Au cours de cette campagne électorale, les souverainistes ont présenté toute une série d’arguments « défensifs » pour justifier un vote en faveur du Bloc Québécois. Il faut, proclame-t-on, contrer ce gouvernement militariste, néo-libéral, anti-environnementaliste, francophobe et anti-femmes en l’empêchant de faire au Québec les gains qui lui permettraient de devenir majoritaire à la Chambre des communes.
Le Bloc Québécois et les souverainistes ratissent large pour rallier les différentes composantes de l’électorat dans un vaste front anti-Harper en mettant en sourdine l’option souverainiste, sans toutefois la renier. Les adversaires du Bloc et les grands médias fédéralistes ne peuvent agiter le spectre de la souveraineté, comme lors des élections précédentes, parce qu’ils ont eux-même décrété que la décision du Parti Québécois de ne pas fixer d’échéance référendaire était synonyme de l’abandon de l’objectif même de l’indépendance.
Dans ces circonstances, le mot d’ordre du Bloc d’appeler à un vote stratégique anti-Harper est juste. Mais son potentiel dépasse le cadre d’une stratégie purement défensive, étant donné la configuration des forces politiques qui semble se dessiner.
L'absence d'un grand parti fédéraliste
Depuis le début de la Confédération canadienne, les partis politiques fédéraux ont joué un rôle centralisateur essentiel pour contrer les forces centrifuges nationales et régionales. Pendant des décennies, le Parti libéral fédéral a servi de lieu de rencontre privilégié entre les différentes fractions de la classe dominante du pays avec comme pivot l’axe Montréal-Toronto. La répartition des ministères au sein du cabinet fédéral illustrait l’importance respective des différentes régions.
Quand le Parti libéral, épuisé par la corruption, le patronage et les scandales, était condamné à séjourner dans l’opposition pour se régénérer, il était remplacé par une coalition conservatrice qui s’appuyait au Québec sur les nationalistes. Ce fut l’alliance Diefenbaker-Duplessis, puis celle de Brian Mulroney avec le René Lévesque du « beau risque ». C’est une réédition de cette alliance que vise Stephen Harper en courtisant le vote nationaliste au Québec.
Cependant, les conditions ne sont plus les mêmes depuis la création du Bloc Québécois, issu d’une scission au sein du Parti progressiste-conservateur à la suite de l’échec de l’Accord du Lac Meech. La faiblesse de la représentation québécoise au sein du Cabinet Harper avec les Josée Vermeer, Maxime Bernier et Jean-Pierre Blackburn, la pauvreté des candidatures actuelles et l’alliance avec un parti en pleine déroute, l’ADQ, le démontrent amplement.
De plus, le Parti libéral n’est pas en mesure d’assumer l’alternance et d’aspirer au rôle qui fut jadis le sien. Il est en pleine déconfiture au Québec avec un chef honni et une « relève » dont les figures marquantes sont Marc « Spaceman » Garneau et Justin Trudeau. C’est tout dire.
Quant au Nouveau Parti démocratique, son score famélique témoigne de son peu d’implantation au Québec. La faiblesse de ses assises québécoises l’empêche de pouvoir se présenter en Ontario comme une solution « de rechange » digne de ce nom au Parti libéral.
La balkanisation du Canada
Le constat est donc clair. Il n’y a plus de parti politique canadien capable de contrer les forces centrifuges qui minent l’existence même du pays. La balkanisation croissante du Canada reflète un développement économique axé sur les ressources naturelles – principalement le pétrole – dont la propriété est de juridiction provinciale.
Peu avant les élections, le journaliste Lawrence Martin du Globe and Mail écrivait que Michael Ignatief se demandait quelle pourrait être la politique unificatrice qui remplirait aujourd’hui la même fonction que la Nouvelle politique économique de Trudeau au début des années 1980. On se rappellera que l’objectif de Trudeau était de faire bénéficier les secteurs industriels de l’Ontario et du Québec – dans une moindre mesure – des fruits de l’exploitation pétrolière de l’Ouest du pays, ce qui avait soulevé l’ire de l’Alberta et des États-Unis.
Aujourd’hui, une telle politique est à toutes fins utiles impossible, les États-Unis ayant sécurisé leurs approvisionnements en pétrole avec le traité de libre-échange. Cependant, plusieurs ont vu dans le Tournant vert de Stéphane Dion une tentative déguisée d’atteindre les mêmes objectifs sous le couvert d’une politique environnementale.
La dislocation du Canada, sur la base d’une fracture économique fondamentale, est à l’ordre du jour. Les provinces productrices de pétrole comme l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve connaissent des taux de croissance spectaculaires, alors que l’Ontario et le Québec vont bientôt entrer en récession. Les deux phénomènes sont interdépendants, l’un étant la cause de l’autre. L’augmentation des exportations de pétrole provoque la hausse du dollar canadien, minant la compétitivité des secteurs industriels.
Harper: le retour de la ligne dure à l'égard du Québec
Avec le spectre d’une récession mondiale, nous entrons de toute évidence dans une zone de turbulence extrême. Quelle sera l’attitude d’un futur gouvernement conservateur majoritaire ? Chose certaine, on ne doit pas s’attendre à beaucoup de compassion à l’égard de l’Ontario et du Québec. Issu des milieux pétroliers de l’Alberta et du Reform Party, Stephen Harper a construit sa carrière politique sur le ressentiment de l’ouest à l’égard du Canada central.
Au Québec, la lune de miel pourrait rapidement prendre fin, s’il est éconduit par l’électorat québécois. Rappelons-nous que Harper a toujours été, avant de s’illusionner sur ses chances de rééditer l’exploit de Mulroney, un partisan de la ligne dure à l’endroit du Québec.
Il avait quitté le Parti progressiste-conservateur de Brian Mulroney pour se joindre à Preston Manning pour fonder le Reform Party à cause, au plan économique, de l’octroi du contrat d’entretien des avions CF-18 à la compagnie québécoise Canadair – devenue Bombardier – plutôt qu’à une entreprise manitobaine et, au plan politique, de l’octroi au Québec du statut de « société distincte » dans l’Accord du Lac Meech
C’est Stephen Harper qui déclara qu’il ne fallait pas céder au « chantage » du Québec et qui lança cet avertissement qui allait faire la fortune du Reform Party pendant des années dans l’Ouest du pays : « Si les partenaires ne sont pas prêts à vivre avec les obligations d’un véritable partenariat, il est dans l’ordre des choses qu’ils s’engagent dans une dissolution équitable de ce partenariat ».
Plus tard, au lendemain du référendum de 1995, Stephen Harper nous démontra ce qu’il entendait par « dissolution équitable » en déposant à la Chambre des communes un projet de loi qui contenait déjà tous les principes de la Loi sur la clarté et prônait la partition du territoire québécois.
Au moment où ces lignes sont écrites, nous ne connaissons pas les résultats des élections, mais il n’est pas téméraire de penser que nous pourrions nous retrouver dans une conjoncture politique où s’instaurerait une dynamique extrêmement favorable à l’indépendance du Québec.
Avec le Bloc Québécois et Gilles Duceppe, nous aurions un parti et un chef aguerris pour naviguer dans ces eaux troubles et nous amener à bon port.
Alors, un vote pour le Bloc est un vote stratégique pour la souveraineté.
Un vote stratégique pour la souveraineté
Avec le spectre d’une récession mondiale, nous entrons de toute évidence dans une zone de turbulence extrême.
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