La société québécoise doit s'adapter à une nouvelle réalité: la fin de la production de l'électricité bon marché. Cette adaptation est d'autant plus difficile que durant plusieurs décennies, le Québec s'est démarqué par de faibles coûts dans la production de l'hydro-électricité. Ce qui était vrai jusqu'à aujourd'hui n'existe plus pour les projets futurs.
Les approvisionnements actuels en électricité reposent généralement sur des centrales à faibles coûts. Voici quelques ordres de grandeur. Le contrat des chutes Churchill, qui représente 12% de la puissance disponible, est à 0,35 cent le kilowattheure (kWh) et les centrales de la Baie-James, qui fournissent plus du tiers de la puissance installée, ont un coût d'environ 1,5 cent/kWh. Selon Hydro-Québec Production, en 2008, le coût moyen du kilowattheure s'est établi à 2,2 cents.
L'abondance des sites hydrauliques, qui furent exploités en commençant par ceux qui étaient plus rapprochés et moins coûteux, a permis un coût moyen de production relativement bas. Qu'en est-il des projets futurs?
En mai 2009, Hydro-Québec a entrepris la construction d'un complexe hydroélectrique de 1550 mégawatts sur la rivière Romaine. Les coûts anticipés de cette électricité se situent aux environs de 10 cents/kWh. Parallèlement, le récent appel d'offres de 2000MW en énergie éolienne s'est soldé à un prix moyen de 10,3 cents/kWh. C'est donc un autre univers avec des coûts de production qui s'éloignent énormément des coûts moyens d'approvisionnement actuels.
Ces nouvelles conditions de production débouchent sur la question suivante: existera-t-il un marché à l'exportation pour de l'électricité produite à 10 cents? La réponse se complique avec l'imprécision des politiques environnementales qui modifieront les coûts des différentes filières d'électricité. À cet égard, il est utile de se rappeler qu'au milieu des années 60, des spécialistes entrevoyaient un engouement pour l'énergie nucléaire à très bas prix. Cette attente ne s'est pas réalisée.
Les développements récents portant sur une grande disponibilité en Amérique du Nord de gaz naturel provenant des schistes, et par conséquent sur l'évolution de son prix, favorisent l'expansion des centrales alimentées par ce combustible. Le coût se situerait aux environs de 8 cents/kWh.
À un coût de production de 10 cents/kWh, la source hydraulique n'apparaît plus comme un choix incontournable. Le Québec perd ainsi son avantage relatif dans la production de l'électricité. Il est normal qu'il en soit ainsi puisque les sites sont développés par un ordre de coûts croissants.
Une importante question demeure: comment peut-on faire comprendre à la population que l'époque de l'électricité bon marché est révolue et que les politiques de tarification, de développement industriel et d'exportation devraient refléter cette nouvelle réalité?
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Gérard Bélanger et Jean-Thomas Bernard
Les auteurs sont professeurs au Département d'économique de l'Université Laval.
Photo archives, La Presse
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