Je me souviens

À l'origine de la fameuse déclaration

La conférence de presse de représentants des communautés d'origine italiennes, grecs et juives précédant le référendum de 1995

Tribune libre

Aujourd'hui est un jour de grande tristesse, non seulement pour le mouvement indépendantiste, mais pour le Québec tout entier. Le décès de Jacques Parizeau laisse un vide immense qui nous rend tous un peu orphelins.

Mais un autre sentiment m'habite également et c'est celui de l'injustice. Injustice d'abord parce que M. Parizeau n'aura pu assister à la réalisation de son rêve le plus cher: l'indépendance du Québec. Mais injustice aussi par le traitement que l'on a fait de la «fameuse déclaration» au soir du référendum du 30 octobre 1995. Si tous se souviennent de cette déclaration, bien peu par contre se souviennent de l'événement qui pourrait l'avoir inspiré. Qui se souvient en effet de la conférence de presse tenue par des représentants des communautés d'origine italiennes, grecs et juives précédant le référendum? Mes recherches sur la toile ayant été infructueuses, je vais tenter d'en restituer l'essentiel selon mes souvenirs. Ces représentants avaient consulté les membres de leurs communautés respectives et la vaste majorité d'entre eux s'étaient prononcé en faveur du non et espéraient que les autres Québécois allaient faire de même. La table était donc mise pour qu'on parle de vote ethnique puisque ces trois représentants s'étaient identifiés d'emblée selon leur origine et leur comportement électoral. Mon interprétation est donc que c'est à cette conférence de presse que M. Parizeau faisait allusion lorsqu'il a mentionné «des votes ethniques».

Depuis presque vingt ans cet événement est passé sous silence par les analystes politiques alors qu'il constitue un élément essentiel de la campagne référendaire. Peut-être était-ce même un appel aux gens de ces communautés à voter non? Ainsi mise en contexte, la déclaration de M. Parizeau est beaucoup moins disgracieuse sinon tout à fait légitime. À elles seules, ces trois communautés suffisaient à faire pencher la balance et c'est précisément le résultat que leurs représentants souhaitaient qui s'est réalisé. Sans cette conférence de presse, il est peu probable que l'on ait invoqué «des votes ethniques ».


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10 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    29 octobre 2015

    En termes de souvenir de cette Coalition pour le non, la trace écrite se trouve dans l'une des éditions du journal LE DEVOIR de la semaine ayant précédé le référendum. Jeudi, 26 ou vendredi 27 octobre, un petit encadré en bas de page à droite (frontiscipe). Qu'importe où exactement, je l'ai lu ce compte-rendu où l'un ou l'autre des porte-parole de cette Coalition pour le non se faisait une fierté de dire que ces trois communautés culturelles voteraient à 90% et plus pour le non. J'étais atterré mais non surpris. Cette Coalition avait mis au monde au Québec ce qu'on appelle désormais le "vote ethnique". Quand le 30 octobre au soir, Jacques Parizeau s'est fendu de cette phrase sur "l'argent et des votes ethniques", je me suis calé dans mon fauteuil, en me disant "il l'a dit, il l'a dit". En fait, il a dit ce qui m'étais venu en tête à la lecture du compte-rendu du DEVOIR. En me rappelant, aussi, la démission "forcée" de Pierre Bourgault alors conseiller de Parizeau pour des propos qui ont pu offenser les tenants des "votes ethniques". Finalement, la question que je me suis toujours posée était de savoir si le soir du 30 octobre, Jacques Parizeau répliquait à sa manière à cette Coalition à saveur de "votes ethniques"? GILLES GUY.
    P.S. Afin de tuer dans l'oeuf, la possibilité de me faire crier des noms d'oiseaux, dois-je dire aux lecteurs et lectrices, que non je ne suis pas un tricoté serré emmitouflé dans une ceinture fléchée bardée d'une couche de fleurs de lys. Je suis le fruit d'une mère italienne et d'un père canadien-français mais particulièrement, je suis un indépendantiste québécois!

