Netflix hérite en sol canadien du statut enviable de géant intouchable sur le plan fiscal. Pendant que les Tou.tv et Club Illico n’ont pas droit au même traitement privilégié, le gouvernement Trudeau bénit le géant américain d’un congé de taxes.
Pour nous vendre ce marché de dupes, Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien, s’est ridiculisée tout au long de sa tournée médiatique. Son mantra voulant qu’elle ait « négocié » un 500 millions de dollars sur cinq ans que Netflix investirait dans la « culture canadienne » ne tient pas debout. Sans compter l’épais brouillard entourant la production francophone.
Sur l’iniquité fiscale, la ministre automate répète une ligne de presse insensée : « on s’était engagé à ne pas taxer encore plus la classe moyenne ». Ce n’est pourtant pas les citoyens que l’on « taxe », mais les produits.
Ministre automate
Résultat : le régime fiscal canadien devient un vulgaire paillasson sur lequel le fédéral invite un mastodonte américain à s’essuyer allègrement les pieds. Pis encore, si on ose dire, ces 500 millions $ placeront des segments majeurs des cultures canadienne et québécoise sous tutelle de Netflix.
Nous voilà donc plongés dans une américanisation pleinement consentie par Ottawa. Comme le disait si bien notre Elvis Gratton national : « Ils l’ont-tu l’affaire, les Américains ! ».
Au Québec, on aurait beau taxer Netflix, rien n’effacera cette soumission ahurissante du Canada à une compagnie étrangère. Sans compter le dangereux précédent créé par le fédéral sur lequel s’appuieront d’autres plateformes numériques étrangères pour exiger le même traitement.
On s’est beaucoup moqué de la ministre Joly. Il faut dire qu’en politique comme ailleurs, on est toujours plus dur envers la vacuité intellectuelle d’une femme qu’envers celle d’un homme. Vacuité il y a néanmoins chez Mme Joly.
Moulin à paroles
Devant ce moulin à paroles d’une incohérence sidérale, on oublie cependant qu’elle n’est pas l’auteure unique de cette politique de netflixation digne d’un épisode raté de House of Cards. Mélanie Joly n’est que la vendeuse inepte d’une politique invendable approuvée par le premier ministre et le conseil des ministres.
Dans le contexte plus large de la renégociation de l’ALÉNA, cette énième génuflexion vise aussi à amadouer le pitbull américain pour qu’il hésite un brin avant de dévorer le chaton canadien. Or, cette stratégie de ronronnement docile est un échec.
Netflix en est une illustration patente parmi d’autres. En échange d’un plat de lentilles, elle affaiblit les voix canadienne et québécoise, ici et sur le continent. Pour le Québec, simple province, les dommages collatéraux pour une société de langue et de culture française s’annoncent lourds.
Même en examinant cette histoire sous toutes ses coutures, ça reste une histoire de fous. Une compagnie étrangère obtient un congé de taxes tout en mettant ses grosses pattes dans la production culturelle d’ici. Pendant ce temps, les Tout.tv et Illico paient leurs taxes. Cherchez l’erreur.
On libère Netflix, mais le cannabis, lui, sera frappé d’une taxe d’accise. Pas d’argument bébête sur la « classe moyenne » pour le pot. Aux pays des merveilles, l’absurde est roi.