Le discours sur le nationalisme économique que Jean-François Lisée a livré dimanche à la clôture du conseil national du PQ avait tout pour plaire aux électeurs de la CAQ qu’il cherche à séduire. L’entendre exprimer aussi fortement son désir de voir la Caisse de dépôt jouer un rôle accru dans le développement de l’économie québécoise, d’empêcher l’exode des sièges sociaux, sans oublier la réduction de la paperasse imposée aux PME, a dû être doux à leurs oreilles.
Il ne faut cependant pas s’y tromper : sur le fond comme dans la forme, la « proposition principale » qui est appelée à remplacer le programme actuel marque un net virage à gauche de nature à favoriser le rapprochement avec Québec solidaire, où plusieurs tiennent le PQ pour un suppôt du néo-libéralisme à peine plus fréquentable que le PLQ.
Au congrès de juin 2005, les dirigeants du SPQ Libre, qui avait acquis le droit de cité au PQ, s’étaient félicités d’avoir réussi à lui imposer l’ordre du jour des centrales syndicales en faisant inscrire dans le programme que le syndicalisme constituait la « voie privilégiée » vers une société plus juste et plus heureuse. Soucieuse de se distancier des syndicats, Pauline Marois avait fait retirer cette affirmation, mais voilà qu’elle réapparaît.
Pour ne pas indisposer Pierre Karl Péladeau, qu’elle tentait d’attirer au PQ, Mme Marois avait également évacué de la plateforme électorale la modernisation de la loi antibriseurs de grève, que Québecor avait facilement contournée durant les conflits de travail dans ses journaux. Cette mesure sera réintroduite dans le programme.
Pour favoriser la convergence, on a promis d’« évaluer la pertinence » de mettre sur pied Pharma Québec, cette société d’État à laquelle QS propose depuis des années de confier l’approvisionnement en produits pharmaceutiques. Quand Amir Khadir avait présenté un premier projet de loi à ce sujet en 2012, le ministre de la Santé dans le gouvernement Marois, Réjean Hébert, avait trouvé l’idée trop « radicale ».
On est allé jusqu’à changer le vocabulaire pour ne pas choquer les oreilles solidaires. Il n’est plus question de favoriser « l’enrichissement individuel et collectif », comme le proposait le PQ de Mme Marois. Le mot « richesse », dont la résonance est un trop capitaliste, a même été proscrit. On s’emploiera désormais à créer de la « prospérité ».
Une autre idée chère à QS fait également un retour au PQ. Un gouvernement Lisée organiserait des consultations et financerait des études « approfondies » sur l’implantation d’un revenu minimum garanti. Il est vrai que le premier ministre Couillard a aussi confié au ministre de l’Emploi et de la Solidarité, François Blais, un spécialiste de la question, le mandat d’en examiner la faisabilité. M. Blais reste très discret sur l’avancement de ses travaux, mais mieux vaut ne pas prendre le risque d’être pris au dépourvu par un sursaut de compassion que l’approche des élections pourrait provoquer au PLQ.
Il est difficile de ne pas sourire en entendant Jean-François Lisée vanter les vertus de la constance, comme il l’a fait devant les délégués au conseil national. S’il y a une constante dans la pensée du chef péquiste depuis plus de vingt ans, c’est bien son inconstance. On peut cependant tenir pour acquis qu’il ne modifiera pas d’un iota sa promesse de ne pas tenir de référendum dans un premier mandat. Bien entendu, M. Couillard répétera avec la même constance à quel point le discours de M. Lisée a changé d’un livre à l’autre, d’une course à l’autre.
Certes, la souveraineté demeure l’objectif final, mais M. Lisée fait valoir que les Québécois sont parfaitement capables de comprendre qu’on puisse demeurer fidèle à son projet, tout en le reportant à plus tard, de la même façon qu’ils sont capables de suivre à la fois le hockey et le baseball.
Quand Bernard Drainville avait proposé la même démarche, qu’il a maintenant faite sienne, le chef péquiste avait objecté que les opposants à la tenue d’un référendum durant un premier mandat ne voudraient pas élire un gouvernement qui consacrerait toute son énergie à se préparer pour le tenir dans un deuxième mandat.
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