Dans sa chronique sur Vigile Entendez-vous., Bruno Deshaies exhorte les candidats à la chefferie à s'entendre sur un même discours sur l'indépendance du Québec. Au-delà des rivalités politiques,
si vous vous ralliez entre vous sur la fin visée (sans vous perdre dans le référendisme et autres entourloupettes), vous parviendrez à rallier le public à la cause de l’indépendance pour la société nationale du Québec.
À titre d'exemple, voici quelques points de convergence qui pourraient figurer dans le programme du parti.
La démocratie du peuple souverain
Le discours du Parti québécois repose sur un malentendu. Il suffisait apparemment d'élire des représentants du parti pour réaliser l'indépendance. Après 40 ans d'essais, il faut se rendre à l'évidence que cette méthode a échoué. Les représentants indépendantistes ont accédé au pouvoir mais pas le peuple. Lorsque les représentants provinciaux ont parlé au nom du peuple, les représentants fédéraux ont invoqué leur légitimité d'élus pour s'y opposer. C'est le système parlementaire britannique qui est vicié. Il faut impliquer le peuple directement, le mobiliser et faire entendre sa voix pour qu'advienne enfin sa libération. Est-ce que nos élus veulent seulement remplacer la direction politique fédéraliste ou veulent-ils la démocratie réelle, celle du peuple? Un collectif d'auteurs résume la situation ainsi dans Une course à la chefferie sans Nous ?
On n’accède pas à la souveraineté en niant celle du peuple. On ne parvient qu’à creuser l’écart déjà énorme entre les citoyens et leurs représentants, qu’à encourager la méfiance, le cynisme et bientôt la haine pure et simple. Nous y sommes presque. La responsabilité additionnelle, historique, du Parti Québécois, est de faire en sorte que le peuple dont il a pris le nom puisse enfin surgir, puisse enfin être au coeur, le coeur des événements, « non pas spectateur et acteur, mais le lieu même de la tragédie », comme l’écrivait Gaston Miron.
Le contexte géopolitique
L'argument le plus efficace contre l'indépendance serait la toute-puissance de l'empire anglo-saxon représenté par les États-Unis et le Canada. D'un côté on nous dit que nous vivons en démocratie, de l'autre on nous menace des pires calamités si nous affirmons notre indépendance. Ce petit jeu fait de nous les « idiots utiles » du capitalisme anglo-saxon. On se sert de nous pour justifier un système pourri qui sème la désolation partout dans le monde. Ce système pourri entraînera notre perte comme celle de tous les pays qui y adhèrent. De plus l'empire est en faillite, gangrené par la corruption, la décadence des mœurs et la décomposition du tissu social. Il est urgent de réagir contre cette déchéance et y impliquer le public. Il faut une direction claire pour s'en sortir. Le PQ doit proposer cette solution dans son programme.
Dans la pratique, le parti doit se prononcer contre tous les traités de libre-échange qui sont en fait des marchés de dupe en faveur des multinationales. Aucun avantage passager ne justifie la perte de souveraineté que ces traités impliquent. Le public doit comprendre qu'un projet comme Énergie Est ne pourra être contré si les traités sont adoptés. MM. Lisée et Landrydevraient nous expliquer comment ils concilient cette perte de souveraineté du peuple avec leur profession de foi indépendantiste.
Le parti doit aussi trouver une solution pour que l'État prenne le contrôle de la monnaie.
La culture et la langue
On ne fait pas l'indépendance pour être pareils mais pour être différents, et pas seulement un symbolisme insignifiant, « un flag sur le hood » comme le disait un certain premier ministre canadien.
La culture c'est le caractère d'une nation, son originalité et son identité. Si une nation n'a pas de personnalité ou que celle-ci est dévalorisée, les minorités ne sont pas intéressées de s'y intégrer. Elles ne peuvent donc pas accéder à la majorité et se condamnent elles-mêmes à l'apartheid. L'absence de fierté des uns et le manque de solidarité des autres ne fait qu'encourager les groupes à se chercher des poux (à défaut de mieux) et à se diviser davantage. Il y a pourtant tellement de raisons d'être fiers.
Le multiculturalisme est un un leurre. Son adoption équivaut à l'adoption de la pensée unique anglo-saxonne qui est une réduction des cultures à leur plus petit dénominateur commun soit leur valeur marchande.
