À nos amis fédéralistes

«Déposer les armes» est une expression qui a d'ailleurs un sens bien concret, celui de la reddition... à moins que tous ne le fassent.

"À mes amis souverainistes" - Alain Dubuc

Le Parti québécois ne s'est pas encore remis de ses deux dernières défaites électorales. Il rêve toujours de souveraineté mais peine à trouver la voie qui le conduira à ce qui semble pour l'instant être un «impossible rêve». Ses militants doivent-ils rendre les armes, comme les y invitent certaines voix fédéralistes, ou persister, comme entend le faire Pauline Marois?

Candide, la chef du PQ reconnaissait hier qu'il n'y a pas d'effervescence autour de l'idée d'indépendance. Elle ne sent pas d'engouement, ce que constatait un récent sondage Le Devoir-Léger Marketing. Ainsi, malgré le fait que 42 % des Québécois se disaient alors disposés à voter OUI à un référendum sur la souveraineté, seulement 31 % disaient croire que le Québec deviendra indépendant un jour.
Devant la tiédeur relative du sentiment souverainiste, on pourrait être porté à croire l'idée d'indépendance révolue. Le premier ministre Pierre Elliott Trudeau pensait ainsi peu avant que le Parti québécois ne soit élu en 1976. Certains le croient aujourd'hui, ou voudraient le croire, et invitent les souverainistes à reconnaître la vanité de ce projet.
Il y a de fait des souverainistes qui, fatigués d'attendre, abdiquent. Un exemple de cela est Raymond Bachand qui, désireux de se sortir d'un attentisme stérile, s'est engagé dans le Parti libéral. D'autres ont opté pour un militantisme pour des causes non partisanes, comme l'environnement. D'autres enfin ont délaissé tout militantisme pour s'engager dans des projets personnels. Ce sont des choix respectables et tout à fait compréhensibles, car il n'y a rien qui soit plus démobilisateur que de se retrouver devant un grand vide.
La plupart des souverainistes croient qu'il faut malgré tout persister et, en attendant, continuer à faire avancer le Québec. Dans ce sondage évoqué ci-dessus, ils invitaient leur parti, dans une proportion d'un sur deux, à se consacrer à améliorer le statut actuel du Québec au sein du Canada. Cela correspond bien à l'attitude des Québécois, qui ont toujours appuyé les projets qui faisaient progresser le Québec. Pensons à l'accord du Lac-Meech et au concept de société distincte, que les Québécois ont appuyés massivement à la fin des années 1980, au point où plusieurs parlaient à ce moment-là de la souveraineté au passé.
Les souverainistes n'abandonneront pas l'idée de souveraineté, du moins pas tant qu'ils n'auront pas trouvé réponse satisfaisante à cette préoccupation fondamentale qu'ils ont d'assurer la pérennité de leur langue et de leur culture en terre d'Amérique. Le premier ministre Robert Bourassa a à deux reprises essuyé un refus lorsqu'il a tenté d'obtenir des garanties en ce sens, d'abord avec son concept de souveraineté culturelle, dans les années 70, puis avec la notion de société distincte, à la fin des années 80. Stephen Harper nous propose aujourd'hui la «nation québécoise», dont on attend toujours de savoir ce qu'il entend par là.
Il est pour le moins ironique de voir aujourd'hui des fédéralistes sincères -- pensons à notre confrère [Alain Dubuc, qui lance un appel «à ses amis souverainistes» pour qu'ils déposent les armes->13393] -- d'avoir si peu à proposer pour répondre à leurs préoccupations. D'emblée, tous les fédéralistes n'ont que des réponses négatives à opposer aux propositions que fait le Parti québécois pour renforcer et protéger l'identité culturelle des Québécois. Évoque-t-on l'insécurité linguistique des francophones à Montréal qu'on s'empresse de nier l'existence d'un problème. Aussitôt lancée, l'idée d'une citoyenneté québécoise est condamnée.
Les conditions d'un dialogue entre fédéralistes et souverainistes sont loin d'être réunies. La polarisation passée persiste. Il ne peut y avoir de véritable relation de confiance. Personne ne voudra et ne pourra décemment déposer les armes, ne serait-ce que temporairement. «Déposer les armes» est une expression qui a d'ailleurs un sens bien concret, celui de la reddition... à moins que tous ne le fassent. Disons «à nos amis fédéralistes» qu'il leur appartient de s'ouvrir aux préoccupations des souverainistes s'ils veulent que naisse un projet de société commun pour le Québec.


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