique, et ramenons au plus vite la Loi du cadenas du bon vieux Maurice Duplessis.


Mais ce maccarthysme de fin de campagne électorale n’est pas similaire à celui des années de la Guerre froide. À l’époque, alors que la télévision de masse faisait son apparition, la propagande en noir et blanc, séparant le monde en bons et méchants, il était très facile à d’instituer un climat de paranoïa permanente.


Celui d’aujourd’hui s’inscrit plutôt dans le refus et la confiscation du débat. Il est très difficile d’amener des propositions qui sortent du soi-disant consensus, façon détournée de nommer la pensée unique d’extrême centre qui domine la politique au Québec. Les seuls affrontements d’idées autorisés semblent être ceux qui se situent à l’intérieur d’un spectre de cinquante nuances de gris, pour reprendre le concept à la mode.


La mort du débat public...


On peut donc s’obstiner dans les manières de procéder, mais on ne doit pas trop s’éloigner de la recette unique. C’est là le signe ultime que nous ne sommes plus dans un débat politique sur le pourquoi, mais dans une discussion technique sur le comment. Mais à quoi sert donc la politique si elle interdit les confrontations de visions?


Depuis quelques jours, on agite l’épouvantail communiste pour désigner Québec solidaire. Enfin, ce n’est pas si nouveau que ça. Il y a an et demi, un collègue que j’appréciais, Sylvain Lévesque, aujourd’hui candidat pour la CAQ, avait publié un texte intitulé Les 10 perles du programme de Québec solidaire. J’ai eu l’occasion de lui reprocher amicalement de s’être contenté d’énoncer dix propositions de QS sans les discuter, sans nous expliquer en quoi elles étaient si absurdes. Une phrase ou deux par « perle » aurait pourtant suffi.


Ce type est procédé est très répandu : tirer un certain nombre d’idées et les mettre dans le même panier, et y coller une étiquette. Il est aisé de caricaturer et de diaboliser toute idée sortant des sentiers battus, à une époque où on a renoncé aux grands projets. La classification et la catégorisation bête et méchante constituent une formidable manière de marquer au fer rouge pour se donner congé du fardeau de la réflexion.


Québec solidaire a bien entendu une position sévère sur le capitalisme. On peut lui reprocher bien des choses. On peut discuter du projet du parti, le condamner, le détester, le juger dangereux, mais, tant qu’à le faire, aussi bien savoir pourquoi. Et une chose est claire : sa position n’est pas de faire renaître un système à la soviétique ou d’abolir les classes sociales, la propriété privée des moyens de production et l’État, ce qu’est le communisme.


Il y a quatre ans, lors de l’élection qui s’est conclue par la défaite de Pauline Marois, on agitait plutôt l’épouvantail du Québec en chemise brune. On peut s’opposer à la Charte des valeurs québécoises de l’ancien gouvernement péquiste, la considérer comme irresponsable, mauvaise, ou lui accoler toute autre épithète négative. Mais pas besoin, à mon humble avis, d’y voir le retour d’Adolf Hitler.


Les régimes se réclamant de ces courants ont, me semble-t-il, causé suffisamment de ravages pour imposer une prudence exemplaire dans toute comparaison avec ceux-ci, surtout quand on parle de partis qui participent à un processus électoral démocratique. (Commentaire inutile à m’envoyer : « mais Hitler a bien été élu démocratiquement ». C’est une fausseté historique.)


...et ses causes probables


Cet enfermement du débat public débouche sur un Québec politiquement sclérosé, un Québec qui a une peur bleue face à la seule possibilité de la tenue d’un référendum. Ce qui devrait pourtant être considéré comme un des plus beaux rendez-vous démocratiques suscite au contraire une phobie irrationnelle. « Mais nous allons nous diviser ! » Il est vrai qu’il est fondamentalement triste, pour un peuple, de se faire demander son avis par son gouvernement.


Il est cependant possible que ce verrouillage de la politique trouve ses causes dans la culture même du Québec. N’est-on pas dans cette étrange province où la « peur de la chicane » fait figure de mantra, où il est strictement interdit de parler de religion ou de politique lors des réunions familiales à Noël? Le Québec porte probablement les traces indélébiles de sa colonisation passée, et de nombreuses années où les curés nous répétaient que nous serions mieux avisés de ne pas nous occuper de nos affaires, et qu’il fallait même craindre d’administrer nous-mêmes la Cité.


La démocratie, c’est pourtant, justement, de s’opposer, d’avoir parfois des positions polarisées, et parfois de se chicaner. Eh oui, il arrive à l’occasion – désolé pour les oreilles les plus chastes – de hausser le ton au cours d’une discussion.


Il y a aussi des causes mondiales à ce triste état de fait. Depuis l’essor de la mondialisation néolibérale dans les années 1990, les organismes mondiaux et les experts internes ont produit des milliers de pages de rapports et de documents fournissant les orientations à suivre pour les gouvernants. Il n’y aurait qu’une seule politique qui soit fondamentalement bonne, une seule voie à suivre, un seul train dans lequel il faut sauter, au péril de le manquer. Rien n’illustre mieux ce règne de la pensée unique que le passage du terme de gouvernement à celui de gouvernance.


Qui sait, on confiera peut-être bientôt l’administration des choses à des algorithmes chargés d’appliquer la recette unique. N’est-ce pas d’ailleurs déjà le cas? En attendant, la construction des extrêmes sert remarquablement bien le caractère incontestable du système.


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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).