La langue française est l'expression du caractère de la société. Son adoption est une question de respect de la majorité et de la démocratie elle-même. Son rejet équivaut à la perpétuation du rapport de domination anti-démocratique de la société anglophone sur la majorité francophone.
Les valeurs et la religion
Un argument souvent invoqué en faveur du fédéralisme est que nous partagerions les mêmes valeurs de démocratie et de libertés individuelles. Ces valeurs nous viennent du capitalisme anglo-saxon.
Or il faut comprendre que l'empire anglo-saxon capitaliste est né de l'association de la Couronne d'Angleterre avec le pouvoir bancaire au XVIIe siècle et la prise de contrôle subséquente du pouvoir bancaire sur le pouvoir politique. Cette prise de contrôle ratifiée par la privatisation des banques centrales est décrite par Alain Soral dans Comprendre l'Empire. Cette situation n'a rien à voir avec la démocratie mais plutôt avec la manipulation et la domination par des pouvoirs occultes. Pour William Guy Carr, le pouvoir royal s'est associé avec le diable. C'est ainsi que l'Angleterre a pu conquérir les mers et ses colonies dont le Canada avec des moyens financiers considérables.
Le protestantisme d'alors s'est inspirée du courant puritain pour se justifier de la poursuite du profit avant toute autre considération. L'union avec le pouvoir bancaire a aussi donné naissance au sionisme comme idéologie de conquête et de colonialisme. Aujourd'hui, le puritanisme partage son influence avec son contraire, un matérialisme amoral marqué par la spéculation et l'hédonisme.
Mais puisque nous avons la liberté de religion, certains sont satisfaits d'avoir conservé les valeurs qui ont fait la force du Québec. Mais ces valeurs sont battues en brèche par la culture de consommation anglo-saxonne véhiculée par les médias qui présentent toutes les autres cultures comme fermées et rétrogrades. En fait la société capitaliste s'attaque à toute forme de principe, de culture et même à l'identité sexuelle afin d'obtenir des consommateurs faciles à manipuler. En somme, il est plus facile de remplir des cruches vides que des sujets comblés par une vie remplie de sens.
La spiritualité est un moyen de donner un sens à la vie. Ici il faut distinguer le message de la religion, son contenu qui est l'Évangile, de son contenant qui est l'institution de l'Église. Tantôt l'Église joue un rôle positif, tantôt un rôle négatif. À sa base, le message de l'Évangile est un guide moral qui répond à des valeurs universelles accessibles à la raison: «La vérité vous libérera (Jean 8,32)->https://svetit.zendesk.com/entries/40462445-LA-BIBLE-DE-JERUSALEM-Edition-revue-et-augmentée-Cerf]». L'Église remplit son rôle lorsqu'elle incarne dans la pratique le message qu'elle enseigne. Ainsi le Québec a pu se développer dans un contexte défavorable en s'inspirant de principes élevés. [Ces principes ont mené à la Révolution tranquille qui se voulait au départ un mouvement libérateur. Mais comme toutes les révolutions, elle a été noyautée par des agents de discorde. Au lieu de promouvoir l'égalité, elle a plutôt encouragé des luttes entre les classes, les partis, les sexes et les ethnies. Donc au lieu de promouvoir des principes communs accessibles à tous, ce qui est conforme à l'Évangile, on a plutôt favorisé des luttes entre intérêts divergents ce qui est conforme au libéralisme anglo-saxon.
Pour ses détracteurs la religion en général ne favorise pas un équilibre sain mais la culpabilisation par le péché originel. Cet aspect de la spiritualité ne vient pas de l'Évangile et il a été amplifié par les courants puritains dans toutes les religions judéo-chrétiennes. L'histoire d'Adam et Ève est une falsification grossière d'un récit sumérien d'environ 2900 ans av. J-C raconté dans Le mensonge universel. Dans ce récit plutôt érotique, le dieu principal est une femme et la création est un hymne à la vie. Le puritanisme et autres formes de rigorisme sont une déformation de la spiritualité religieuse, une négation de la vie. C'est comme prêter des intentions malveillantes à Dieu. Or notre destin est dans l'ordre naturel. Le surnaturel est un ordre qui échappe à nos moyens naturels. C'est pourquoi la spiritualité fait appel à la foi qui est aussi confiance dans la vie, à l'espérance qui est la volonté d'améliorer le monde réel et à la charité qui est l'amour de soi et du prochain. Ces vertus font appel à l'engagement personnel et non au dogmatisme intolérant et à la bigoterie. Comme disait Tolstoï, «Aimer la vie c’est aimer Dieu».
