(Analyse) Qui est l'homme le plus puissant du monde? Il y a quelques semaines, le magazine Forbes a tranché: cette année, ce n'est plus un Américain. C'est plutôt Vladimir Poutine. Le président russe a relégué son homologue américain, Barack Obama, au deuxième rang.
À regarder ce qui s'est passé sur la scène internationale au cours des 12 derniers mois, difficile de ne pas donner raison aux responsables du magazine.
Si les litiges entre Obama et Poutine s'étaient réglés sur une patinoire (on rapporte que le président russe, à l'approche des Jeux olympiques de Sotchi, s'est récemment mis à s'entraîner au hockey), l'homme fort de la Russie l'aurait emporté 3 à 0.
Et l'un de ses buts aurait été marqué en désavantage numérique! Car la semaine dernière, Poutine a tiré son épingle du jeu alors qu'il faisait face à la fois aux États-Unis et aux pays de l'Union européenne.
Explications: l'Ukraine, ex-république soviétique de 46 millions d'habitants, devait conclure un accord d'association avec l'Union européenne. Une entente économique, qui devenait forcément politique. Et hautement symbolique. La Russie ne veut pas voir sa domination régionale s'affaiblir un peu plus. Pas question qu'elle laisse une voisine de l'importance de l'Ukraine succomber aux charmes de l'Europe.
Moscou a donc fait pression sur l'Ukraine. Un conseiller de Poutine a même qualifié, fort peu subtilement, d'«action suicidaire» le rapprochement européen envisagé par le pays. Le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, a compris le message. Il a levé le nez sur l'entente prévue avec l'Europe.
Cadeaux de Noël
Peu après, soit le 17 décembre dernier, Poutine s'est littéralement transformé en père Noël. Il a offert pas moins de 15 milliards (en achetant des obligations) à l'Ukraine et lui a accordé un rabais substantiel sur le gaz naturel livré par la Russie. Les deux pays ont aussi conclu un accord commercial.
Une véritable douche froide pour les Européens et les Américains. Et surtout pour les dizaines de milliers de manifestants qui dénonçaient le chef d'État ukrainien dans les rues de la capitale, Kiev. Les manifestations n'ont pas encore cessé, mais depuis les cadeaux de Poutine, elles battent de l'aile.
Poutine 1, Obama (et l'Europe) 0.
La conclusion à tirer de cet épisode? «Poutine cherche à démontrer que la Russie est une puissance majeure sur le plan international», explique le politologue Jacques Lévesque, expert renommé de la Russie. Et Poutine a de plus prouvé une nouvelle fois qu'il était en mesure de «tenir tête aux Américains», ajoute-t-il.
À ce chapitre, c'est sa décision d'accueillir Edward Snowden, l'ex-consultant du renseignement américain, qui aura été son plus haut fait d'armes en 2013. Souvenez-vous: après avoir révélé l'ampleur des programmes de surveillance du gouvernement américain, Snowden s'est retrouvé coincé à l'aéroport de Moscou.
Aucun pays ne semblait être prêt à lui accorder l'asile et, par conséquent, à subir les foudres des États-Unis. Aucun, sauf... la Russie.
Poutine 2, Obama 0.
Dans la foulée, Obama a annulé un sommet avec Poutine prévu en marge de la rencontre des pays du G20 à Saint-Pétersbourg. Un peu plus, et on se serait crus en pleine guerre froide.
Une «grandeur russe»
Mais détrompez-vous, Poutine ne veut pas la guerre. Il souhaite, comme l'écrivait il y a quelques années l'historien américain Robert Kagan, le «retour à une grandeur russe particulière».
Mission accomplie dans le dossier de la Syrie, troisième preuve en 2013 de l'influence croissante de la Russie dans le monde. Poutine a trouvé le moyen d'empêcher les Américains d'attaquer son allié, le président syrien Bachar al-Assad. Mais le comble, c'est qu'il est même parvenu à sortir Obama de l'embarras.
Le président américain n'avait visiblement pas envie d'attaquer la Syrie, même si le pays avait utilisé des armes chimiques contre son peuple. Moscou a alors proposé la destruction de l'arsenal chimique syrien. L'offre a fait l'affaire d'Obama.
«Il y a eu une coopération avec les États-Unis, mais dont les termes ne sont pas dictés par les Américains», explique Jacques Lévesque. Qui d'autre que Poutine peut se targuer d'un tel résultat?
Poutine 3, Obama 0.
Le président russe se sent aujourd'hui maître de la situation. Chez lui comme à l'étranger. Si bien qu'il s'est permis de gracier plusieurs détenus condamnés par son régime. Alexandre Paul et les autres militants de Greenpeace. Deux membres du groupe Pussy Riot. L'homme d'affaires - et féroce critique de Poutine - Mikhaïl Khodorkovski.
Hier, lors d'une conférence de presse à Moscou, les deux militantes de Pussy Riot ont affirmé qu'elles veulent toujours «chasser» Poutine du pouvoir. Pourtant, fin 2013, à l'approche de Jeux olympiques qui seront probablement interprétés comme un triomphe de plus pour le président russe, leur souhait semble tenir du rêve plus que de la réalité. À court terme, une Russie sans Poutine semble aussi improbable qu'une carrière en politique américaine pour Edward Snowden.
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