Déboulonnée par des manifestants antiracistes, la statue de l’ancien premier ministre du Canada, John A. Macdonald, a été ramassée par des employés de la Ville de Montréal dimanche. Le mystère demeure pour l’instant quant à savoir si elle sera restaurée ou vouée à un autre sort.
À terre, brisée en deux morceaux — la tête s’étant détachée du corps en tombant —, la controversée statue qui trônait sur la place du Canada, au centre-ville de Montréal, a été récupérée par des cols bleus peu avant 8 h dimanche matin. Elle a été emmenée en lieu sûr le temps que la Ville décide de son sort.
La veille, des protestataires antiracistes s’en sont pris à la statue en marge d’une manifestation réclamant le définancement de la police. Le départ a été donné à la place des Festivals, où quelques centaines de personnes se sont mises en marche autour de 12 h 30 vers l’ouest en empruntant la rue Sherbrooke. « Black Lives Matter ! », « Définançons la police ! », ont-elles scandé en chœur, lançant parfois d’autres slogans plus agressifs à l’égard des policiers qui les escortaient.
Dans l’ensemble, l’événement s’est déroulé dans le calme, selon le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), jusqu’à ce qu’un groupe d’une soixantaine de manifestants se dirige vers la place du Canada pour déboulonner la statue de John A. Macdonald, symbole d’un passé colonialiste et raciste aux yeux de plusieurs.
« La scène s’est déroulée très vite, explique Jean-Pierre Brabant, porte-parole du SPVM. Il y avait des policiers sur le terrain qui encadraient la manifestation, mais quand ils sont arrivés pour intervenir, c’était trop tard, la statue était déjà à terre, décapitée. »
Les policiers ont rapidement dispersé la foule et érigé un périmètre de distance autour du parc, l’endroit étant devenu « une scène de crime ».
Pour l’instant, aucune arrestation n’a eu lieu, mais l’enquête se poursuit. « On visionne [les bandes] des caméras de surveillance et on a aussi les rapports des policiers qui étaient sur le terrain. On n’a pas encore trouvé la ou les personnes directement responsables », a précisé au Devoir M. Brabant dimanche.
Vives réactions
En fin d’après-midi samedi, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a vivement réagi, déplorant « fermement les actes de vandalisme qui ont eu lieu ». « Évidemment, de tels gestes ne peuvent être acceptés ni tolérés », a-t-elle déclaré par voie de communiqué.
« Nous savons que certains monuments historiques, ici comme ailleurs, sont au cœur de débats émotifs. Je réitère que je privilégie de les mettre en contexte plutôt que de simplement les retirer », a-t-elle poursuivi, invitant à des discussions et à des gestes pacifiques sur le sujet plutôt qu’à des actes de vandalisme.
La mairesse n’a pas indiqué ce qu’il adviendra de la statue de John A. Macdonald, précisant simplement que le bureau d’art public s’occupera de sa conservation le temps qu’une décision soit prise quant à sa possible restauration. « En consultation avec les experts en patrimoine à la Ville, nous prendrons le temps d’analyser la suite à donner. »
Plusieurs figures publiques et groupes antiracistes souhaiteraient pour leur part que la statue trouve sa place dans un musée ou un centre d’archives, mais dans son état actuel — c’est-à-dire sans tête — pour témoigner de l’histoire contemporaine.
De son côté, le premier ministre du Québec, François Legault, a appelé à la restauration de la statue. « Il faut combattre le racisme, mais saccager des pans de notre histoire n’est pas la solution », a-t-il déclaré samedi soir sur son compte Twitter, jugeant cet acte « inacceptable ».
D’autres politiciens ont également vivement réagi à la nouvelle en fin de semaine, condamnant tous les événements.
« Le Canada n’existerait pas sans Sir John A. Macdonald. Nous ne construirons pas un avenir meilleur en défigurant notre passé, a déclaré Erin O’Toole, le nouveau chef du parti conservateur du Canada. Il est temps pour les politiciens d’arrêter de plier devant les activistes radicaux et de se tenir debout pour le Canada. »
Le premier ministre de l’Alberta s’est également offusqué sur son compte Twitter. « Il est juste de débattre de son héritage et de sa vie. Mais il est injuste de permettre à des bandes de voyous de vandaliser notre histoire en toute impunité ».
Si Montréal décidait de ne pas restaurer la statue et de la replacer au centre-ville, où elle se trouve depuis 125 ans, Jason Kenney s’est même proposé de la récupérer pour l’ériger sur le terrain de l’Assemblée législative de l’Alberta.
Figure controversée
Ce n’est pas la première fois que cette statue de l’ancien premier ministre du Canada subit la foudre des protestataires à Montréal. Elle a été à plusieurs reprises remplie de graffitis et éclaboussée de peinture de diverses couleurs dans les dernières années. Une pétition demandant son retrait a également été lancée en ligne, il y a quelques mois, et a récolté plus de 45 000 signatures.
Premier ministre du Canada de 1867 à 1873, puis de 1878 à 1891, John A. Macdonald est critiqué pour avoir joué un rôle important dans le système des pensionnats pour enfants autochtones. Il était aussi au pouvoir lorsque le chef de la rébellion métisse Louis Riel a été pendu, le 16 novembre 1885, à Regina.
Un autre monument à son honneur a été retiré de l’Assemblée législative à Victoria, en Colombie-Britannique, en 2018. L’image de l’ancien premier ministre du Canada a également été remplacée sur les billets de 10 dollars par le portrait de Viola Desmond.
Avec La Presse canadienne