(Photothèque Le Soleil)
Le Parti québécois doit continuer de s'inscrire dans le débat sur l'avenir constitutionnel du Québec. Dans l'attente de l'accession du Québec à la souveraineté, je crois que ce débat devrait se poursuivre par l'adoption d'une Constitution du Québec.
Le Québec ne possède pas de constitution formelle et écrite, c'est-à-dire de loi détenant une primauté sur l'ensemble de la législation et dont les règles sont protégées par une procédure spéciale de modification. [Le projet de Constitution du Québec (Projet de loi no 191) que j'ai déposé à l'Assemblée nationale le 22 mai 2007->www.danielturp.org] propose de colliger dans un seul texte ses principes et valeurs, les droits et libertés de ses citoyens ainsi que les règles régissant ses principales institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires.
Ce projet ne modifie pas le texte de la Constitution du Canada et ne requiert pas l'intervention du Parlement du Canada et des législatures des autres provinces. Il ne s'agit donc pas sous aucune forme d'une demande de renouveau du fédéralisme. Ce projet de Constitution du Québec occupe toutefois tout l'espace en droit interne sans qu'il y ait besoin d'apporter de changements à l'ordre, voir au désordre, constitutionnel canadien existant.
Le dépôt de ce projet de loi s'inscrit dans une stratégie constitutionnelle et permet d'atteindre plusieurs objectifs importants, et notamment d'offrir une réponse à un besoin de consolidation de l'identité nationale, de proposer un encadrement adéquat à l'obligation d'accommodement raisonnable et de réaffirmer les compétences actuelles du Québec.
Une réponse à un besoin de consolidation de l'identité nationale
Le projet de Constitution du Québec répond au besoin exprimé par les Québécois et les Québécoises de consolider leur identité nationale. Suite au débat actuel et passé sur la reconnaissance du Québec comme nation et sur l'obligation d'accommodement raisonnable, il m'apparaît évident que le Québec est à la recherche de moyens visant à consolider, au sein de la société pluraliste et ouverte qu'il est devenu, son identité nationale.
À notre avis, la constitutionnalisation de la reconnaissance que les Québécois et les Québécoises forment une nation dans le préambule du projet de Constitution du Québec et l'énoncé de plusieurs valeurs dans l'article 1er du projet de Constitution du Québec constituent de tels moyens, et notamment la l'accent mis sur la culture et la diversité des expressions culturelles.
En instituant une citoyenneté du Québec, l'article 2 est également susceptible de conforter les Québécois et les Québécoises dans une identité nationale qui ne s'est jamais traduite à ce jour par la reconnaissance formelle et juridique d'une forme de citoyenneté québécoise.
La constitutionnalisation du français comme la langue officielle du Québec est également susceptible de renforcer le statut du français comme langue commune et contribuer notamment à asseoir l'identité nationale sur le partage de cette langue. L'article 6 du projet de Constitution du Québec reprend l'article 1er de la Charte de la langue français et constitutionnalise également les droits linguistiques fondamentaux puisque le premier alinéa de l'article 8 du projet prévoit que les articles 2 à 6 de la Charte de la langue française font partie intégrante de la Constitution du Québec.
Aux mesures visant à consolider l'identité nationale des Québécois et Québécoises, il y a lieu également d'envisager un encadrement adéquat d'une obligation d'accommodement raisonnable qui a été perçue comme pouvant affaiblir l'identité nationale des Québécois et des Québécoises.
L'encadrement adéquat à l'obligation d'accommodement raisonnable
L'accommodement raisonnable est une obligation juridique inhérente au droit à l'égalité reconnu à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, mais qui s'est également imposé dans la garantie des libertés fondamentales, et notamment la liberté de religion. L'obligation consiste à prendre des mesures raisonnables pour assurer le respect du droit à l'égalité et d'autres libertés fondamentales. L'obligation trouve par ailleurs sa limite dans la notion de contrainte excessive et aucune institution n'est ainsi tenue de procéder à un accommodement susceptible d'entraîner une contrainte excessive. La contrainte est excessive lorsqu'elle porte atteinte aux droits des autres personnes, exige l'octroi de ressources financières et matérielles déraisonnables et lorsqu'elle susceptible d'affecter le bon fonctionnement des titulaires de l'obligation.
