Qui aurait pu prévoir cela? L'ADQ qui a failli prendre le pouvoir, qui devient l'opposition officielle. Jean Charest qui perd son siège. Le PQ relégué au troisième rang? C'est le monde à l'envers. Mais c'est aussi une élection que l'on peut qualifier d'historique, à tel point qu'elle bouscule le monde politique comme on le connaissait.
Les libéraux ont réussi à conserver le pouvoir, par une victoire difficile, gagnée à l'arraché. Les libéraux formeront un gouvernement très minoritaire, mais sans leur chef, talonnés par l'ADQ qui formera sans doute l'Opposition officielle.
Cette victoire libérale est une défaite cuisante pour le premier ministre Charest, qui a perdu son siège, qui n'a pas été capable d'obtenir un second mandat solide, qui n'a pas été capable de surmonter le vent d'impopularité dont son gouvernement est l'objet depuis des années. C'est aussi un échec pénible pour le chef péquiste André Boisclair qui dirige maintenant un tiers-parti.
Et le grand vainqueur, c'est Mario Dumont, dont le succès a pris tout le monde par surprise. Il récolte une quarantaine de sièges, il obtient 31% des voix, il formera sans doute l'Opposition officielle. Personne n'avait vu venir cela. Et ce succès annonce une véritable révolution de la vie politique québécoise, porté par un vent de rejet des vieux partis, de leurs pratiques et de leurs obsessions.
Cela étant dit, cette vague adéquiste n'est pas ce que l'on appelle un raz-de-marée. Il s'agit bien sûr d'une impressionnante remontée, mais l'électorat québécois s'est littéralement divisé en trois. L'ADQ a recueilli 31% des voix, ce qui est quelques points de plus que ce que prévoyaient les derniers sondages. Et la récolte de sièges du parti de Mario Dumont s'explique largement par le jeu des luttes à trois et de la répartition des voix qui favorisait auparavant le Parti québécois.
Mais le message est là. Les Québécois, par leurs choix, ont envoyé un message, ont exprimé un ras-le-bol, un désir de changement et ont pris un risque, celui d'encourager la formation d'un gouvernement minoritaire, avec l'instabilité que cela comporte.
Dieu merci, Mario Dumont n'a pas remporté les élections, et ce n'est pas lui qui formera le gouvernement. On peut le dire sans partisannerie, car ce parti n'était pas prêt, n'avait ni l'équipe, ni le programme. Le résultat d'hier est sans doute le meilleur scénario pour M. Dumont, en le mettant en position de force tout en lui donnant le temps de préparer la prochaine.
Mais le résultat de ce scrutin n'est pas dénué d'intérêt. Bien des citoyens ont manifestement voulu un gouvernement minoritaire. Et celuici, même s'il ne peut être qu'éphémère, peut mener à une dynamique intéressante. Quoiqu'onne sait pas exactement comment les libéraux exerceront le pouvoir, avec une équipe décimée et sans leur chef. Mais il n'en reste pas moins que ce parti a une équipe et a atteint un rythme de croisière en fin de mandat.
D'autant plus que la dynamique entre le gouvernement libéral et l'opposition adéquiste ne sera pas mauvaise. Les libéraux ne vivront pas ce qu'ils ont connu en 2003, avec une opposition péquiste farouche, qui a exacerbé l'opposition aux réformes et mené à la paralysie. Au contraire, les deux formations politiques partagent une vision similaire dans bien des dossiers, notamment l'économie. L'ADQ, dans l'opposition, pourra pousser les libéraux à aller plus loin sur la voie des réformes.
Comme en 2003, mais de façon plus claire, on doit noter que 64% des électeurs ont choisi des partis plus conservateurs, qui remettent en cause le modèle québécois, qui proposent des réformes, qui croient aux lois du marché. Il y a là une volonté claire qui donne un mandat solide à au gouvernement, malgré sa fragilité. Par ailleurs, ces deux partis ne croient pas à la souveraineté. Et on peut donc aussi dire que 64% des électeurs ont choisi des partis qui ne sont pas souverainistes. Cela favorisera la capacité du Québec de travailler avec le gouvernement Harper et de faire avancer le fédéralisme d'ouverture, grâce aux convictions des libéraux et aux affinités des adéquistes avec les conservateurs.
Pour les mêmes raisons, le verdict de ce scrutin est impitoyable pour le Parti québécois. Le premier message, évidemment, c'est que la démarche du Parti québécois, qui consistait à promettre un référendum rapide, a été rejetée clairement et massivement par près des deux tiers des Québécois. Un rejet dont le PQ devra prendre acte. C'est un message qui marque probablement la fin d'un cycle politique, et le signe que le nationalisme québécois s'exprimera dorénavant par d'autres voies. Un autre message, c'est le rejet d'une conception dépassée de la social-démocratie.
adubuc@lapresse.ca
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