Que ce soit par orgueil, instinct ou sincérité, en tout cas visiblement sans colère ni amertume, Jean Charest a choisi de quitter la tête du Parti libéral du Québec. C’est la décision qui s’imposait, qu’il a livrée avec élégance, qui donne un répit à la première première ministre du Québec, Pauline Marois, et une chance à son parti. La politique québécoise entre dans une nouvelle ère, et on en avait bien besoin.
Si seuls comptaient les chiffres, Jean Charest aurait pu rester à la tête du PLQ. Il n’a pas à rougir des 50 députés que le parti a su faire élire mardi, improbable scénario que nul n’avait osé envisager - même si les pros de la stratégie politique n’ont jamais négligé la discrétion des électeurs libéraux et la force de la machine du parti.
Il n’y a pas non plus eu réel rejet de son gouvernement : 16 des 20 membres de son cabinet qui se représentaient ont été élus. Et au pourcentage des voix, les électeurs ont considéré les trois principaux partis quasiment sur le même pied.
Pour un politicien combatif comme M. Charest, il y aurait eu là matière à rebondir, en dépit de sa dure défaite personnelle après 28 ans de règne à Sherbrooke, circonscription qu’il a représentée tant à Ottawa qu’à Québec. On l’a vu encore mardi, il ne manque pas de comtés sûrs où le chef libéral aurait pu se réfugier.
Mais heureusement, M. Charest a toujours su saisir les occasions et c’est le temps, il l’a dit, de tourner la page. Chef du parti depuis 14 ans, au pouvoir pendant plus de neuf ans, Jean Charest a fait le tour des défis et a semé pour l’avenir, laissant un Plan Nord dont le principe est moins discuté que les modalités.
Par contre, que d’affrontements, celui avec la jeunesse étant le plus récent, et de malaises il aura fait vivre au Québec. Son vibrant hommage à la fonction publique hier ne peut faire oublier à quel point le privé y a pris pied, avec toutes les dérives qui en ont découlé, toutes les portes ouvertes aux abus, des plus ordinaires aux plus grandes magouilles. La liste est longue, et elle n’est pas à la gloire des libéraux.
Devenu chef de l’Opposition officielle, comment aurait-il pu jouer le jeu de pousser dans ses retranchements la nouvelle première ministre sur des dossiers dont il connaît toutes les complexités, tout en traînant des casseroles dont la commission Charbonneau fera étalage ? Ç’aurait été impraticable.
D’autant que le paysage politique a changé au Québec depuis que M. Charest y a fait son entrée en 1998. L’offre politique s’est sophistiquée, « le temps du bipartisme est révolu », comme le disait mercredi avec justesse la nouvelle première ministre, Pauline Marois. Il faudra savoir composer, collaborer, cohabiter, ce que proposait d’entrée de jeu Mme Marois mercredi. Le politicien Charest, lui, ne venait pas de cette école.
L’homme affable, celui qu’on a vu à l’oeuvre à l’annonce de sa démission et qui dans le privé attire la sympathie, a toujours cédé la place à l’implacable batailleur face à ses adversaires politiques. Ses attaques n’avaient pas de limites, alors que le Québec est rendu ailleurs. Les politiciens se rendent mutuellement hommage quand les circonstances l’imposent, mais il faudra davantage. Les Québécois savent dorénavant vivre au quotidien avec leurs allégeances diversifiées, il faudra que les élus apprennent à les imiter, même à l’Assemblée nationale.
C’est aussi le PLQ qui a besoin de renouveau. M. Charest, tout aimé soit-il de son caucus, a néanmoins fait le vide des têtes fortes autour de lui. Un départ après l’autre, la nécessité d’une relève devenait criante. Le parti n’est ni en crise à l’interne, ni en déroute auprès de l’électorat, et la commission Charbonneau ciblera le passé. Le contexte est donc idéal pour qu’il se trouve de nouveaux repères. Trois mandats de premier ministre l’ont peut-être fait oublier, mais il y aura une vie après Jean Charest.
Départ de Jean Charest
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