La participation aux recensements quinquennaux ne sera plus obligatoire. Le refus de remplir la version longue du formulaire de recensement ne pourra plus entraîner de sanctions sous forme d'amendes ou de peines de prison. Le gouvernement Harper a jugé que de soumettre 20 % des foyers canadiens à une telle obligation risquait de vicier la qualité des réponses en plus de constituer une intrusion dans la vie privée des citoyens. La communauté scientifique et les milieux économiques sont d'un tout autre avis.
Ce changement adopté en catimini porte bien la signature conservatrice. Après quelques plaintes d'électeurs — on ne sait combien —, on a décrété que l'État n'a pas à s'immiscer de manière forcée dans la vie privée des Canadiens. Dorénavant, le formulaire long, dont les réponses permettent d'établir un portrait détaillé de la population canadienne, sera envoyé à 30 % des foyers, mais sans obligation de répondre aux questions.
Le ministre responsable de Statistique Canada, Tony Clement, prétend que les citoyens qui accepteront de répondre au questionnaire long le feront avec enthousiasme (!) et que leurs réponses auront ainsi plus de valeur. Faux, car rien ne garantit qu'ils répondront en nombre suffisant. Le risque est réel, car il faut consacrer à ce devoir de nombreuses minutes. Par ailleurs, la variation du taux de réponse selon les régions et les groupes sociaux pourra influencer la représentativité de l'échantillon, même si on obtenait au total un taux de réponse de 20 %.
La réaction à cette décision est on ne peut plus vive. Les données recueillies par Statistique Canada à l'occasion des recensements servent à orienter les politiques adoptées par les gouvernements et les municipalités. Elles aident les grandes entreprises à choisir le lieu d'implantation de leurs usines en fonction de caractéristiques socio-économiques et démographiques. Il ne doit pas y avoir de doutes quant à leur validité. Très mauvaise décision que celle prise par M. Clement, qu'il doit revoir rapidement puisque le prochain recensement est en 2011.
Il faut s'étonner par ailleurs de l'argument «respect de la vie privée» invoqué par les conservateurs. Il est vrai que Statistique Canada entre dans la vie privée des citoyens interrogés, mais comment faire autrement si on veut disposer d'un portrait détaillé et exact de la population canadienne? Pour cette raison, l'exercice comporte toutes les garanties de confidentialité. Statistique Canada n'est pas Facebook, où la mise à nu volontaire ne scandalise pas outre mesure les prudes électeurs conservateurs qui échapperont ainsi à un des rares devoirs civiques qui restaient au Canada. Ne leur restera plus qu'à exiger au nom du respect de la vie privée que la déclaration de revenus devienne volontaire.
L'argument invoqué est d'autant plus étonnant que le Parti conservateur ne se gêne pas pour s'introduire dans la vie privée des électeurs. Ce parti est en constant sondage pour déterminer les intentions de vote, notamment pour établir le comportement prévisible des différentes communautés ethniques. Il se constitue des banques de données obtenues de diverses sources. Il y a quelques années, les électeurs de confession juive de la circonscription de Thornhill, dans la région de Toronto, avaient ainsi reçu une communication qui leur était adressée spécialement. Plusieurs s'étaient étonnés qu'on ait réussi à connaître leur dénomination religieuse.
Ce profilage électoral est bien plus insidieux que le recensement de Statistique Canada, qui fait son travail à visage découvert. Le Parti conservateur agit à l'insu des électeurs. Qu'est-ce qui est préférable?
Recensements nationaux
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