Olivier Bourque - Pour les spécialistes, pas de doute: l'implantation d'un port méthanier au Québec servira l'appétit grandissant de l'Amérique pour le gaz naturel.
Mais pour les spécialistes, une chose est claire : le port méthanier servira en grande partie pour subvenir aux besoins grandissants de gaz naturel de l’Ontario et du Nord-est américain.
Pour Jean-Thomas Bernard, professeur à l’Université Laval et spécialiste des questions en énergie, Rabaska est nécessaire dans une optique nord-américaine.
D’un côté, les gisements de gaz naturel au Canada – principalement en Alberta – devraient s’épuiser d’ici quelques années, ce qui ferait monter le coût du gaz en Amérique du Nord.
Aussi, la demande pour le gaz naturel devrait augmenter dans les prochaines années sur le continent car il s’agit d’une énergie moins polluante que le pétrole.
«Rabaska va finalement accroître l’offre de gaz naturel en Amérique du Nord», souligne le professeur Bernard.
Selon lui, une partie du pétrole va rester au Québec. Mais tout va dépendre du prix que l’on proposera. Si celui-ci est trop élevé, il y a peu de chance que les Québécois – qui profitent de bas tarifs en raison du bloc patrimonial d’Hydro-Québec – penchent en faveur de la petite flamme bleue. Même si on dit qu’il s’agit d’une énergie «trendy» et plus agréable à la maison.
«Même avec un port méthanier, le gaz naturel aura peut-être des difficultés à pénétrer le marché en raison de son prix qui risque de demeurer élevé», pense Jean-Thomas Bernard.
Selon Normand Mousseau, professeur à l’Université de Montréal qui vient de lancer un ouvrage intitulé Au bout du pétrole, le Québec n’aura pas beaucoup plus de lattitude avec le port méthanier.
«Il n’y a aucune garantie que le gaz naturel demeure ici au Québec pour nos besoins. Car avec l’ALENA, le Québec s’est lié les mains. Le gaz ira tout simplement aux plus offrants», croit-il.
En bref, si les Américains en veulent beaucoup, le gaz naturel qui s’arrêtera en face de l’Île-d’Orléans, prendra le chemin par un oléoduc direction le Nord-est américain.
Le professeur Mousseau croit toutefois que le Québec a besoin d’un port méthanier. Pas pour une question de diversification, mais bien parce que nos industries en ont besoin. Et vont continuer d’en avoir besoin.
Et ce n’est sûrement pas en raison de l’implantation d’un port méthanier sur le Saint-Laurent que les prix vont descendre, croit M. Mousseau.
«Les Japonais ont beaucoup de ports méthaniers et ils payent cinq fois plus cher que nous le prix du gaz naturel. Donc, ça n’a pas de lien direct», pense-t-il.
Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal, croit que le gaz naturel va devenir une énergie d’appoint à l’hydroélectricité qui est «tarifé trop bas au Québec», selon lui.
«On ne doit pas voir le Québec en vase clos. Si on élevait les tarifs d’hydro-électricité, une certaine partie de la population se tournerait du côté du gaz naturel. Et nous pourrions faire l’exportation de l’hydro-électricité et de gaz naturel dans les États du Nord-est américain», pense-t-il.
Le professeur Pineau croit notamment que l’exportation d’énergies «propres» permettrait à ces États de faire le ménage dans leurs filières charbon et mazout, plus polluantes. Et cela amènerait de l’argent pour l’État québécois.
Pourquoi le site de Lévis?
La question demeure toutefois. Pourquoi ce port méthanier est-il implanté sur les rives de Lévis devant un des plus beaux sites naturels au Québec alors que la demande est surtout manifeste chez les voisins de la Belle province ?
«Parce que les Américains n’en veulent pas dans leur cour», lance le professeur Mousseau.
Le refus récent de l’État de New York donne raison au professeur. En avril dernier, et après une grogne de plusieurs citoyens et groupes écologiques, le populeux État américain avait rejeté la construction d’un terminal de gaz naturel liquéfié au large de Long Island.
D’ailleurs, pour M. Mousseau, l’implantation d’un port méthanier sur les rives de Québec est un bien mauvais choix surtout en raison «des dangers associés au transport du gaz naturel liquéfié».
Jean-Thomas Bernard abonde dans le même sens.
«Ça coûte moins cher ici qu’aux États-Unis. Je veux dire, ce sont des gens d’affaires, ce n’est pas la Saint-Vincent-de-Paul. Ils viennent ici pour faire de l’argent», dit M. Bernard.
Pour le projet Rabaska, le consortium devra payer 15 M$ de taxes annuellement à la ville de Lévis. Environ 30 employés y travailleront de manière permanente.
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