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    4 juin 2015

    "...Il est fascinant de voir avec quelle facilité les fédéralistes arrivent à inverser les rôles à leur avantage" (G.C.)
    ...les fédéralistes remettent ça à Montréal, ces jours-ci. Le Maire, se devant d'hommager Monsieur, précise qu'il n'a pas les mêmes visées pour le Québec. C'est d'ailleurs après de longs mois de "on va s'parler, on'est capables de s'entendre" que l'omni-maire commence à livrer sa pensée: on en doit une au Cracheur de feu, on le laisse bâtir son monument funéraire sur l'Île Ste-Hélène, parc public s'il en est. Puis, plus récemment: on charcute la plan du métro à Montréal, un monorail par-ci, un tramway par-là, un train pour l'ouest, on a moins d'argent pour Anjou! L'argent pour Ste-Catherine dans l'ouest... et peut-être un silo à baseball avec ça? Surveillons bien la sacoche fédé pour leur 150ième!

  • Marcel Haché Répondre

    3 juin 2015

    Je n’ai jamais été un inconditionnel de Jacques Parizeau. Et j’ai été plutôt froid avant, pendant et après le référendum de 1995.
    Pourtant, il ne m’a jamais semblé que Parizeau avait prononcé « les » votes ethniques mais plutôt « des » votes ethniques, ce qui laisse à penser qu’il avait dénoncé bien davantage les manœuvres politiques cheaps (anti-Nous) des ennemis de l’indépendance, bien davantage que les minorités ethniques elles-mêmes, manipulées alors comme encore maintenant, par ce qui s’appelle le West Island, cette partie émergée du Canada parmi Nous.
    M’avais plutôt semblé fort à propos que Parizeau appelle un chat un chat et dénonce les manœuvres des ennemis. Pour ma part, n’ai jamais pensé qu’il avait dénoncé le vote des communautés ethniques lui-même. Il me semble qu’il avait trouvé lâche le procédé des fédéralistes d’inciter une clientèle captive au vote ethnique. Et c’était d’autant plus lâche, en effet, que parmi ces fédéralistes, toute une génération de cette « sorte » de fédéralistes avait longtemps incité, et favorisé, et obtenu de Nous que Nous fassions « des » votes ethniques aux élections fédérales. On jase.

  • Archives de Vigile Répondre

    3 juin 2015

    Dans Le Droit de ce matin, l'éditorial de Pierre Jury avoue que toutes les magouilles fédéralistes se sont bien produites.
    Oui, le fédéral a bafoué les règles du DGEQ en inondant d'argent la campagne du NON. Oui, ils ont accéléré les cérémonies de citoyenneté. Oui, les ethnies se sont mobilisés pour le NON. Oui, tout cela serait bel et bien vrai.
    Malgré cela, Jury soutient que la déclaration de Parizeau était odieuse. Son argument: toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. M. Parizeau n'avait donc pas le droit de dire aux québécois de souche qu'ils se sont fait volés un pays.
    Il est fascinant de voir avec quelle facilité les fédéralistes arrivent à inverser les rôles à leur avantage. Ils trichent et fraudent sans vergogne, mais le méchant est toujours l'autre.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 juin 2015

    Merci M. Ricard pour les précisions que vous venez d'apporter. Elles confirment mon intuition. Ce qui me chagrine aujourd'hui c'est que personne à l'époque n'a fait le lien entre cette conférence de presse et les propos de M. Parizeau alors que l'évidence est criante.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 juin 2015

    Effectivement mes souvenirs recoupent les vôtres M. Chartier , je serais curieux de contacter les organisations en question pour leurs posez quelques questions à ce sujet .

  • François Ricard Répondre

    2 juin 2015

    Le référendum volé
    Robin Philpot
    ----Le vote ethnique
    Les dirigeants de ces trois communautés, qui ont établi leur coalition dès l’été 1995, ont notamment tenu une conférence de presse le mardi 24 octobre pour inciter les Grecs, les Italiens et les Juifs du Québec à voter NON. Lors de la conférence de presse, Me Athanasios Hadjis, vice-président du Congrès helvétique, Me Tony Maglaviti du Congrès national italo-canadien et Me Reisa Teitelbaum du Congrès juif canadien ont vanté le fait que leurs communautés réunissaient quelques 400 000 personnes, soit 6% de la population québécoise, et que celles-ci voteraient à 90% pour le NON.p. 65
    Christo Sirros, ancien député et ministre libéral, déclare en septembre 1995 sur les ondes de CFMB, un poste privé desservant les communautés ethniques de Montréal, que si le OUI ne passe pas cette fois-ci, il ne passera jamais à cause de l’immigration et du vieillissement de la population. P.66

