Il y a parfois des déclarations qui sont prononcées par les politiciens et qui peuvent de prime abord sembler anodines, mais qui dans les faits en disent très long sur la pensée du politicien en question. Pauline Marois nous a fait don d'une telle déclaration tout juste hier.
Mme Marois répondait à Maxime Bernier qui venait de prétendre que la loi 101 ne servait à rien au Québec. La chef du PQ lui a alors fait remarquer que « si ce n’était pas de la loi 101, nous serions déjà en train de nous assimiler ». Le fait est que l’assimilation nous frappant est déjà bien lancée, et moins l’Amérique, le Canada et le Québec compteront de francophones, et plus le phénomène ira en s’accélérant.
Contrairement à ce que croit Pauline Marois, le phénomène assimilationniste frappe l’Amérique française depuis des siècles. Dès l’arrivée des Anglais, le « génocide culturel en douce » (dixit Pierre Vadeboncoeur) a commencé. Les Anglais se sont installés ici après la Conquête, prenant la place des élites qui rentraient en France ou des commerçants canadiens qui durent céder le terrain et de ce fait se faire paysans; ils ont alors commencé à imposer leur culture. Après la Révolution américaine, ce fut au tour des loyalistes de débarquer au Québec ; ils refusèrent de s’assimiler et imposèrent leurs us et coutumes et leur langue sur ce territoire occupé par les « habitants ». Le Canada-pays ne fit guère mieux : il utilisa l’immigration à des fins assimilationnistes et plusieurs provinces interdirent les écoles séparées, ce qui frappa très durement les communautés francophones hors Québec. Il charcuta également, à l'aide de sa Cour-suprême-de-Pise, la charte de la langue française adoptée par le Québec en 1977. Les conséquences de tout cela sont faciles à mesurer : le pourcentage des francophones en Amérique, au Canada et au Québec va en dégringolant depuis des décennies et des décennies. Et le pire, c’est que tout cela est bien documenté.
Pour en apprendre davantage à ce sujet, il s’agit de lire l’excellent ouvrage réalisé par mon collègue Pierre-Luc Bégin et Paul Bénéteau. Le titre : Le génocide culturel des francophones au Canada. Grosso modo, ce livre démontre, statistiques à l’appui et puisées à même les institutions fédérales, que le mythe du Canada français n’est plus. La francophonie nord-américaine ne survit plus qu’au Québec, et un peu en Acadie et dans certaines parties de l’Ontario qui sont collées sur le Québec. Point final. Tout le reste n’est plus qu'un espèce de folklore destiné à endormir les troupes qui pourraient encore avoir envie de défendre ce qui reste de français en sol canadien.
C’est aussi ce que démontre le savant Charles Castonguay dans son dernier livre intitulé Le français dégringole. Concrètement, le mathématicien explique que de 2001 à 2006 le phénomène assimilationniste est allé en s’accélérant et qu’il n’épargne pas même le Québec qui se croit protégé grâce à sa loi 101. « Partout le poids de la majorité de langue maternelle glissait sous des seuils psychologiques : à 79,6%, il passait en dessous de 80% de la population du Québec ; à 65,7%, il passait sous les deux tiers dans la région métropolitaine de Montréal et à 49,8%, tout juste sous le seuil de 50% dans l’île (p. 61) », d’écrire Castonguay.
Face à ces nouveaux chiffres, Castonguay désespère de voir les « élites » branler dans le manche et hésiter encore et toujours lorsque vient le temps d'adopter de nouvelles mesures contraignantes pour renverser la tendance assimilationniste qui frappe même le Québec. Tout comme lui, je trouve le PQ et les « z’élites » désespérants à ce chapitre.
Ce qu’indique la dernière déclaration de Pauline Marois au sujet de la langue et de la loi 101, c’est que le problème est encore plus grave qu’on ne le croyait. Ce n’est pas tant par manque de courage ou de volonté que les « z’élites » laissent le français s’étioler en Amérique et au Québec, mais bien davantage par ignorance. Lorsque Pauline Marois dit que sans la loi 101, nous serions déjà en train de nous assimiler, elle fait la preuve qu’elle souffre d’une inculture crasse en matière linguistique. La loi 101, les chiffres le prouvent, n’a fait que ralentir le phénomène. Il ne l’a en rien arrêté. Il serait temps que Pauline Marois s’en rende compte.
Car l’inculture linguistique qui l’anime amène le PQ à défendre toutes sortes de mesures plus néfastes les unes que les autres. Un exemple puisé parmi tant d’autres : comment voulez-vous que Pauline Marois s’oppose enfin à la folie qui consiste à construire deux méga hôpitaux universitaires à Montréal, l’un pour les anglos l’autre pour les francos, ce qui bien évidemment envemirera la situation du français à Montréal, quand elle ne sait même pas que les francophones s’assimilent au Québec ? Ce chef péquiste n’est pas en mesure de comprendre l’urgence qu’il y a d’adopter enfin des mesures fortes et contraignantes pour venir en aide au français, car elle n’est même pas au courant que le français subit l’assimilation au Québec même, et ce, à cause de toutes sortes de raisons qui impliquent entre autres l’immigration et la force d’attraction de l’anglais qui frappe aussi les jeunes francophones.
On pourrait dire la même chose par rapport à l’hésitation qui l’afflige lorsque vient le temps d’envisager le projet d’imposer la fréquentation d’un cégep francophone à tous les enfants des allophones et des francophones du Québec. Pourtant, Castonguay démontre bien que cette mesure est d’une nécessité absolue : « La loi 101 semble ainsi avoir eu, depuis 1977, le temps de produire tout son effet au primaire et au secondaire. En revanche, durant chacune des deux périodes les plus récentes, l’anglais domine effrontément parmi la cohorte la plus âgée [soit celle fréquentant le collégial] », de souligner le chercheur.
Il ne reste plus qu’une chose à nous souhaiter et c’est que Pauline Marois fasse enfin ses devoirs eu égard au dossier linguistique. Elle pourrait le faire en commençant par la lecture du livre de Castonguay et celui de Bégin et Bénéteau. Car l’évidence est que le Québec a profondément besoin d’un chef péquiste qui soit bien au courant de la dure situation dans laquelle se retrouve sa langue nationale.
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