par Le Yéti - La vie
Bagarre (photo extraite du film d'Alain Resnais, "Mon oncle d'Amérique")
Karachi, valises françafricaines, plaidoirie du Parquet pour une relaxe générale dans l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris, feuilleton Woerth/Bettencourt… Balayée par les révélations en série de toutes ces “affaires”, la présomption d’innocence cède le pas à une solide et tenace présomption de culpabilité.
Privilège des nantis et des puissants — le Rom, le voleur de bicyclette ou le sans-papier n’en bénéficient guère — la présomption d’innocence n’apparaît plus que comme un ultime rempart des filous pour gagner cahin-caha le rivage des prescriptions commodes et des non-lieux douteux.
Œil poché, pif amoché et proche du chaos, l’idée démocratique, elle, chancelle sous les coups bas. Tous pourris, et si c’était vrai ?
Tous pourris, et si c’était vrai ?
On ne peut comprendre cette longue descente aux enfers de nos illusions, emportées elles aussi dans le maelström de la Grande perdition, si l’on ne se pose pas la question des mécanismes qui président aux comportements humains.
Le chirurgien et neurobiologiste Henri Laborit posait que le cortex cérébral des humains, cette Raison dont nous sommes si fiers, ne nous servait pas à domestiquer nos pulsions inconscientes. Mais, avec l’aide de ce langage qui nous distingue paraît-il des animaux, à les justifier coûte que coûte.
L’idée démocratique, pour ceux qui s’en revendiquent haut et fort, ne devient plus qu’un alibi où manifestement tous les coups sont permis pour conquérir pouvoirs et richesses. A droite comme à gauche. Car si la Françafrique de droite eut son Jacques Foccart, celle de la gauche mitterrandienne s’accommoda fort bien de son Guy Penne.
Ajoutons à ces combines mafieuses, la perversion plus insidieuse qui consiste à légaliser carrément les exactions. Le problème actuel de la dette publique provient, non d’une augmentation des dépenses de l’État, mais d’une diminution volontaire de ses recettes à grands coups de paquet fiscal et de niches juteuses pour les copains. Là encore, droite et gauche institutionnelles s’entendent comme larrons en foire.
La Grande perdition marque la fin d’un cycle
Heureusement, les comportements humains fonctionnent par cycles qui vont se renouvelant au fil de l’histoire. Henri Laborit distinguait quatre sortes de comportements. Passons sur les deux premiers (les comportements de consommation et de gratification qui présidèrent peu ou prou à nos Trente glorieuses), et arrêtons-nous sur les deux derniers, typiques de cette période de Grande perdition.
Quand il est pris la main dans le sac, quand il et mis devant ses méfaits accomplis, le petit humain adopte le comportement de la punition. Il y fait face, soit en fuyant (on passe à autre chose, on détourne l’attention sur un bouc émissaire), soit en essayant de détruire le sujet de l’agression.
Rappelez-vous le président Sarkozy face au « journaliste-pédophile » qui l’interrogeait sur l’affaire Karachi ! Malgré la qualité médiocre du document ci-dessous, avouez qu’on s’y sent plus proche de « l’eau ferrugineuse » de Bourvil que des ors de la République. (Écouter la bande-son)
L’inhibition, dernier stade avant la guerre ou la révolution
L’ultime comportement du cycle d’Henri Laborit est le comportement de l’inhibition.
« On ne bouge plus. On attend en tension. Et on débouche sur l’angoisse. L’angoisse, c’est l’impossibilité de dominer une situation. »
En gros, c’est nos G8 ou 20 face à la descente aux abimes du système ; c’est la pétrification des instances américaines ou européennes devant leur déclin ; c’est la torpeur des masses dites populaires devant la démolition de leur espace de vie.
La Grande perdition a le grand mérite de mettre à nu cette paralysie générale. Elle précède toujours la guerre, les périodes de régression livrées à des forces obscurantistes… ou les révolutions ! Encore une fois, c’est pendant les grandes périodes de troubles que se sont produites les plus grandes avancées sociales.
La présidentielle de 2012 ne sert à rien
On remarquera qu’aucun des grands changements historiques n’est venu d’un processus démocratique : pas plus la Révolution française de 1789 que l’avènement d’un Mandela en Afrique du sud, pas plus les acquis du Front populaire de 1936 (fruits des mouvements ouvriers plutôt que de l’élection de Léon Blum) que les ordonnances du Conseil national de la résistance en 1945.
Voilà pourquoi, même si l’on voudrait tous furieusement espérer le contraire, la future présidentielle de 2012 n’aura probablement aucune utilité, sinon celle d’amuser la galerie en mettant aux prises l’équipe A au pouvoir et son équipe B socialiste, toutes les deux pieds et mains liés à leurs sponsors financiers, à leurs gardes-chiourmes médiatiques et à leurs affaires troubles.
À moins d’aider un peu plus Marine Le Pen dans sa montée des marches ? Ce n’est pas la dénonciation du “tous pourris” qui favorise les extrémismes régressifs. Ce sont bien les agissements des “tous pourris” eux-mêmes.
Les révolutions ne viennent jamais des masses populaires, encore moins lorsque, égarées, elles s’expriment dans l’intimité anxiogène d’un isoloir. Elles viennent des minorités agissantes qui les rallient à leur cause en désespoir de la leur : le mouvement de résistance initié par l’appel du général de Gaulle en 1940, les révolutions arabes de 2011, le mouvement des Indignés…
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