  • Archives de Vigile Répondre

    2 juin 2015

    Vous avez entièrement raison. Je garde le même souvenir et je ne vois pas ce qu'il y a de mal à dire la vérité. Merci pour votre article.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 juin 2015

    François Chartier, vous avez parfaitement raison.
    Voici ce que j'écrivais sur la «Tribune libre» de Vigile, le 12 décembre 2010 dans un article intitulé: «La vérité à propos des Juifs de Montréal».
    «Quelques faits indéniables.
    La veille du référendum d’octobre 1995, les leaders des communautés italiennes, grecques et juives font une conférence de presse pour inviter leurs membres à voter NON. Par les méthodes de la sociologie électorale, on peut prouver que les Juifs du Québec ont voté NON à presque 100% et qu’ils font partie de la majorité de 50,000 en faveur du NON. La preuve : le lendemain du référendum, un leader de la communauté juive s’est vanté et s’est réjoui en disant que les Juifs de Montréal ont sauvé le Canada.»
    Notez que dans son hommage à Jacques Parizeau à l'Assemblée nationale, le 2 juin, Maka Kotto a parlé de l'injustice qui lui a été faite à propos de la déclaration du 30 octobre 1995 sur «des votes ethniques» comme explication de la courte défaite du OUI.
    Dans cette affaire, ce sont les leaders des communautés grecques, juives et italiennes qui ont demandé de voter ethnique. Ce sont eux qu'il faut blâmer pas Jacques Parizeau qui les a dénoncés. C'est un beau cas de manipulation de l'opinion publique à laquelle même des partisans du OUI, en non des moindres, ont contribué.
    Autre référence. Sur le blog «No Dogs or Anglophones», j'ai polémiqué le 28-29-30 mars 2011. Le titre: «Vigile.net and me» J'ai écrit:
    Tuesday, March 29, 2011 at 12:11:00 PM EDT
    «3- Les votes ethniques de Parizeau.., cause, selon lui, de la défaite du OUI avec l'argent.
    La veille du référendum de 1995, les leaders des communautés juive, grecque et italienne (je suis d'origine italienne) ont fait une conférence de presse. Ils ont dit: si vous êtes juif, votez non; si vous êtes grec, votez non; si vous êtes italien: votez non.
    Devant mon écran de télévision, j'ai crié: "mêlez-vous de vos affaires, je vais voter OUI."
    Cet appel a donné selon Parizeau «des votes ethniques». Ce sont les leaders ethniques qui ont inventé le vote ethnique. Pas Parizeau. 29 mars 2011»
    Ajouter: Wednesday, March 30, 2011, 9:25:00 PM EDT
    «Ceux qui ont voté NON au référendum du 95, ces Grecs, ces Italiens, ces Juifs à qui les leaders de ces communautés juives, grecques et italiennes ont demandé de voter NON sont, pour un indépendantiste, des adversaires politiques qui s'opposent au projet auquel il croit. Dans le cas des Juifs, c'est encore plus choquant parce qu'étant donné qu'ils ont leur Etat, ils devraient comprendre les aspirations légitimes du peuple québécois. Ce sont des adversaires: il n'y a pas d'antisémitisme à le dire. Ce qui est choquant c'est qu'ils nous accusent d'antisémitisme quand nous critiquons leur comportement électoral. Ils ont le droit de voter comme ils le veulent; on a le droit de les critiquer. C'est ça la démocratie. 30 mars 2011»
    Robert Barberis-Gervais, 2 juin 2015

  • Archives de Vigile Répondre

    2 juin 2015

    En cherchant dans les archives de journaux papier, on devrait être capable de retrouver des traces de ces conférences de presse.
    Je trouve important que l'on puisse ramener cela à la surface. Vous souvenez-vous de la période/date approximative où ces conférences de presse auraient eu lieu?