La défaite de Jean Charest

La CAQ se dessouffle

Le grand vainqueur à court terme : l’Empire Desmarais

Chronique de Richard Le Hir


Commençons par nous réjouir au moins de la défaite de Jean Charest. C’est la seule très bonne nouvelle de cette soirée électorale. Mais la force surprenante du PLQ compte tenu de ce qu’annonçaient les sondages ne garantit pas qu’il ne tentera pas de revenir par la porte d’en arrière à l’occasion d’une élection partielle à la suite du retrait en sa faveur de l’un de ses députés.
La grande surprise, c’est évidemment l’effondrement de la CAQ par rapport à ce que laissaient présager tous les sondages. Comme la CAQ butinait dans les plates-bandes du PLQ, le fait qu’elle ne soit pas parvenue à traduire dans l’urne l’avantage dont les sondages la créditait a empêché le Parti Québécois de l’emporter facilement dans des luttes à trois.
Pour sa part, le PQ n’est pas parvenu à gagner le moindre point de pourcentage du vote populaire au cours de la campagne électorale. À 32 %, il conserve tout au plus sa franchise minimale.
Pour dire les choses le plus charitablement du monde, le leadership de Pauline Marois n’en sort pas renforcé, et son élection à la tête du gouvernement risque d’avoir rapidement un goût amer si elle ne trouve pas le moyen de créer dans un délai assez court les conditions de sa réélection à la tête d’un gouvernement majoritaire.
Pour ce faire, une seule possibilité, affaiblir ses adversaires.
La Commission Charbonneau reprendra ses travaux dans quelques jours. Il est d’ores et déjà assuré, ne serait-ce que parce que Jean Charest était pressé de tenir les élections avant qu’elle ne le fasse, que le PLQ se fera éclabousser.
Mais il y a également d’autres dossiers qui peuvent affaiblir le PLQ, et même l’envoyer à jamais dans les poubelles de l’histoire. Et c’est là que nous verrons si Pauline Marois possède l’instinct de tueur qui fait la marque des grands politiciens (avec mes excuses aux âmes sensibles).
En effet, deux dossiers au moins ont la capacité de mettre en relief les pratiques inacceptables de Jean Charest et du PLQ, et ce sont ceux d’Hydro-Québec et de la Caisse de dépôt.
Même si les enquêtes pourraient prendre plus de temps que ne durera son gouvernement minoritaire, le remplacement rapide des dirigeants de ces deux fleurons et l’ouverture d’enquêtes en publicisant largement les informations déjà disponibles seraient de nature à convaincre la population que les Libéraux se sont montrés indignes de leur confiance, comme aucun autre parti ne l’a fait au Québec avant eux.
Par ailleurs, elle devra immédiatement révoquer le mandat de Pierre-Marc Johnson comme négociateur de l’accord de libre-échange et nommer à sa place quelqu’un qui sera beaucoup plus proche des intérêts du Québec et beaucoup moins de ceux de l’Empire Desmarais.
Quant à la CAQ, nous venons de voir de quel bois elle se chauffe, et s’il fallait compter sur ce bois pour espérer passer un hiver au chaud, nous mourrions tous gelés à la première bise. Legault le matamore n’était qu’un minou. Les siens seront sûrement déçus, et Pauline Marois devrait profiter de cette déception au plus vite en tenant rapidement une autre élection (au printemps prochain) qui les empêcherait de s’en remettre.
En effet, la pire chose qui pourrait arriver au PQ serait de se mettre à jouer le jeu parlementaire en essayant de finasser avec l’opposition. Il finirait par perdre sur tous les plans, et notamment d’aliéner profondément sa base. Il a la chance d’avoir l’initiative, il faut qu’il la saisisse au plus vite pour terrasser ses adversaires avant que ce ne soit eux qui le fassent.
