L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis mettra-t-elle au défi les talents de pugiliste de Justin Trudeau? Sa longue portée lui conférera-t-elle un avantage sur le nouveau locataire de la Maison-Blanche dans les différends à prévoir entre le Canada et les États-Unis? Quoi qu’il en soit, le premier ministre a jusqu’ici choisi de tendre la main et non le poing à son nouvel homologue de l’autre côté du 45e parallèle.
Au lendemain des élections présidentielles américaines, Justin Trudeau a fait un appel de courtoisie à Donald Trump pour le féliciter de sa victoire et pour l’inviter au Canada, comme le veut la tradition d’amitié entre les deux pays.
Si la plupart des nouveaux présidents américains contemporains ont d’abord fait un arrêt au nord de la frontière avant d’aller visiter d’autres pays, George W. Bush avait pour sa part fait fi de ce rite de passage. Le président du Texas s’était plutôt rendu au Mexique, après son entrée en fonction de 2001.
Il serait cependant étonnant que M. Trump, qui a promis de construire un mur entre les États-Unis et le Mexique, suive les traces de son prédécesseur républicain.
Si le milliardaire répond à l’invitation de M. Trudeau après son entrée en fonction le 20 janvier prochain, il est peu probable qu’il soit adulé comme l’avait été Barack Obama, lors de son passage à Ottawa en février 2009.
Points de référence
Pour le chercheur de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM, Rafael Jacob, les relations cordiales entre le président Ronald Reagan et Brian Mulroney, ainsi qu’avec Bush père restent les points de référence de la bonne entente entre les deux pays.
«C’était des relations extraordinairement cordiales et chaleureuses et très personnelles. C’était vrai surtout avec le président Reagan et vrai aussi dans un ordre moindre avec le président Bush. [...] Lorsque les couples Mulroney et Reagan, donc avec les premières dames, avaient dansé ensemble, c’était très beau à voir», souligne-t-il.
Relations tendues
À l’inverse, les années libérales sous Jean Chrétien et Paul Martin ont été marquées par des relations tendues avec le président W. Bush, notamment en raison du refus du Canada de participer à la guerre en Irak et ses tergiversations sur la question du bouclier antimissile.
Selon M. Jacob, les relations entre le Canada et les États-Unis dépassent toutefois les échanges parfois tendus entre présidents et premiers ministres.
«Les États-Unis et le Canada restent depuis des décennies le plus grand partenariat au monde entre deux nations. Il n’y a pas deux nations plus proches à peu près à tous les points de vue, que ne le sont le Canada et les États-Unis. C’est une constance à travers les époques, et je ne pense pas qu’il y ait de raison que ça change», fait-il valoir.
Principales visites des présidents américains en sol canadien
WARREN HARDING
Visite le Canada en 1926 à Vancouver.
FRANKLIN D. ROOSEVELT
Conférence de Québec, du 17 au 24 août 1943, en compagnie de Churchill et de Mackenzie King, et Seconde conférence de Québec entre les trois hommes du 12 au 16 septembre 1944.
HARRY S. TRUMAN
Prononce un discours au Parlement canadien, le 11 juin 1947.
Se rend à Ottawa en novembre 1953, puis y retourne en juillet 1958, où il prend la parole au Parlement et se rend à Montréal en juin 1959 pour inaugurer la voie maritime du Saint-Laurent.
S’adresse au Parlement à Ottawa lors de sa visite en mai 1961.
LYNDON B. JOHNSON
Se rend à Vancouver en 1964, puis à Montréal et à Ottawa en mai 1967 dans le cadre de l'Exposition universelle de Montréal.
RICHARD NIXON
En avril 1972, prend la parole au Parlement.
RONALD REAGAN
17 mars 1985, jour de la St-Patrick, à Québec lors d’une rencontre avec Brian Mulroney surnommée par la presse le «sommet irlandais», en raison de leurs racines irlandaises.
GEORGE BUSH
Se rend à plusieurs reprises au Canada, soit en février 1989 à Ottawa, en avril 1990 à Toronto, en mars 1991 à Ottawa et en juillet 1991 à Toronto.
En avril 1993 à Vancouver, en février 1995 à Ottawa, où il dit au Parlement préférer un Canada uni en période référendaire. En juin 1996 à Halifax, en novembre 1997 à Vancouver et en octobre 1999 à Ottawa et Mont-Tremblant.
En avril 2001 à Québec, en juin 2002 à Kananaskis, et novembre et décembre 2004 à Ottawa et à Halifax.
Février 2009 à Ottawa, juin 2010 à Toronto et juin 2016 à Ottawa.
Entre pommes de discorde et terrains d’entente
Un premier entretien entre Justin Trudeau et Donald Trump serait l’occasion pour le Canada de se positionner face à la nouvelle présidence, de mettre de l’avant ses priorités et de trouver un terrain d’entente, croit l’expert Justin Massie.
Voici un tour de piste de certaines observations du spécialiste en matière de politique étrangère du Canada à l’UQAM:
L’ALÉNA
«L’économie canadienne repose sur l’exportation de biens et de services vers les États-Unis. M. Trudeau a saisi l’opportunité de l’élection de M. Trump, qui remet en question l’ALÉNA, pour renégocier cet accord-là, afin qu’il ne soit pas juste à l’avantage des États-Unis, mais également du Canada. Il faut voir si effectivement il va y avoir renégociations.»
L’OTAN
«Il y a une remise en question du multilatéralisme par M. Trump, notamment avec l’OTAN, une alliance clé pour les intérêts canadiens en matière de sécurité et dans la gestion des conflits.»
La lutte à l’ÉI
«Sur la question de la lutte au groupe armé de l’État islamique, M. Trump semble être beaucoup plus favorable au régime de Bachar Al-Assad et à la stratégie russe qui vise tous les rebelles et pas seulement ceux de l’ÉI.»
Les réfugiés syriens
«La question des migrants est au cœur de la plateforme de M. Trudeau. [...] C’est l’antithèse de la position de M. Trump.»
Taxe sur le carbone et Keystone
«M. Trump a dit à mots couverts qu’il était pour retirer les États-Unis de l’Accord de Paris. Ça peut avoir des conséquences sur le plan national pour M. Trudeau qui aura de la difficulté à convaincre l’Alberta et la Saskatchewan, notamment, de la pertinence de garder ce qui vient avec cet accord-là, c’est-à-dire une taxe sur le carbone.»
«L’enjeu du pipeline Keystone entre l’Alberta et le Texas est le principal avantage pouvant découler de la présidence de Trump pour le Canada. [...] Pour M. Trudeau, ça soulève quand même d’autres considérations. [...] Il n’est pas clair comment Key-stone s’arrimerait avec sa vision très proactive en matière de lutte contre les changements climatiques.»
Les trois amigos
«Le Canada a un intérêt à ce que les relations trilatérales entre le Canada, les États-Unis et le Mexique soient pacifiques et harmonieuses. Or, on peut s’attendre à des conflits assez difficiles entre le Mexique et les États-Unis si, effectivement, M. Trump décide de mettre en œuvre son idée de créer un mur et de déporter des millions de Mexicains qui vivent et travaillent présentement aux États-Unis.»
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