Pourquoi donc avons-nous l’impression d’un retour en arrière aussi spectaculaire que décourageant en ce qui concerne la place du français au Québec, où la ferveur identitaire est devenue incolore, inodore et sans saveur?
Le recul de la suprématie du français telle qu’affirmée dans la loi 101 est en train de se produire sous nos yeux sans trop de vagues. Appelons cela le fatalisme québécois.
Pour la première fois depuis les années 1960, nous sommes dirigés par un premier ministre insensible au combat identitaire reposant sur la protection permanente de la langue. Philippe Couillard, en parfait bilingue, ne peut feindre son agacement lorsqu’on s’inquiète de son manque d’ardeur à défendre la loi 101.
Son attitude ouvre ainsi la porte à tous ceux qui se croient affranchis et qui, sans hésitation, estiment que l’économie devrait être la première priorité de la société québécoise.
Érosion du français
Le mémoire présenté à Québec par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain il y a un an reflète cette érosion de la volonté d’imposer le français comme seule langue officielle de l’État québécois. Le recrutement d’immigrants qualifiés ne doit pas, aux yeux de la CCMM, se faire en fonction de la connaissance du français. En clair, la langue de la majorité ne devrait pas être imposée à des travailleurs immigrants si ces derniers sont compétents, mais ne parlent pas français.
Ce vieil argument qui oppose emplois et protection de la langue revient en force. D’autant que le premier ministre ne se réclame pas du nationalisme, à la différence de ses prédécesseurs libéraux Robert Bourassa et Jean Charest.
Puisque 60 % des immigrants récents qui ne parlent pas français refusent de suivre les cours gratuits pour l’apprendre et puisque 200 000 immigrants vivent chez nous sans savoir le parler, il faut être de mauvaise foi ou déconnecté pour imaginer que la langue française va se perpétuer.
Frères ennemis
Ce portrait sombre, mais réaliste de l’état du français ne semble guère impressionner les nationalistes et les souverainistes tous azimuts qui continuent, avec un masochisme à faire pleurer, de se déchirer entre eux. Ces batailles à n’en plus finir de frères ennemis les épuisent dans des luttes futiles. L’objectif semble être de se voir décerner le titre du plus pur et du plus à gauche des indépendantistes.
Pourtant, seul un sursaut nationaliste où se retrouveraient des fédéralistes et des souverainistes pourrait ébranler le gouvernement libéral de Philippe Couillard. Ce dernier écrase de son ascendant toute expression de divergence de la part de son caucus. Mais il existe bien des libéraux nationalistes, inquiets de ce regain d’amour pour le bilinguisme officiel. Et chez les caquistes, bien sûr.
Le Québec de Philippe Couillard est en voie de désensibilisation en matière de langue. La loi 101 a déjà subi trop de pilonnages à la suite de jugements de cour. La résistance des immigrants assurant notre avenir démographique nous pose un problème existentiel. La voie s’ouvre pour un Québec bilingue.
C’est à tous les nationalistes d’exiger du gouvernement Couillard qu’il cesse de laisser entendre que le combat pour la langue est dépassé et ringard.
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