Nicolas Bérubé La Presse (Los Angeles) Trayvon Martin, 17 ans, a été tué à 20 mètres de sa maison, en Floride, par un homme qui disait avoir des «doutes sur ses intentions». La police ne compte pas arrêter le tueur, qui affirme avoir agi en vertu d'une loi controversée sur la légitime défense.
«J'appelle pour signaler la présence d'un gars vraiment suspect, confie une voix d'homme au répartiteur du 911. Il marche sous la pluie et regarde autour de lui. Il a l'air drogué... Il s'agit d'un individu mâle, de race noire...»
George Zimmerman, 28 ans, était assis à bord de sa voiture à Sanford, banlieue d'Orlando, quand il a passé cet appel au 911, le 26 février dernier. Quelques minutes plus tard, et contre les recommandations du répartiteur, Zimmerman est sorti sous la pluie à la poursuite de l'individu.
Trayvon Martin, 17 ans, revenait du dépanneur avec un sac de Skittles et un thé glacé Arizona dans la poche de son manteau. Il allait finir de regarder la partie de basketball NBA All-Star avec son père et était à 20 mètres de la maison quand Zimmerman est arrivé à sa hauteur.
Un affrontement a éclaté. Des voisins ont dit avoir entendu un coup de feu. Trayvon Martin est mort, face contre terre, une balle de pistolet semi-automatique 9 mm dans le dos.
Après une brève enquête, la police de Sanford a laissé partir Zimmerman, qui dit avoir tiré par légitime défense sur Martin, qui n'était pas armé. Zimmerman, qui est blanc, s'était autoproclamé gardien de son quartier de Sanford, frappé par des vols au cours des derniers mois. Il avait passé 46 appels au 911 depuis janvier 2011.
Rapportée dans les médias, la semaine dernière, l'affaire a soulevé l'indignation aux États-Unis. Les parents de Trayvon Martin, un élève exemplaire qui n'a jamais eu affaire à la justice, ont récolté plus de 450 000 signatures dans une pétition en ligne pour que des accusations soient déposées contre Zimmerman. Les parents ont aussi demandé au FBI de faire enquête.
La loi Bush
La tâche s'annonce difficile: en 2005, le gouverneur de la Floride de l'époque, Jeb Bush, a promulgué la loi «Tenez votre bout» (Stand Your Ground), qui stipule que les gens armés n'ont pas à tenter de fuir un affrontement avant d'utiliser leur arme et d'invoquer la légitime défense. Depuis, 17 États américains ont adopté des lois semblables.
Ladd Everitt, directeur des communications de la Coalition to Stop Gun Violence, organisme situé à Washington, estime que la loi floridienne ouvre la porte à des abus.
«Cette loi donne de la latitude aux policiers, qui peuvent décider de boucler une affaire et de ne pas faire d'enquête approfondie, a-t-il dit en entrevue, hier. C'est une loi extrêmement dérangeante, et ça encourage une escalade de la violence.»
En soirée, hier, le Caucus noir du Congrès a demandé au département de la Justice de faire enquête sur la mort de Trayvon Martin. «Ce dossier compromet l'intégrité de notre système de justice et crée un précédent horrible, écrit le président du Caucus, le représentant démocrate Emanuel Cleaver. Trayvon avait une famille, des amis et un avenir, et tout cela est perdu en raison de la couleur de sa peau.»
***
Un million de signatures pour l'inculpation du meurtrier d'un jeune Noir
L'affaire enflamme actuellement la Floride, où se sont déroulés les faits, et des manifestations ont lieu quotidiennement, dont une mercredi à New York, réclamant que le meurtrier, qui assure avoir agi en état de légitime défense, soit arrêté et traduit devant la justice.
PHOTO: ANDREW BURTON, REUTERS
Paula Bustamante Agence France-Presse Miami - Le meurtre d'un jeune Noir américain désarmé, abattu par un Blanc qui faisait des rondes pour surveiller son quartier en Floride, suscitait une indignation grandissante aux États-Unis, certains dénonçant un nouvel exemple de profilage racial.
Signe de l'intérêt pour cette affaire: un million de signatures avaient été réunies jeudi sur le site change.org, qui organise des pétitions en ligne, pour demander l'arrestation et l'inculpation de George Zimmerman, qui a reconnu avoir tué Trayvon Martin, 17 ans, en février dernier, à Sanford, dans la banlieue d'Orlando, en plaidant la légitime défense.
Selon change.org, il s'agit «d'une des plus importantes campagnes jamais menées» sur le site.
«Je suis une mère ordinaire», indique dans un communiqué Sybrina Fulton, la mère du jeune homme, qui organise la campagne de signatures. «Mon coeur est brisé (...) je veux que justice soit rendue à mon fils».
Le 26 février, alors qu'il rentrait chez lui après avoir acheté des sucreries, Trayvon Martin avait été repéré dans une zone résidentielle par George Zimmerman, un Blanc d'origine hispanique de 28 ans, qui patrouillait armé pour prévenir d'éventuels cambriolages ou délits.
Après avoir appelé le numéro d'urgence 911, M. Zimmerman explique au policier qu'il a en ligne que la personne qu'il suit lui semble «suspecte».
«Il y a quelque qui cloche avec ce type», dit-il, selon l'enregistrement de l'appel diffusé par la presse américaine. «Ces salauds finissent toujours par s'en sortir», ajoute-t-il.
Le policier lui dit ensuite de ne pas suivre cette personne et l'informe qu'une patrouille de police va être envoyée sur place. Mais dans les minutes suivantes, M. Zimmerman tire finalement sur Trayvon Martin, dans des circonstances qui restent floues.
L'affaire enflamme actuellement la Floride, où des manifestations ont lieu quotidiennement pour dénoncer des relents de racisme derrière ce crime, et le mouvement se propage au reste du pays.
«La prochaine fois, est-ce que ce sera mon tour?», «Je ne suis pas suspect!», pouvait-on lire sur des pancartes brandies par de jeunes Noirs lors d'un rassemblement mercredi à New York.
Une nouvelle manifestation est prévue jeudi à Sanford, en présence du pasteur noir Al Sharpton, célèbre défenseur de la cause des Noirs et des droits civiques.
Le ministère américain de la Justice, le procureur du district central de Floride et le FBI ont ouvert une enquête. Un grand jury (chambre d'accusation) doit se réunir le 10 avril pour décider si les charges sont suffisantes pour poursuivre George Zimmerman.
Ce dernier «a reconnu avoir tiré, pourtant il n'est pas en prison. Les membres de la communauté sont inquiets», a indiqué dans un communiqué la principale organisation de défense des droits civiques des Noirs américains, NAACP. «Trayvon Martin était un étudiant apprécié, un athlète, et il n'avait jamais été impliqué dans aucun problème».
La puissante organisation de défense des libertés civiles américaines ACLU a pour sa part exprimé sa «préoccupation» concernant la manière dont a été menée l'enquête de la police de Sanford, dont le chef, Bill Lee, est sous le feu des critiques.
Le conseil municipal de la ville a voté mercredi une motion de défiance contre lui. «Nous voudrions qu'il y ait une enquête indépendante sur l'action de la police après la fusillade», a déclaré à l'AFP un responsable de la municipalité, Norton Bonaparte.
La mort du jeune Noir a également relancé le débat sur une loi votée en 2005 en Floride avec le soutien du lobby des armes, la NRA. Ce texte -appelé «Défendez-vous» par ses défenseurs, «Tirez d'abord» par ses détracteurs- a assoupli les conditions d'usage des armes à feu en cas de légitime défense.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé