Une pause électorale

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Mais que craint donc La Presse ? Que Couillard et les Libéraux se retrouvent dans l'eau bouillante en pleine campagne électorale ?

Si une élection est déclenchée à Québec, la commission Charbonneau doit-elle prendre une pause?
La réponse de la Commission est catégorique: non. «Nous avons un agenda et nous le suivons. Une élection n'y changerait rien», selon le porte-parole, Richard Bourdon.
Soit. Mais la question mérite néanmoins d'être poussée plus loin. Et jamais le moment n'a été aussi opportun qu'au lendemain du dépôt du rapport d'étape, avant que le tourbillon électoral s'élève.
Entendons-nous, la Commission est souveraine. Il n'est pas question d'une intervention gouvernementale. Plutôt, il y a lieu de se demander si les commissaires ne devraient pas d'eux-mêmes interrompre les audiences publiques durant les 35 jours d'une éventuelle élection.
Certes, la Commission est apolitique. Elle doit donc se tenir loin de toute décision qui donne l'impression contraire. Mais poursuivre les travaux comme si de rien n'était pourrait, justement, plonger la Commission dans l'arène politique et miner, par le fait même, son intégrité.
«La Commission veut certainement éviter de suggérer qu'elle se soucie des conséquences politiques de ses travaux, souligne le professeur de droit Charles-Maxime Panaccio, mais en même temps, il peut être souhaitable d'empêcher que ces travaux fassent partie de la campagne.»
Sauf erreur, il n'y a pas de précédent en la matière. La Commission a maintenu ses travaux lors des élections municipales de novembre dernier. Mais reconnaissons que nous serions devant un cas de figure particulier si des élections étaient déclenchées prochainement: les deux principaux partis auraient autant de risques d'être éclaboussés par des témoignages... au gré du hasard des travaux.
Or ce côté aléatoire pourrait bien compromettre le processus électoral, d'autant qu'il est difficile en campagne d'examiner sereinement les deux côtés de la médaille. Cela donnerait en outre un immense pouvoir d'interférence aux témoins, dont on entend souvent la réplique que des semaines plus tard. Rappelons d'ailleurs que l'ouverture d'une enquête de la GRC sur le PLC en pleine campagne électorale avait été fortement critiquée en 2005.
Pour préserver l'intégrité de la Commission, on pourrait être tenté de miser sur une prudence accrue des procureurs le temps de l'élection plutôt que sur une pause. Mais une telle option pourrait s'avérer plus risquée encore, la prudence pouvant elle-même nuire à l'indépendance des travaux. Éviter de nommer un chef ou un autre durant l'élection reviendrait à les protéger par la bande et, ainsi, à retenir de l'information précieuse.
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Quant à la pression qu'exercerait une suspension des travaux sur le calendrier de la Commission, elle serait minime. Retrancher 35 jours à un mandat qui vient d'être prolongé de 18 mois, un délai jugé «très long» par le ministre de la Justice, serait loin d'être un crime de lèse-justice, surtout qu'une pause des audiences n'empêcherait pas le travail de se poursuivre en coulisses.
Une interruption des travaux permettrait de protéger non pas un parti ou un autre, mais bien le processus démocratique.


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