Sylvain Goulet - L'auteur est vice-président principal et conseiller en placement dans une grande firme nationale. Il s'exprime à titre personnel.
Alors que nous sommes au Québec en pleine crise étudiante, agrémentée quotidiennement de manifestations et d'étranges tintamarres, je ne peux m'empêcher de visualiser cette cacophonie comme l'une qui aurait pu animer les musiciens de l'orchestre du Titanic, argumentant sur la prochaine pièce à interpréter alors que le paquebot sombrait.
La crise financière la plus sévère des 100 dernières années frappe de plein fouet à peu près toutes les économies de la planète. Néanmoins, ici au Québec, nous semblons nous croire imperméables à ses effets et nous sommes fort complaisants, ou du moins fort indifférents devant le tsunami économique dévastateur qui a de fortes probabilités de nous atteindre avant longtemps.
La crise mondiale actuelle est le résultat d'un supercycle de surendettement, tel que défini par l'économiste Irving Fisher alors qu'il analysait les causes de la Grande Dépression il y a plus de 80 ans. Depuis 2008, nous assistons aux derniers chapitres et à la conclusion dévastatrice de ce supercycle de surendettement. Et le Québec n'y échappera pas.
Tristement, si le Québec et le Canada semblent jusqu'à présent épargnés de cette crise, c'est qu'ici, plutôt que d'apprendre des erreurs des autres, de Barcelone à Las Vegas, en passant par Dublin, nous avons décidé de poursuivre notre endettement jusqu'à des niveaux qui ont été rarement surpassés à travers le globe (153% de nos revenus disponibles).
Non, il n'y a pas de modèle québécois financier, cette potion magique économique secrète et mystérieuse qui nous protège. Ce n'est qu'à cause de la poursuite d'un hyper surendettement, une dangereuse fuite vers l'avant, que le Québec croit avoir évité les écueils. Le fracas n'en sera que funestement plus brutal.
Au cours des dernières décennies, grâce à une disponibilité du crédit abondante, les individus et les nations, les Québécois et le Québec, ont vécu au-dessus de leurs moyens.
La fin d'un supercycle de surendettement risque de s'accompagner de crises sociales bien pires que celle que nous vivons maintenant.
Malheureusement, une tempête parfaite pointe à l'horizon québécois, alors qu'il est trop probable que le ralentissement économique mondial qui se dessine nous heurte au même moment que la bulle immobilière canadienne éclatera. Cet éclatement, jumelé à une hausse du chômage et à une baisse notable des revenus de l'État, est de mauvais augure.
Or ce scénario fort éprouvant pourrait se concrétiser dans les prochains trimestres.
Dans un monde idéal, devant les troubles auxquels font face à peu près toutes les économies mondiales, nous aurions pu espérer de nos plus grands intervenants - gouvernements, syndicats et patronats - qu'ils s'associent et se concertent devant les risques de cette crise du crédit, ne serait-ce que pour prévenir un cataclysme potentiel. Malheureusement, rien de tel ne se produit.
Devant cette imprévisible crise du crédit et aux menaces inhérentes qu'elle comporte, c'est maintenant aux individus de se préparer. Protégez-vous! La spéculation devrait être proscrite de votre vocabulaire et l'épargne devrait revenir au premier rang de vos priorités.
Le paiement de vos dettes devrait être plus important que la surconsommation: êtes-vous prêts à faire face à une baisse de la valeur de votre propriété de l'ordre de 30% et à une augmentation très rapide du chômage, comme des milliards d'autres êtres humains les ont vécues depuis quatre ans?
De croire que nous sommes plus brillants et plus rusés que les Grecs, les Irlandais, les Portugais ou les Américains, pour ne nommer que ceux-là, n'est que du déni.
La pire crise économique à secouer le Québec depuis 100 ans est peut-être à nos portes. J'espère avoir tort, mais les lois de la probabilité sont telles qu'il est téméraire de les ignorer.
Un Québec dans le déni
La pire crise économique à secouer le Québec depuis 100 ans est peut-être à nos portes. J'espère avoir tort, mais les lois de la probabilité sont telles qu'il est téméraire de les ignorer.
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