Ce n’est évidemment pas le plan de match que Pauline Marois avait en tête. Mais il faut savoir jouer les cartes qu’on a dans son jeu. Et pour s’assurer de devenir chef d’un gouvernement majoritaire qui pourra entreprendre ce qu’elle souhaitait pouvoir entreprendre, elle devra d’abord remporter la victoire qu’elle n’a pas remportée.
Elle se trouve dans une situation très rare. Elle a une seconde chance de faire une bonne première impression. Elle vient de démontrer qu’une femme peut devenir premier ministre, il faut maintenant qu’elle démontre que ce n’était pas un hasard de la conjoncture.
En attendant, il faut voir comment le résultat de cette élection se trouve à servir les intérêts de l’Empire Desmarais. Jean Charest n’était pas en mesure de conserver le pouvoir, et, dans un scénario à deux partis, le PQ était sûr de l’emporter. Il lui fallait donc absolument brouiller les cartes, et il a favorisé l’entrée en scène d’un troisième parti, la CAQ.
Parallèlement, il a orchestré avec tous ses comparses fédéralistes une offensive médiatique comme nous n’en avions pas vue depuis le référendum de 1995 pour influencer l’électorat, contre le PQ et en faveur de la CAQ. Tout était bon pour affaiblir le PQ et glorifier la CAQ, au point de la gonfler comme une baudruche.
Ce soir, l’air est sorti de la baudruche, et les Québécois découvrent à quel point ils se sont fait berner. Pour ma part, je n’ai jamais cru à la force de la CAQ, connaissant trop bien tout le temps et les efforts requis pour lancer un nouveau parti. À plusieurs reprises au cours de la dernière année, j’ai rappelé les exemples du PQ et de l’ADQ, et encore la semaine dernière, je soulevais la question de la capacité de la CAQ à traduire en votes les résultats des sondages http://www.vigile.net/Si-la-tendance-se-maintient-le-PQ .
Mais, au delà de ce qui émerge au grand jour, ce qui est de plus en plus évident, c’est que le fédéralisme sert de couverture à la défense des intérêts d’affaires de l’Empire Desmarais. Et les fédéralistes, trop heureux d’avoir un personnage si puissant dans leur camp, lui offrent cette couverture sans voir que leur cause risque d’être compromise par ses affaires si elles tournent mal.
Ici même sur Vigile, plusieurs d’entre nous ont disséqué sa manoeuvre dans le long, le large et le travers. Je vous renvois aux textes suivants, http://www.vigile.net/Et-si-vous-croyez-avoir-tout-vu, http://www.vigile.net/La-trahison-de-Lucien-Bouchard, et aussi à cette courte vidéo, http://www.youtube.com/watch?v=dXh6mi76F0Q, pour ne m’en tenir qu’au minimum.
Si Pauline Marois joue sagement le jeu parlementaire, l’Empire Desmarais n’a rien à craindre avec le résultat qu’elle a obtenu. Elle ne sera en mesure d’adopter aucune loi remettant en question l’ordre existant. Et si elle fait mine d’utiliser de façon trop agressive son pouvoir administratif, les médias à la solde auront vite fait de se déchaîner contre elle.
À moins de se résigner à passer rapidement à l’abattoir, Pauline Marois n’a pas d’autre choix que de poser les gestes que j’ai suggérés plus haut et de développer sur nos richesses naturelles une proposition du genre de celle de 1962 sur la nationalisation de l’électricité pour la soumettre au plus vite à la population. Le contexte économique mondial des prochains mois va se prêter admirablement bien à une initiative de ce genre.
Ce faisant, elle se trouverait à prendre l’Empire de front. Dans la situation dans laquelle elle se trouve, elle doit tasser tous ceux qui sont sur son chemin, et l’Empire est définitivement sur son chemin. C’est même le plus gros obstacle. Mais la question se pose de savoir si elle en est consciente. Et puis, est-elle prête à le faire? A-t-elle l’estomac pour le faire ? A-t-elle l’équipe pour le faire ? Se contentera-t-elle seulement d’avoir été la première femme à accéder au poste de premier ministre ?
On a tous bien hâte de le savoir.