De façon à encadrer cette nouvelle obligation d'accommodement raisonnable, le projet de Constitution du Québec propose d'inclure à l'alinéa 2 de l'article 8 une clause d'interprétation selon laquelle « [t]oute interprétation de ces articles doit concorder avec l'objectif d'assurer le respect et la promotion des valeurs du Québec telles qu'énoncées à l'article 1 de la présente Constitution. »
Ainsi, l'obligation d'accommodement raisonnable ne serait plus seulement assujettie à la limite de la contrainte excessive, mais elle devrait être évaluée à la lumière des valeurs énoncées à l'article 1 de la Constitution du Québec et concorder avec l'objectif d'assurer le respect et la promotion de ces valeurs, et notamment l'égalité des femmes et des hommes et la laïcité des institutions publiques.
Sur cette question de l'accommodement raisonnable, le projet de Constitution du Québec permet au Parti Québécois de s'inscrire, et ce avec une proposition concrète, dans ce débat qui se poursuivra dans le cadre des travaux de la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodements reliées aux différences culturelles présidée par Gérard Bouchard et Charles Taylor.
La réaffirmation des compétences actuelles du Québec
Le projet de Constitution du Québec (Projet de loi no 191) déposé à l'Assemblée nationale par le député de Mercier le 22 mai 2007 permet de réaffirmer les compétences actuelles du Québec. S'inspirant de l'article 6 de la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec, l'article 8 du projet de Constitution du Québec réaffirme que le « [l]e Québec est souverain dans les domaines de compétence qui sont les siens dans le cadre des lois et des conventions constitutionnelles.
Je crois qu'il est grand temps que les compétences du Québec soient réaffirmées de manière formelle et qu'il soit ainsi rappelé qu'il détient des compétences exclusives dans plusieurs matières, notamment dans les domaines de la santé et des services sociaux, de l'éducation, de la culture et de la famille. En réaffirmant que le Québec est souverain dans les domaines de compétence qui sont les siens, la Constitution du Québec récuse également le pouvoir fédéral de dépenser sur lequel le gouvernement du Canada fonde ses empiètements dans les matières ressortissant aux compétences exclusives du Québec.
Le gouvernement du Canada finance non seulement les mesures visant à mettre en oeuvre ses compétences propres, mais également les mesures que les provinces sont susceptibles de vouloir adopter dans leurs domaines de compétence. Par le biais de transferts, de programmes ou de dépenses, l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser donne d'ailleurs lieu à une aide directe, mais conditionnelle, aux provinces, mais également aux groupes et aux particuliers. Cette façon de faire constitue un moyen de s'ingérer dans des matières à l'égard desquelles le Parlement du Canada n'a aucun pouvoir de légiférer de manière directe ou indirecte. Ces transferts, programmes ou dépenses à caractère conditionnel sont habituellement identiques d'un océan à l'autre et contribuent à la nation building canadien et à l'effritement de l'identité québécoise.
Dans l'attente de l'accession du Québec à la souveraineté, le Parti québécois doit par ailleurs poursuivre le travail d'élaboration de la constitution d'un Québec souverain. Pour donner suite au Programme de pays, un Groupe de travail sur la Constitution initiale et les lois fondamentales du Québec institué par la Commission politique du Parti québécois déposait en février 2007 un rapport contenant des développements relatifs à l'institution d'un nouvel ordre constitutionnel québécois. En faisant fonds sur le travail effectué à ce jour, le Parti québécois doit, en mettant à contribution ses membres mais également les citoyens et citoyennes du Québec, continuer et approfondir sa réflexion sur le contenu d'une constitution et des lois fondamentales aux fins de dessiner l'ordre constitutionnel du pays du Québec.
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Daniel Turp
Député de Mercier à l'Assemblée nationale du Québec
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