Aux dernières élections fédérales, le Bloc québécois a été littéralement balayé de Québec et de Chaudière-Appalaches. Trop «montréaliste», il s'est éloigné des préoccupations de l'électorat de ces régions, estime l'auteure d'un rapport sur les causes de cette «déconfiture» qui propose de «ramener [ce parti] sur l'autoroute de la classe moyenne».
Ce rapport rédigé par la vice-présidente du Bloc, Hélène Alarie, est tout sauf lénifiant. Dans le document dont Le Devoir faisait état samedi, elle rapporte les choses telles qu'on les lui a dites dans ses consultations. Elle en conclut que son parti est en porte-à-faux avec le conservatisme profond d'une partie de l'électorat des régions.
Les causes des difficultés rencontrées au dernier scrutin recensées par Mme Alarie sont multiples, comme le côté montréalais de l'organisation du Bloc et l'incapacité du parti à répondre aux attentes de la population de Québec sur le plan du leadership. Toutefois, elle touche à un malaise central lorsqu'elle signale que cette formation n'est plus la coalition qui, à l'origine, réunissait des gens de toutes tendances. Les conservateurs (avec un petit c) sont partis ou ont été rejetés au fil des ans. Cette rupture explique que les électeurs de certaines régions ne se sont plus sentis en phase avec les leaders bloquistes lors du dernier scrutin fédéral.
Les mesures mises en place ces derniers mois par le Bloc visent à assurer une meilleure communication et une plus grande présence dans la région de Québec. Toutes louables soient-elles, elles ne pourront à elles seules ramener au bercail les huit circonscriptions perdues aux mains des conservateurs de Stephen Harper. Le recentrage du programme et du discours bloquistes évoqué par Mme Alarie est devenu incontournable à la suite de la transformation de l'échiquier politique constatée à l'élection du 23 janvier 2006 et qui, depuis, s'est accentuée.
Dans le contexte hautement polarisé qui prévalait durant tout le temps où les libéraux étaient au pouvoir, le Bloc pouvait se permettre de glisser à gauche sans que cela se ressente sur le plan électoral. Jean Chrétien servait de repoussoir, et l'argument voulant que ce parti soit le seul vrai défenseur des intérêts du Québec à Ottawa créait une zone de confort suffisamment grande pour lui rallier tout près de la moitié des Québécois à certains moments. Ce n'est plus le cas. Jean Chrétien n'est plus là. Le scandale des commandites est chose du passé. Quant au discours des conservateurs de Stephen Harper qui prétendent eux aussi servir les intérêts du Québec, il est entendu par des électeurs qui se sentent par ailleurs plus à l'aise avec les politiques sociales et économiques de ce parti. Ces électeurs n'hésiteront pas à bouder encore davantage le Bloc si celui-ci ne trouve pas à les inclure dans sa plate-forme politique.
Le prochain scrutin fédéral sera pour le Bloc québécois un moment de vérité. Sera testée sa capacité à être plus inclusif, mais aussi à soutenir la nécessité de sa présence à Ottawa pour faire progresser la cause souverainiste. À cet égard, l'élection que s'apprête à appeler au Québec le premier ministre Jean Charest sera déterminante. Une défaite du Parti québécois donnerait le haut du pavé au camp fédéraliste, tant à Québec qu'à Ottawa, ce qui rendrait bien improbable un autre balayage du Québec, comme le Bloc a réussi à le faire à trois reprises au cours de son histoire. Dans ce contexte, les militants bloquistes ne doivent surtout pas prendre à la légère les recommandations lucides d'Hélène Alarie.
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bdescoteaux@ledevoir.ca
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