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11 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    9 septembre 2012

    Laissons le caméléon François Legault fanfaronner sur tous les toits qu'il va défaire le gouvernement péquiste à la première occasion, c'est du bluff sans conséquence.
    Après avoir usé de tous les clichés du bonhomme sept heures pour faire peur aux petits enfants qui veulent pas aller se coucher, je le vois très mal nous resservir le même refrein ce printemps avec son grand ménage en accusant ses adversaires de jouer le jeu du statu-quo à toutes les sauces quand lui-même se comporte comme une huitre à la poissonnerie.

  • Michel Aubin Répondre

    7 septembre 2012

    Bonjour M. Le Hir. Merci de vos travaux. Je lis actuellement votre ouvrage Desmarais qui m'amène à vous suggérer un texte, en deux parties, de ma plume publié dans La Presse en août dernier intitulé ''De la démocratie à la dictature constitutionnelle''. Vous noterez que ma source du texte vient de la France!!!
    Au plaisir Michel Aubin
    Partie 1: http://tinyurl.com/c7kp3cz Partie 2: http://tinyurl.com/d9macfg

  • Archives de Vigile Répondre

    7 septembre 2012

    À 27% la CAQ reste une menace à prendre très au sérieux.
    Advenant que Charbonneau accable le PLQ, où iront les électeurs libéraux fédéralistes francophones dégoûtés? À la CAQ j'en ai peur.
    Durant la dernière campagne Pauline Marois n'a pas fait le travail de ramener au bercail les souverainistes stationnés à la CAQ. Ça reste encore un objectif réalisable.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 septembre 2012

    Tout sera fait par l'élite financière et d'affaires pour que le statu quo social, politique et économique persiste. Le PQ a fait par le passé une bonne besogne en faveur de l'élite financière et d'affaires.
    Ainsi il est vrai de dire que l'empire Desmarais ne peut faire autrement qu'être satisfait des résultats.
    Le statu quo pourrait être bousculé par des partis comme QS et ON.
    C'est pourquoi vous ne verrez jamais ces deux partis faire une percée quelconque lors d'une élection.
    Cela démontre le pouvoir extraordinaire de l'élite d'argent qui fait et défait les gouvernements dépendamment du travail qu'ils ont fait pour eux.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 septembre 2012

    Le parti québécois passe en finale.
    Jean Charest va faire ses valises pour aller rejoindre une firme d’avocats à Toronto ou ailleurs, un grand jour pour le Québec.
    Clotaire Rapaille avait raison de dire que les québécois sont sado-maso. Élire un gouvernement minoritaire, c’est la grenouille qui se laisse ébouillanter à petit feu sans réagir plutôt que de sortir de la marmite fédéraliste une fois pour toute.
    Le parti québécois est très bien équipé pour aller en supplémentaire et terminer ça en tirs de barrages.
    Avis aux libéraux
    La finale aura lieu en même temps que les conclusions de la Commission Charbonneau.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 septembre 2012

    Les animateurs des radios de droite que j'écoutais ce matin dans la région de Québec faisaient miroiter à leurs auditeurs que les libéraux vont défaire le P.Q. à la première occasion et nous relancer en élection subito presto...
    Les nerfs les moteurs!
    Avec la qualité des candidats élus au P.Q. Pauline Marois a tout son temps pour s'installer au pouvoir et surtout démontrer qu'un gouvernement souverainiste est loin d'être l'image négative que Jean Charest associé à François Legault ont tenté de laisser croire aux électeurs.
    Vive la démocratie!

  • Marcel Haché Répondre

    5 septembre 2012

    Si vous considérez le vote West Island disséminé dans le 450, favorable au P.L.Q., cela permet une autre et plus juste perspective de la « force » surprenante de ce parti.
    Le P.L.Q. s’est effondré hier, malgré son succès électoral indéniable. Il sera facile à un gouvernement décidé, même minoritaire, de culbuter les libéraux d’un gros parti Égalité. La position minoritaire de Stéphen Harper ne l’a jamais empêché de bousculer l’opposition majoritaire, puis devenir majoritaire.
    Le plus déterminant, c’est l’État, certes, mais le P.Q.- le gouvernement péquiste- peut maintenant tirer une force considérable de ne pas s’être attaché les mains avec un agenda référendaire, ce qui lui permet pour la toute première fois de son histoire de chasser en territoire ennemi, plutôt que d’être chassé sur le sien.
    À ceux qui disent, comme à la Presse, une « victoire historique, mais courte », il faut répondre qu’une victoire historique n’est jamais une courte victoire, sinon ce n’est pas une victoire historique. Celle du P.Q.Marois hier est Historique. Plus encore que celles de R. Lévesque et plus tard de J. Parizeau. Cela sera-t-il suffisant pour écrire une nouvelle Histoire ? C’est possible.Quelque chose est devenu pos-si-ble. C’est déjà pas si mal.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 septembre 2012

