Ni renversement de tendances ni modification des rapports de force, ce qui de toute façon est généralement la norme dans ce genre d’exercice. Le débat télévisé au cours duquel les cinq principaux candidats à la présidentielle française se sont affrontés lundi soir n’y a guère fait exception, sauf pour montrer à quel point la classe politique traditionnelle semble de plus en plus hors jeu.
Entendu que, sauf surprise monumentale, ce sera Emmanuel Macron, le centriste « ni de droite ni de gauche » — mais « En marche ! » quand même — contre l’europhobe et raciste Marine Le Pen au deuxième tour du 7 mai. Si bien que, dans l’ordre actuel des choses, le premier tour du 23 avril prochain, vu de ce côté-ci de l’Atlantique, semble de plus en plus vouloir se réduire à une formalité. Sous le vernis du débat de lundi, exercice par ailleurs inédit dans une campagne présidentielle française, la guerre aura donc surtout été celle qui oppose M. Macron et Mme Le Pen, meneurs des sondages. Un débat-marathon de 3 heures 30 qui fut plutôt superficiel, mais forcément émaillé d’éclairs de flamboyance verbale où tout un chacun a réussi à signaler sa présence.
Sur le fond, il s’est agi d’un débat illustrant ce que le quotidien madrilène El Mundo décrivait récemment, depuis l’autre côté des Pyrénées, comme la « tempête parfaite » qui s’abat sur la France : « À la crise chez Les Républicains vient en effet s’ajouter l’effondrement du Parti socialiste, qui ne peut espérer lui non plus passer le premier tour du scrutin. »
Cette tempête, c’est d’abord François Fillon, dont la persévérance a de plus en plus des airs de suicide politique. Un homme grevé par son scandale d’emplois fictifs, aujourd’hui plus figurant de campagne que rempart contre l’extrême droite, et qui, étant malgré tout parvenu à faire derrière lui l’unité des barons des Républicains au début du mois de mars, va plausiblement achever, avec son élimination au premier tour, de compromettre l’avenir de la droite.
Et ce sont, à gauche, le candidat socialiste officiel, Benoît Hamon, et le radical de gauche Jean-Luc Mélenchon, leader du mouvement La France insoumise, dont les positions sont finalement semblables sur un grand nombre de sujets et qui, de ce fait, se trouvent à diviser le vote. Une gauche que, de surcroît, n’arrange vraiment pas la démission, mardi, du ministre français de l’Intérieur, Bruno Le Roux, visé par une enquête préliminaire sur les emplois de ses deux filles adolescentes.
Sur ce registre, il est drôlement parlant que les « affaires » de népotisme qui s’accrochent à M. Fillon et à Mme Le Pen et qui monopolisent la scène politique française depuis des semaines aient été à peine évoquées pendant le débat. C’est un silence suspect qui accuse l’ensemble de la classe politique et dont les électeurs, qui ont été des millions à suivre les échanges des candidats à la présidence, ne peuvent pas ne pas avoir pris note.
Avec le résultat que le candidat d’En marche ! s’est employé lundi soir à se dire d’accord avec M. Fillon à de nombreux égards, donnant l’impression, a constaté Le Monde, d’avoir voulu tout de suite se mettre à « préparer le ralliement de ses électeurs au second tour ». Faux outsider s’il en est, l’ancien ministre socialiste de l’Économie sous François Hollande, grappillant à gauche et à droite, semble avant tout surfer sur la déliquescence des partis traditionnels. S’il a conservé ses acquis lors du débat, il ne saute pas aux yeux que sa promesse de représenter une « alternative profonde » sourit à un électorat qui, lui, se sent profondément indécis (dans une proportion de 40 %) quant à cette présidentielle. Comme si tous ces électeurs avaient hâte de voir cette campagne à l’américaine commencer enfin, sinon d’en finir.
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