Bien sûr qu’il ne s’agit pas de l’appui populaire dont hérite le projet indépendantiste présentement, par processus référendaire. Ce n’est pas non plus le soutien que l’électorat réserve au Parti québécois. Rien de tout cela ne figure dans les résultats de la dernière enquête dévoilée par la firme CROP le 30 janvier.
Ce pourcentage, à peu de chose près, est celui que l’on obtient en additionnant les intentions de vote que recueillent le Parti vert, Québec solidaire et la formation dirigée par Pauline Marois. Il est certain que tous les supporters de ces partis ne sont pas indépendantistes. Une très large majorité d’entre eux, progressistes pour la plupart, le sont toutefois. Ils ont en effet compris qu’un programme politique se réalise mieux avec ses deux mains plutôt qu’avec un bras attaché dans le dos. Le gros bons sens, bref!
Personne ici ne cherche à convaincre une des formations à se faire hara-kiri, à travestir sa plate-forme politique ou à renoncer aux valeurs qu’elle défend. Le PV, QS et le PQ doivent demeurer des adversaires politiques qui aspirent à prendre le pouvoir afin de servir la population du mieux qu’ils le peuvent. Cette pluralité partisane témoigne d’une saine démocratie dont le Québec peut s’enorgueillir.
Surviennent toutefois des moments dans l’histoire d’un peuple qui commandent de mettre momentanément de côté la partisanerie, au nom des intérêts supérieurs de la nation. Tout en restant de farouches antagonistes, des partis politiques doivent parfois accepter temporairement de se liguer autour d’un enjeu fondamental, enjeu qui, une fois réglé, aura des retombés bénéfiques pour la population ainsi que pour ses institutions. L’accession du Québec à son indépendance politique mérite inéluctablement un cessez-le-feu provisoire de la part de tous les partis qui estiment que ce changement de statut rendra service d’abord aux citoyens de ce territoire, puis à l’ensemble de l’Amérique du Nord et ultimement aux membres de la communauté internationale.
Un grand nombre de Québécois jugent que la tutelle canadienne dont ils sont victimes affaiblit leur État. Chez les francophones, le consensus est encore plus solide. À preuve : ils refusent massivement d’appuyer le Parti libéral, comme l’a attesté la maison CROP la semaine dernière. Aucun parti ne mérite en effet le soutien d’un peuple alors qu’il le dit publiquement incapable de s’occuper de ses affaires. Ainsi, c’est encore le PQ qui obtient le plus de votes des francophones parce que son projet de pays suscite le goût du dépassement; celui d’aller plus loin. L’équipe de Pauline Marois obtient présentement 35% de la faveur populaire. Ce qui toutefois ne lui procure pas une majorité de députés.
La formation souverainiste n’est pas parfaite, loin s’en faut. Des indépendantistes préfèrent légitimement appuyer un autre parti politique qui souhaite donner à l’appareil d’État un rôle différent que celui envisagé par le PQ. 4% d’entre eux accordent ainsi leur vote à Québec Solidaire tandis que d’autres souverainistes composent fortement les 6% d’électeurs qui optent pour le Parti vert. Voilà 10% des intentions de vote qui pourraient s’ajouter aux 35% d’appui que le Parti québécois reçoit présentement, si le tout était officialisé à une élection. Certes, quelques pertes seraient probables durant le processus. Mais ce mouvement de grande solidarité nationale inciterait d’autres indépendantistes à retourner aux urnes, geste qu’ils n’ont pas posé depuis des lustres. Il est donc plausible d’avancer qu’environ 45 % de l’électorat se rangent actuellement derrière le projet de pays. Ne resterait alors qu’à rapatrier quelques souverainistes qui s’enlisent présentement avec l’Action démocratique dans son marécage autonomiste, pour franchir la barre des 50%.
