Pendant 16 de mes 18 dernières années dans le Service diplomatique canadien, j’ai eu le privilège d’agir à titre d’ambassadeur du Canada. Privilège reçu des mains tant d’un premier ministre conservateur (M. Mulroney) que libéral (M. Chrétien). Ce faisant, j’ai représenté le Canada bilatéralement dans 12 pays et auprès de 3 organisations multilatérales regroupant alors un total de 132 pays.
Tout au long de ces années (1988-2006), j’ai ressenti une immense fierté de pouvoir m’exprimer au nom du gouvernement de mon pays, de présenter, d’expliquer et de défendre ses politiques. Ce, auprès des dirigeants des pays de mes accréditations, de leurs parlementaires, de leurs gens d’affaires, de leurs communautés universitaires et culturelles, de leurs médias, de leurs citoyens et citoyennes. Fierté aussi d’y accueillir mes compatriotes, industriels, artistes, étudiants, voyageurs, et de servir leurs intérêts. Sans compter, à l’occasion, « mon » premier ministre, ses ministres ; voire l’hôte de Rideau Hall.
Fierté d’incarner localement dans mes pays d’accréditation bilatérale et aux tables multilatérales un pays, le Canada, universellement respecté ; un pays dont la voix était toujours attendue et écoutée ; un pays reconnu pour sa politique extérieure équilibrée, progressiste, et pour ses initiatives au service de la paix et de la stabilité. Un pays qui n’avait pratiquement que des amis.
Ces temps me semblent bien révolus. Je plains les collègues qui aujourd’hui exercent ce métier d’ambassadeur d’un pays dans lequel j’ai peine à me reconnaître, un pays qui compte de moins en moins d’amis, ou à tout le moins d’interlocuteurs respectueux. Un métier qu’ils doivent exercer en étant en réalité muselés. Des ambassadeurs (et cela vaut pour la haute fonction publique) dont on n’attend dorénavant analyses et conseils que s’ils expriment ce qu’on veut entendre au Bureau du premier ministre.
Vous avez bien raison, M. Chrétien…
LETTRE
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