Une solution simple à la question du lieutenant-gouverneur

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Tribune libre 2008

La campagne électorale a promptement relégué le débat sur l’abolition de la
charge de lieutenant-gouverneur du Québec. Une telle situation contribue
pourtant tout autant à nourrir le cynisme envers les institutions que les
dépenses somptuaires de l’ex-lieutenant-gouverneure. Puisque aucune réforme
constitutionnelle n’est envisageable à court ou à moyen terme afin de
remédier à cette situation, il est donc grand temps que les partis
politiques fassent davantage preuve de pragmatisme.
Or il existe une solution simple consistant à laisser en déshérence la
charge de lieutenant-gouverneur jusqu’à ce que, à l’occasion d’une ronde
constitutionnelle ou d’une constitution québécoise, cette question soit
officiellement tranchée. Il sera alors temps de voir si la fonction doit
être abolie ou rendue élective par exemple. En attendant, la constitution
canadienne prévoit déjà les mécanismes permettant aux institutions de
fonctionner quand même. L’article 67 amendé de la Constitution mentionne
que « Le gouverneur en conseil peut nommer un administrateur chargé
d'exercer les fonctions de lieutenant-gouverneur en cas d'absence ou
d'empêchement du titulaire ou de vacance de sa charge. »
En réalité, la
nomination d’un administrateur par décret du Conseil du trésor du
gouvernement canadien est automatique. Il peut agir en lieu et place du
lieutenant-gouverneur dès que ce dernier « n’est pas en mesure » de
s’acquitter de ses tâches. Depuis 1958, c’est l’un des juges principaux de
la Cour d’appel du Québec qui est nommé administrateur du gouvernement du
Québec et, depuis 2000, l’honorable juge Paul-Arthur Gendreau a déjà
procédé à la sanction de quelques lois et à la ratification de décrets
lorsque le lieutenant-gouverneur séjournait à l’extérieur du Québec ou
était malade. Il est vrai que la « suppléance » de l’administrateur de la
province vise en principe à palier à une situation temporaire, mais la
distinction avec « intérim » n’est pas nette. Au sens de la loi
constitutionnelle, « intérim » suggère l'idée d’un remplacement en cas de
vacance tandis que « suppléance » correspond mieux à des cas d'absence ou
d'empêchement momentanés, « sauf lorsque le suppléant est une personne
expressément nommée à l'avance en cette qualité », ce qui semble bien le
cas de cet alinéa de l’article 67 (Statuts révisés du Canada, janv. 1991).
Sur cette voie pragmatique, le prochain gouvernement du Québec devrait
rencontrer l’appui du premier ministre Harper qui a déjà procédé à une
manœuvre équivalente en 1989 afin d’obtenir un sénat « triple E » élu,
efficace et égal (entre les provinces). Le parti réformiste des Manning,
Stockwell Day et Stephen Harper, en collaboration avec le gouvernement
provincial de l’Alberta, avait alors procédé à l’élection populaire du
candidat au poste de sénateur. Un certain Stan Waters l’avait emporté et
fut plus tard désigné pour siéger au Sénat par le premier ministre Brian
Mulroney qui endossait de la sorte le choix des électeurs albertains et la
stratégie du parti réformiste. L’Alberta et la Colombie-Britannique ont
depuis voté des lois prévoyant l’élection des sénateurs.
La balle est donc bien dans le camp des partis provinciaux, l’ADQ, le
Parti libéral et le Parti québécois, afin qu’ils profitent de la campagne
électorale pour exprimer publiquement leur intention de laisser tomber en
désuétude la charge de lieutenant-gouverneur, de s’engager à ne pas
recommander de candidats à la prochaine vacance et d’acquiescer au principe
que ses attributions soient à l’avenir confiées à l’administrateur du
gouvernement du Québec. Souverainistes comme fédéralistes ont d’ailleurs
intérêt à parrainer une telle initiative, le uns afin de débarrasser le
Québec d’un autre symbole du colonialisme, les autres afin de faire la
démonstration de la flexibilité du fédéralisme. Le mandat du
lieutenant-gouverneur actuel prend fin en principe en 2012, plus tôt encore
si M. Pierre Duchesne décide de coopérer et de démissionner avant terme de
sa charge. Il pourrait bien de la sorte passer à l’histoire à titre du
dernier lieutenant-gouverneur du Québec.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --

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Gilles Laporte34 articles

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professeur d’histoire au cégep du Vieux Montréal.

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