L’audace d’agir démocratiquement
Le Parti québécois en surprendrait plus d’un, s’il approchait le Parti vert et Québec solidaire afin de former un pacte, puis additionner leurs votes pour faire l’indépendance. Il lui faudrait d’abord avoir le courage d’abandonner la démarche référendaire et tous les écueils qu’elle traîne à sa suite! L’aplomb aussi d’affronter les médias fédéralistes en les défiant de prouver que l’obtention de 50% + 1 par la voie élective n’est pas démocratique. Si le PQ devait dorénavant utiliser l’élection décisionnelle pour réaliser la souveraineté, il se retrouvera au départ fin seul devant l’électorat. Quelques scrutins seront probablement nécessaires pour que les Québécois hésitants finissent par apprécier toute la souplesse de ce mécanisme démocratique.
Cette réflexion s’accélèrera toutefois dès que des partis politiques accepteront, au nom des intérêts supérieurs du Québec, de s’allier au PQ pour faire aboutir le projet de pays. C’est à ce dernier cependant de faire les premiers pas parce qu’il recueille actuellement le pourcentage d’appui le plus élevé des partis susceptibles d’adhérer au pacte. Il lui faut néanmoins offrir quelque chose de substantiel pour convaincre d’éventuels partenaires qu’ils ont tout à gagner d’y souscrire. Promettre ainsi qu’ils auront une place au sein d’un gouvernement d’union nationale chargé de peaufiner les institutions démocratiques du nouvel État. S’engager également à doter le Québec d’un système électoral réformé. Voilà des offres concrètes qui ne peuvent laisser indifférents les tiers partis désireux de faire progresser la démocratie québécoise.
Le recours à la voie élective ne doit toutefois pas chercher à emprunter quelques raccourcis que ce soit. Il ne peut ainsi être question de proclamer l’indépendance sans avoir obtenu au préalable l’aval de la majorité absolue des suffrages exprimés. Il en va de la paix sociale et de la reconnaissance internationale. Faire fi de cette règle qui fait l’unanimité des grandes démocraties de ce monde constitue un égarement qui doit vite être corrigé.
C’est pourquoi j’abonde dans le même sens que le chroniqueur du journal Le Devoir, Michel David. [Son billet du 2 février dernier->11550] souligne avec raison que tous les électeurs québécois sont égaux. Il est malsain d’attribuer plus de poids politique à un groupe ethnique au détriment d’un autre. Le projet souverainiste en est un d’inclusion. Certes, il faut applaudir le fait que les francophones soient largement pour l’indépendance du Québec. Taire qu’ils auront été plus de 65% à appuyer le projet de pays si une élection décisionnelle devait l’emporter avec 51 % des votes, serait inacceptable. Mais il ne faut pas identifier un groupe ethnoculturel dans le but d’en banaliser d’autres. Voilà une dérive démocratique qui ne sert absolument pas la cause indépendantiste du Québec.
Urticaire référendaire
La démarche référendaire donne de l’urticaire à l’ensemble des Québécois, moi le premier. L’adversaire fédéraliste a montré, en 1995, jusqu’où il pouvait s’abaisser pour saboter ce processus démocratique. La conséquence de cette fraude est qu’il ne peut être question d’en perdre un troisième parce que la prochaine tentative sera la dernière. L’extrême précaution qu’affichent aujourd’hui les formations souverainistes à en discuter le prouve de façon éclatante. Sans garantie absolue de victoire, pas de référendum.
Comment chasser cette psychose référendaire que l’État canadien est parvenu à installer dans la mémoire collective des Québécois? Quel piège parfait! Personne ne peut en effet jurer d’une victoire référendaire avant son déclenchement! Ne reste que l’attentisme à ceux qui s’entêtent à persévérer dans cette démarche. Il est ainsi maintenant question de « gestes de souveraineté », après les « conditions gagnantes » et « l’assurance morale de gagner. » Que peuvent faire de plus les « référendistes », en attendant une embellie?