La culpabilisation a servi à instaurer des rapports de domination propres au capitalisme. La domination de l'homme sur la femme en est l'exemple principal et il ouvre la voie à toutes les autres. La religion institutionnelle n'est pas exempte de ces travers. C'est pourquoi le jugement est de rigueur : «C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez (Mathieu 7,16)->https://svetit.zendesk.com/entries/40462445-LA-BIBLE-DE-JERUSALEM-Edition-revue-et-augmentée-Cerf].» La spiritualité chrétienne mérite une place d'honneur [comme partie intégrante de notre culture. Mais la tolérance incarnée par la laïcité de l'État est plus conforme à l'Évangile que l'intégrisme religieux quelque soit la religion.
Les rapports de domination, de manipulation et de culpabilisation ont pour effet de nier la dignité de la personne en la rendant inapte à exercer ses choix libres. Cette situation a pour effet de déresponsabiliser les personnes et de nier leur liberté. Ceci nous ramène à l'importance de réaliser la souveraineté au peuple. Le débat gauche-droite est un faux débat destiné à diviser la société. L'important est le bien commun déterminé par la majorité démocratique.
Conclusion
Les candidats à la chefferie devraient s'entendre sur certains principes de base. D'abord, il faut promouvoir la démocratie réelle, celle du peuple souverain. Le capitalisme est en faillite : il faut une solution de rechange qui commence par le rejet des traités de libre-échange et la prise de contrôle de la monnaie. Il faut intégrer les minorités et imposer le français comme langue commune. Il faut reconnaître la spiritualité chrétienne comme partie de notre culture mais la laïcité de l'État est plus conforme à l'Évangile que l'intégrisme même catholique. L'adhésion à ces principes, loin d'isoler le Québec, le fait plutôt rejoindre le mouvement universel de résistance à l'empire corrompu et décadent qui menace la planète.
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3 commentaires
Michel Matte Répondre
10 septembre 2016@ Robert J. Lachance
En effet, il n'y en aura pas de facile. Les chiffres sont parlants. Mais en choisissant une coalition avec d'autres partis, le PQ devra diluer son programme et peut-être renoncer à l'article un. C'est pourquoi le PQ doit d'abord se démarquer des autres partis. Il ne suffit plus d'être un bon gouvernement puisque les autres oppositions peuvent aussi y prétendre.
Le PQ doit étoffer son programme en définissant le contenu du projet d'indépendance. Les candidats à la chefferie devraient s'entendre sur certains principes de base et certaines mesures concrètes à réaliser dès l'accession au pouvoir pour enclencher la dynamique de rupture du statu quo. En somme il faut de l'audace.
Robert J. Lachance Répondre
10 septembre 2016Vous m’avez fait lire l’article 1 pour la première fois.
http://mon.pq.org/documents/programme2011.pdf
Il se divise en 3. Le premier point se lit comme suit :
Je comprends qu’il faut d’abord être le gouvernement pour être en mesure de juger approprié le moment d’un référendum.
Pour une série de tableaux statistiques que j’ai déjà exposés ici et dont je réexpose le dernier ci-dessous, je doute fort que le PQ puisse redevenir un gouvernement majoritaire capable de juger approprié le moment venu de procéder à un référendum.
La CAQ siège dans 21 circonscriptions et a été le deuxième meilleur dans 23 autres en 2014. Le PQ doit se coaliser plutôt que chercher à converger. J’admets que comme on dit y’en aura pas de facile, ç’en est pas une facile.
À d’autres peut-être comme on dit à une prochaine pour 1.2 et 1.3 que j’ai aussi lu.
Michel Blondin Répondre
6 septembre 2016Je croyais que c'est le programme du parti, dont le nécessaire premier article, fait par ses membres qui est le ciment des candidats, des députés et des militants.
Ce rapport s'étend à la population et représente l'engagement qui fait foi de l'essentiel.
N'est-ce pas les principes de base, ce ciment?
Quand certains candidats oublient l'essentiel, alors on défend ou tente d'expliquer comme vous le faites, l'indéfendable. Les entourloupettes pour contrer la cohérence d'action politique de certains ne servent qu'à nous égarer.
On ne fait pas de béton sans ciment.