Pendant que Christina Freeland s’envolait mercredi pour Washington avec pour immense défi de rétablir le libre-échange en matière d’acier, Justin Trudeau s’offrait une virée à Paris pour une mission d’une importance incommensurable, à savoir répondre à « l’appel de Christchurch ».
Déclenchée par la première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern, suite à la tuerie survenue dans deux mosquées, cette initiative vise à mobiliser des dirigeants d’une vingtaine de pays et des géants du Web afin de légiférer contre la diffusion en ligne de contenus haineux ou à caractère violent.
Paradis
Personne n’aime la violence, et nul doute qu’un monde pacifique serait paradisiaque. En revanche, toute volonté politique de faire du Net un espace aseptisé devrait inquiéter infiniment plus que le contenu violent dont elle prétend vouloir nous protéger.
De tout temps, les États ont profité de circonstances tragiques pour passer des lois liberticides pour les citoyens au profit d’un pouvoir autoritaire croissant pour l’élite politique. Le Patriot Act adopté par Washington suite aux attentats du 11 septembre devrait nous servir d’avertissement.
Récupération
Là, c’est pour caparaçonner le bon peuple contre les propos haineux partagés par les détritus de la société que les chefs d’État se concertent pour créer une police du Net. Or, si on sait où commence un propos haineux, on ignore la récupération qui peut être faite d’un terme dont les pourtours restent flous. En l’absence d’une définition claire, il faut envisager la sélection par le pouvoir des contenus « acceptables » et la disparition progressive de ceux qui dérangent ou qui sont politiquement incorrects.
L’État veut nous protéger de la cyberhaine et de la cyberviolence. Mais qui nous protégera de la cybercensure de l’État et du délit d’opinion ? Les générations précédentes se sont battues pour que nous puissions vivre dans un État de droit. Qui se battra pour que les droits de l’État ne prennent pas le dessus ?