Une commission, d'accord, mais sur quoi?

Amalgamer ces deux larges sujets dans une même enquête ne permettrait de faire toute la lumière ni sur l'un ni sur l'autre.

Enquête publique - Quels mandats?


L'été dernier, en reportage en Afrique du Sud, je m'étais amusé dans le centre-ville de Johannesburg à me faire prendre en photo par mon fixer à côté d'un stand à journaux sur le mur duquel s'alignaient les unes plus spectaculaires les unes que les autres à propos des multiples histoires de corruption touchant le gouvernement. «Pas triste, la politique, ici, un vrai feu d'artifice», avais-je pensé.
En ouvrant la page d'accueil de Cyberpresse, hier après-midi, j'ai eu le même sentiment, le sourire en moins, puisque c'est toujours moins drôle quand ça se passe dans notre cour.
Voici, en un coup d'oeil, la pétarade qui s'offrait aux internautes:

- Le député Auclair aurait dû prévenir la police, selon Charest
- Le maire Vaillancourt doit se retirer de ses fonctions, dit Marois
- «Parrain»: Deltell ne s'excusera pas
- Charest relativise la pétition demandant sa démission

Tout ça pour une seule journée, et encore, nous n'étions qu'en début d'après-midi.
Cette accumulation de nouvelles troublantes ramène bon nombre de Québécois à la même conclusion: ça prend une commission d'enquête. D'accord, mais sur quoi?
Le plus souvent, on parle d'une commission d'enquête sur la construction, mais le concept s'élargit tous les jours un peu plus au gré des nouvelles révélations dans les médias.
Les mots «commission d'enquête» sont devenus dans le langage populaire l'équivalent d'une incantation, une formule magique, la panacée à tous les maux qui affligent la démocratie.
Une commission d'enquête et, tadam! On fait la lumière sur l'infiltration de la mafia dans le milieu de la construction. Tadam! On démasque les entrepreneurs coupables de collusion et on déterre leurs complices politiques et syndicaux. Tadam! On fait le ménage dans le financement des partis politiques et on passe le balai sur les magouilles du monde municipal. Abracadabra! On fait le tour, pour le même prix, de toute la corruption en politique au Québec.
Une commission d'enquête ne peut fonctionner qu'en vertu de son mandat, que l'on veut plus ou moins large. Autrement, c'est comme la chasse aux lapins: il ne sert à rien de courir après 12 cibles en même temps.
Dans le cas de Bastarache, par exemple, le mandat était étroit (trop, selon plusieurs). Pour Gomery, le spectre était déjà plus large. Que veut-on maintenant au Québec? (on exclut évidemment le gouvernement Charest).
Lorsque Pauline Marois dit, hier à propos des allégations visant Gilles Vaillancourt: «Si cette commission d'enquête avait été instaurée dès le moment où on a jugé qu'il était utile et nécessaire de le faire, à ce moment-là on ne se retrouverait pas dans des situations comme celle-ci», qu'entend-elle au juste? Que toute allégation de corruption est nécessairement liée au monde de la construction? Qu'il faut un mandat extra-large touchant à la fois la construction, le financement des partis politiques provinciaux et le monde municipal et la corruption en général? Si c'est le cas, il va bien falloir 10 ans et quelques milliers de témoins!
Le député péquiste de Verchères, Stéphane Bergeron, parle d'une enquête sur la construction, tout comme le site internet du PQ. Mme Marois, elle, semblait viser beaucoup plus large.
C'est facile de réclamer une commission d'enquête publique, ce sera plus difficile d'en cibler le mandat pour atteindre de véritables résultats. La corruption est un vaste domaine qu'il convient de circonscrire.
Une commission d'enquête, c'est comme un examen médical. Avant de tâter, faut d'abord savoir où ça fait mal. Rien ne sert de faire une résonnance magnétique du genou lorsque l'on souffre d'une hernie discale. Et parfois, il faut plus qu'un seul examen.
À force de répéter «commission d'enquête, commission d'enquête» comme un mantra chaque fois qu'une nouvelle affaire éclate, on risque de tout mettre dans le même panier, de faire des amalgames et, par ricochet, de la culpabilité par association.
Donc, où notre démocratie a-t-elle mal ces temps-ci?
Dans le monde de la construction, en particulier dans les grands chantiers publics. C'est d'autant plus douloureux que nous y dépensons des milliards de deniers publics. Voilà le premier sujet.
En voici un deuxième: le financement des partis politiques (y compris le monde municipal), univers de prête-noms, d'enveloppes pleines d'argent comptant et de collecteurs influents.
Amalgamer ces deux larges sujets dans une même enquête ne permettrait de faire toute la lumière ni sur l'un ni sur l'autre.


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