Pendant ce temps, la minorisation progressive des francophones sur le territoire québécois se poursuit. Des demandes d’accommodements émanant des nouveaux arrivants se multiplient, puisque le groupe majoritaire se recroqueville, à l’invitation de ses dirigeants. Les immigrants refusent de ratatiner avec lui et optent naturellement pour le modèle canadian : ils quittent le Québec après un séjour plus ou moins long ou préfèrent contribuer à sa « transformation culturelle » de l’intérieur. L’emploi de la langue française régresse ainsi non seulement à Montréal, mais dorénavant dans les couronnes sud et nord de la métropole québécoise, selon les résultats du dernier recensement de… Statistique Canada.
Il n’y a pas beaucoup d’outils démocratiques qui sont à la disposition des peuples pour régler de grands enjeux. L’un d’eux a été torpillé au Québec par les agissements douteux de l’État canadien. Inéluctablement, le référendum est maintenant hors-jeu. Tellement que les Québécois, ainsi qu’un grand nombre de souverainistes eux-mêmes, ne veulent plus entendre ce mot! Le manque d’audace des leaders indépendantistes à riposter légitimement et démocratiquement à un coup de force survenu en 1995, est à mettre un peuple lui-même hors-jeu.
La chef du Parti québécois, Pauline Marois, est « tannée » des sorties publiques de certains péquistes qui posent publiquement des questions. Elle les invite à débattre à l’intérieur des instances du PQ, comme lors du conseil national que le parti tiendra en mars prochain. Ces « incartades » ne dévoilent-elles pas, justement, qu’on se méfie maintenant de celles-ci?
Patrice Boileau
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
6 février 200845 % ça permettrait de gouverner le Québec-province mais ce n'est pas suffisant pour une majorité solide pour couper les liens avec le ROC pour un Québec indépendant. Je ne comprend pas votre idée ici.
Ni le Parti Vert ni Québec Solidaire ne vont se faire hara-kiri même s'ils ont aucune chance de faire élire un seul député parce que ce sont des idéologues avec croyances inébranlables du genre non négociable, selon moi.
Vous ne faites pas appel au PI qui va aussi aller chercher un certain nombre de votes indépendantistes.
Le Québec ne fera pas l'indépendance pure sans violence parce qu'il n'y a pas assez d'indépendantistes au Québec et que ça tend à diminuer. Même si on réussissait à aller chercher, par miracle, 50,5 % de OUI dans une référendum sur l'indépendance du Québec "impossible à réaliser dans une élection", ça ne serait pas reconnu par le fédéral et on serait en grand danger de subir la partition de notre territoire. On peut croire Messieurs Chrétien et Dion sur ça.
Fait que, on demeure comme on est là même si le PQ prend le pouvoir avec 40 % des votes pour une gouverne provinciale ou le PQ et l'ADQ forment une coalition pour suggérer une vraie CONFÉDÉRATION canadienne qui pourrait aller chercher 60 % de OUI.
Une confédération "ça renverse la pouvoir prépondérant" du gouvernement central aux États "à la place des provinces" qui la composent serait amplement suffisant pour protéger la langue française et la culture québécoise en Amérique du nord. Ce mot donne confiance puisque on nous a toujours appris, sauf depuis quelques années, que le Canada est une CONFÉDÉRATION, ce qui est archi-faux.
La gauche et la droite de ces partis seraient temporairement mises de côté en attendant la négociation et la mise en place d'une vraie CONFÉDÉRATION. On ne ferait que corriger la promesse des pères de la CONFÉDÉRATION de 1867 quand on a hérité d'une fédération centralisatrice à la place de la CONFÉDÉRATION promise. on ne sait pas s'il y a eu là aussi, une nuit des longs couteaux.
Celles et ceux qui veulent avoir tout ou rien en levant le nez sur une confédération canadienne, vont attendre longtemps, malheureusement.
Ça prend l'appui d'une bonne majorité de Québécois pour aller négocier avec le ROC qui pourra demeurer dans un bloc mais je crois qu'il en profitera pour former 3 ou 4 entités souveraines dans cette CONFÉDÉRATION proposée. L'occasion fera probablement ici, les larrons.