Le projet de pipeline Énergie Est fera bientôt l’objet d’une consultation publique par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), mais TransCanada n’entend pas participer à l’exercice. Maire de Mascouche et membre de la commission de l’environnement de la CMM, Guillaume Tremblay voit dans l’absence de TransCanada un désaveu de la pétrolière à l’égard des préoccupations des citoyens.
Le projet de pipeline soulève des préoccupations importantes pour la CMM. Le tracé préliminaire soumis par TransCanada contrevient au Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) adopté en décembre 2011 après de laborieuses négociations. Le pipeline traversera de nombreuses zones boisées protégées par le PMAD, ainsi que des zones humides et des cours d’eau.
Les enjeux de sécurité sont aussi préoccupants pour les villes qui redoutent les conséquences d’une fuite de produit pétrolier sur leurs territoires et dans les cours d’eau qui les alimentent en eau potable.
La CMM n’a pas l’habitude de telles consultations, mais pour ce dossier controversé qui affectera les villes, elle souhaite sonder la population afin de déterminer la position qu’elle défendra devant le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) et l’Office national de l’énergie (ONE) au cours des prochains mois.
D’une longueur de 4600 kilomètres, l’oléoduc que TransCanada souhaite construire transportera 1,1 million de barils de pétrole brut par jour de l’Alberta et de la Saskatchewan jusqu’au Québec et au Nouveau-Brunswick. Il traversera dix municipalités de la CMM, parmi lesquelles Mirabel, Mascouche, Laval, Terrebonne et Montréal-Est.
TransCanada dit non
Dans une lettre adressée à la CMM et dont Le Devoir a obtenu copie, TransCanada décline l’invitation de la CMM de participer à la consultation et l’informe qu’elle ne déposera pas de mémoire pour l’occasion. Elle invoque l’objectif de la consultation, soit recueillir l’opinion des citoyens et des organisations du Grand Montréal, pour expliquer sa décision.
TransCanada signale aussi que sa décision de ne pas construire de terminal maritime à Cacouna l’amènera à modifier son projet d’oléoduc et que la version définitive de son plan ne sera déposée à l’ONE qu’au quatrième trimestre de 2015. La CMM ne l’aura donc pas en mains pour sa consultation.
Il n’a pas été possible d’obtenir les commentaires de TransCanada, car les bureaux de l’entreprise étaient fermés vendredi.
Pour Guillaume Tremblay, maire de Mascouche et membre de la commission de l’environnement qui se penchera sur le projet, TransCanada aurait dû être présente pour entendre les citoyens : « Je trouve que c’est un manque de respect envers la CMM. […] Ça démontre encore une fois une fermeture complète à l’idée d’entendre ce que la population a à dire. J’ai l’impression que ce qu’ils se disent, c’est qu’ils ont le droit de passer et qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent avec l’aval du gouvernement fédéral. »
M. Tremblay, qui a maintes fois exprimé publiquement son opposition au projet, se défend d’avoir un parti pris dans ce dossier. Composée de huit élus des villes de la CMM, cette commission aura-t-elle la crédibilité nécessaire pour mener sa consultation ? « Comme commissaire, je me dois d’être le plus neutre possible, mais je représente une population, a expliqué M. Tremblay au Devoir. Le fardeau de la preuve n’est pas sur le dos des municipalités. Selon moi, il est du côté de TransCanada qui devra démontrer que les équipements seront sécuritaires. Mais ils ne seront pas présents. »
Outre les enjeux de protection de l’environnement et de sécurité liés au projet, Guillaume Tremblay s’interroge sur les bénéfices financiers que les communautés traversées par le futur pipeline pourront en tirer.
TransCanada soutient que, même sans la construction d’un terminal maritime, le pipeline entraînera des retombées de 250 millions en taxes au Québec et que les 70 villes québécoises traversées par le projet toucheront annuellement 10,4 millions, soit 149 000 $ en moyenne par municipalité. Pour Guillaume Tremblay, ce montant est dérisoire compte tenu des investissements qui seront nécessaires, notamment pour les plans de mesures d’urgence, sans compter les impacts qu’un déversement aurait pour les municipalités. « S’il arrive un dégât ou une urgence, je n’irai pas très loin avec 149 000 $», dit-il.
Commission itinérante
L’absence de TransCanada aux consultations de la CMM n’étonne pas Réal Bergeron, membre de la Coalition Vigilance oléoducs. Il salue par ailleurs l’initiative de la CMM. « Cette consultation touchera tous les aspects du projet, ce que ne fera pas le BAPE et l’ONE, notamment en ce qui a trait aux gaz à effet de serre et aux changements climatiques. »
Reste que la CMM est un organisme consultatif et n’a aucun pouvoir décisionnel. Elle peut peut-être user de son influence dans le dossier auprès de l’ONE, mais son impact pourrait être limité.
Coalition Vigilance oléoducs entend demander le rejet du projet d’oléoduc, estimant que, pour la population des zones traversées, les risques sont plus importants que les avantages qu’elle pourrait en tirer. « Je ne vois pas vraiment les avantages, hormis pour TransCanada », fait valoir M. Bergeron.
La consultation menée par la CMM et présidée par le conseiller lavallois Stéphane Boyer se déroulera du 15 septembre au 1er octobre. Elle s’arrêtera à Montréal, dans la Couronne Nord ainsi que sur la Rive-Sud bien que cette région ne soit pas touchée directement par le passage du pipeline.
Les impacts en cas de catastrophe pourraient toutefois toucher une partie importante de la population de la région montréalaise. Une étude produite pour la CMM en mai dernier évaluait qu’un déversement pétrolier dans la rivière des Outaouais pourrait contaminer 26 prises d’eau de la région de Montréal après douze heures.
La CMM a reçu quelque 140 mémoires. À la lumière du rapport de la commission, le comité exécutif de la CMM présidé par le maire de Montréal, Denis Coderre, prendra position quant au projet Énergie Est, et recommandera son rejet ou son acceptation avec ou sans modifications.
Une consultation sans le promoteur
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