On parle beaucoup, depuis dimanche, du fameux discours de Ricky Gervais aux Golden Globes. L’humoriste britannique s’est moqué du gratin hollywoodien en se permettant de lui dire ses quatre vérités. Les vedettes du cinéma rassemblées pour se célébrer riaient jaune – elles riaient aussi de manière complice, il faut bien le dire.
Gervais, en fait, jouait le rôle du fou du roi, à qui tout est permis. Il s’est notamment moqué des acteurs sermonneurs qui se permettent de faire la leçon au monde entier et autres multimillionnaires qui portent leur conscience humanitaire à la boutonnière.
Sur les réseaux sociaux, plusieurs ont affirmé qu’un tel discours serait impossible au Québec. C’est possible. C’est David Santarossa, un jeune intellectuel, qui a le mieux résumé la situation. Sur Twitter, il a écrit que « beaucoup de personnes sur Twitter ont dit hier que jamais un numéro comme celui de Ricky Gervais ne passerait au Québec. Ironiquement, plusieurs de ces personnes s’offusqueraient d’un tel numéro ».
Hollywood
Comment lui donner tort ? Le Québec est une société frileuse. On devine ici, après un semblable discours, que les effarouchés professionnels et autres spécialistes de l’indignation se ligueraient pour dire qu’il est inadmissible. Ou quelque chose comme ça.
J’ai l’habitude de dire que les affaires des Américains ne sont pas les nôtres. J’ajoute que le Québec a peu à envier aux États-Unis, un empire décadent. Notre société est plus cohérente, moins violente, moins inégalitaire, et peut-être tout simplement moins injuste que la société américaine.
Il n’en demeure pas moins que partout dans le monde occidental, les élites culturelles et médiatiques ont la fâcheuse manie de se placer en surplomb de l’humanité ordinaire, et la regardent de haut. De ce point de vue, ce petit discours hollywoodien a une vertu : il a exprimé l’exaspération légitime du commun des mortels devant la pose moralisatrice d’une partie de l’élite, qui ne cesse de faire la promotion d’idées dont elle subit très rarement les conséquences.
Pensons d’abord à ces élites culturelles, qui plaident par exemple pour une révolution écologiste intégrale tout en ayant un mode de vie n’ayant rien à voir avec leurs leçons de morale. Dans leur véhicule énergivore, elles nous incitent à rouler en trottinette.
Pensons aux élites technologiques, qui veulent imposer une éducation centrée sur les écrans, mais qui placent leurs enfants dans des écoles traditionnelles, pour leur donner une vraie culture et les mettre à l’abri de la cyberdépendance.
Colère
Pensons à ces élites financières qui, bien installées dans leurs privilèges, expliquent au peuple qu’il doit toujours se serrer la ceinture davantage, comme s’il avait son petit confort et devait maintenant payer la note.
Il ne s’agit pas de maudire les élites, mais de les inviter à servir avant de se servir, et à se garder une petite gêne avant de faire la leçon aux gens d’en bas. Trop souvent, elles oublient cette marque de décence élémentaire. Elles se demandent ensuite pourquoi elles suscitent la colère. Et pourquoi l’homme ordinaire applaudit quand Ricky Gervais les humilie.