    Bonjour M. Le Hir
    Le parti québécois passe en finale.
    Jean Charest va faire ses valises pour aller rejoindre une firme d’avocats à Toronto ou ailleurs, un grand jour pour le Québec.
    Clotaire Rapaille avait peut-être raison de dire que les québécois sont sado-maso. Élire un gouvernement minoritaire, c’est la grenouille qui se laisse ébouillanter à petit feu sans réagir plutôt que de sortir de la marmite fédéraliste une fois pour toute.
    Le parti québécois est très bien équipé pour aller en supplémentaire et terminer ça en tirs de barages.
    Avis aux libéraux
    La finale aura lieu en même temps que les conclusions de la Commission Charbonneau.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 septembre 2012

    Très ingénieux votre plan M. Le Hir de repartir en élection au plus vite, dès ce printemps, pendant que la baudruche CAQ est dégonflée, et que les libéraux auront sans doute été éclaboussés par la commission Charbonneau. Par le fait même, on pourrait faire une pierre deux coups, et se débarrasser des deux, laissant le champs libre aux partis souverainistes, Qs et ON inclusivement. Espérons que votre idée cheminera d'ici là jusqu'à notre nouvelle première ministre :)

  • Archives de Vigile Répondre

    5 septembre 2012

    Il faut au plus vite agir pour démasquer les voleurs
    du patrimoine des Québécoises et des Québécois.Il faut demander une enquête sur les pertes à la caisse de dépot
    et remplacer sebia.Il faut aussi remplacer le négociateur
    et traite johnson par quelqu'un qui a à coeur les intérets
    des Québécoises et Québécois.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 septembre 2012


    Monsieur Le Hir vous brosser un tableau tres juste de la situation dans laquelle Pauline Marois se retrouve.
    L'empire Desmarais a de quoi se réjouir.
    C pendant ce matin Jean Charest peut compter ses amis sur les dix doigts de sa main et ceux qui ne l'ont pas trahi d'ou possiblement sa démission qui seras annoncer.
    Il as été répudier par l'empire ,par André Pratte ,par le roc.
    Charest as-il vraiment d'autre choix que de démissionner devant un tel affront et cette montagne d'ingratitude a son égard .
    On as beau être fait fort mais la traitrise de l'empire et des fédéralistes du roc a son endroit les empêchent maintenant de regarder Charest droit dans les yeux ..donc il doit partir ,l'empire l'as sacrifier brutalement et n'en veut plus.
    C'est quand même triste pour Charest qui malgré son dévouement complet au canada et sa bonne performance as réussi a sauver son parti malgré tout les coups de couteaux vicieux que l'empire lui as asséner dans le dos avec la complicité du roc et de son messager André Pratte de La Presse
    Charest connait ses vrais amis ce matin .
    Claire Durand spécialiste des sondages avait raison les indécis et les discrets votent presqu'as 100% pour les libéraux et j'avais même envisager l'élection de Charest minoritaire .
    il y as beaucoup de message dans ces résultats
    La belle victoire de Léo Blouin en est un ,ainsi que la défaite de Charest et la stagnation du vote en faveur du parti québécois.
    En ce qui concerne vos propos sur la commission Charbonneau ,l'Hydro Québec ,peu importe les suites ,elle seront récupérer par Legault pour dire qu'il avait raison et qu'il faut faire le ménage ...donc un résultat nul pour le parti Québécois.
    Sans penser que les libéraux vont possiblement se choisir un
    nouveau chef vers qui retourneront certain électeurs qui ont voter pour la caq a cause de la coruption a laquelle le nom de Charest était attaché.
    Auront-il un tribun exceptionnel et démaguogue comme Charest comme nouveau chef?
    Cela peut faire la différence
    L'effet de la nouveauté joueras .
    La situation n'est pas facile.
    L'opinion des québécois est crystalisé a part égale entre trois partis et un petit pourcentage de différence peut éventuellement donner le pouvoir a chaqun des trois principaux partis .
    Alors ce ne seras pas simple pour Pauline Marois qui devras retourner en élection.