Les entreprises québécoises profiteront du futur bureau permanent du Québec à La Havane afin d’y brasser de grosses affaires. Mais le temps presse, la fenêtre d’opportunité n’est que de deux ans.
À l’automne, le gouvernement du Québec se rendra en mission économique à Cuba avec une trentaine d’entreprises afin d’étudier les possibilités d’affaires et pour tisser des liens avec la communauté.
Le délégué du Québec à Mexico, Éric R. Mercier, responsable des relations avec Cuba, aimerait que le premier ministre Philippe Couillard soit du voyage. «On espère rencontrer Raul Castro», a-t-il mentionné en entrevue avec Le Journal.
Le but du voyage est simple: profiter de la fenêtre d’opportunité offerte par les Cubains aux Québécois avant que les investisseurs américains ne pénètrent avec force le marché.
«Le Québec est privilégié. Les Cubains ont cette propension à vouloir nous tendre eux-mêmes la main, à ouvrir le marché. Il faut la saisir et on a à peu près deux ans. Sinon, les autres seront dans la course», explique le diplomate.
«Il y a un engouement. Ils veulent faire des affaires avec nous. Économiques, mais aussi culturelles. Et ça va se concrétiser à l’automne, j’ose espérer avec le premier ministre. On espère une entente.»
Expertises
Les expertises québécoises en matière de bioscience et neuroscience, ainsi qu’en matière médicale et touristique, sont convoitées. «Tout est à construire à Cuba, avec eux. C’est un terrain fertile pour partager toutes nos connaissances», relate l’ex-député libéral.
À court terme, le ministère des Affaires internationales souhaite ouvrir une représentation permanente sur l’île des Caraïbes, pour se rapprocher des autorités politiques.
«D’ici un an, souligne le délégué. C’est une île que j’adore, avec son charme et ses belles plages. Mais aussi une île avec une vitalité économique qui, désormais, veut s’ouvrir vers le monde.»
Toutefois, les affaires se font différemment avec un parti communiste dirigé par une armée.
«C’est une autre réalité. Nous sommes là pour donner l’heure juste aux entreprises. Pour expliquer comment manœuvrer là-dedans. Il faut respecter les règles», explique M. Mercier.
Les yeux des Cubains sont aussi tournés vers les coopératives qui ont été une réussite au Québec. «Ils nous ont posé beaucoup de questions là-dessus», dit-il.
Deux visions bien différentes de l’avenir
(LA HAVANE, CUBA) Ameublement Elvis et le groupe Lussier sont des précurseurs des partenariats d’affaires sur l’île communiste. Établies depuis 25 ans à Cuba, ces entreprises ont des visions opposées lorsqu’il s’agit d’aborder les nouveaux investissements étrangers et l’inévitable retour des Américains: l’une y voit une grande opportunité d’affaires, l’autre est très pessimiste.
«Ils m’en parlent... Quand les Américains vont rentrer... Je ne sais pas quels Québécois ou Canadiens vont pouvoir continuer. Je ne sais pas quel produit ils vont avoir que les Américains n’auront pas. Parce qu’ils ont tout et tout est moins cher», soutient Daniel Côté, propriétaire d’Ameublement Elvis à Montréal. «Je vais probablement être l’un des premiers à sortir de là.»
L’investisseur est arrivé sur l’île la première fois en 1991 pour y vendre ses électroménagers d’occasion. Il a rapidement signé un contrat avec l’État cubain.
Il devait envoyer des électroménagers par conteneur à Cuba et, une fois là-bas, l’entreprise d’État s’occupait de la vente. «Je les mettais en consignation. Ils voulaient avoir des stocks d’environ 1000 appareils. Ils me payaient au fur et à mesure que c’était vendu», mentionne Daniel. «Encore à ce jour, ce partenariat tient. Il a changé un peu, je vends du neuf, maintenant.» Il a développé une relation d’amitié avec de nombreuses personnes sur l’île.
Nouveaux partenariats
Nancy Lussier, petite-fille du fondateur du Groupe Lussier, une entreprise de Montréal, n’est pas du même avis. Directrice de Terracam Équipement, la filiale de l’entreprise qui fait affaire avec Cuba, Mme Lussier voit dans le retour des Américains une opportunité pour de nouveaux partenariats.
«Toutes les transitions de l’économie cubaine, ce sont des opportunités d’affaires. On ne ressent pas, sur le terrain, qu’on va nous mettre de côté.»
Sa famille a débarqué sur l’île il y a bientôt trois décennies.
«On vend des pièces de camion neuves, des pièces remanufacturées et des véhicules lourds à Cuba. On a un centre de distribution là-bas», explique la dame, soulignant qu’il s’agissait d’un partenariat avec des entreprises d’État et des entreprises mixtes. «On représente aussi plusieurs fabricants québécois», indique-t-elle.
La relation avec ses partenaires est au plus fort, même avec toutes les lois sur les investissements et les rumeurs d’un retour des Américains. «C’est un partenariat qui s’est bâti au fur et à mesure», précise Mme Lussier, qui est également présidente de la Chambre de commerce Canada Cuba. «On connaît la culture. On connaît l’importance du partenariat», dit-elle. Elle soutient néanmoins que les Québécois qui désirent investir à Cuba doivent rester vigilants. «Oui, tout est à faire ici. Mais pour les entreprises qui souhaitent s’établir à Cuba, ça prend un certain niveau de préparation», conclut-elle.
- Une vingtaine d’entreprises québécoises ont déjà des partenariats d’affaires avec Cuba
- Des partenariats existent également entre l’Université de La Havane et l’Université du Québec à Montréal
- En 2014 les échanges commerciaux de marchandises entre le Québec et Cuba se chiffraient à 83 millions $
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