Un pari risqué?

Chronique de Louis Lapointe

Tous les indépendantistes l’ont déjà compris, l’enjeu de la présente campagne électorale n’est pas l’indépendance du Québec, mais bien un exercice d’alternance du pouvoir entre le PQ et le PLQ pour accéder à la gouverne provinciale.

Le PQ ne fait plus ouvertement la promotion de l’indépendance du Québec depuis le référendum de 1995.

À cet égard, en juillet 2008, je posais les questions suivantes.

«Devant un tel tableau, Pauline Marois aura-t-elle la clairvoyance de faire les bons choix ?

Maintiendra-t-elle le cap sur les gestes de souveraineté ou aura-t-elle l’audace de profiter du vent de changement qui souffle présentement sur l’Amérique en misant sur les 40% de Québécois qui appuient la souveraineté, leur proposant l’indépendance comme outil de développement social, économique et culturel, lui subordonnant les gestes de souveraineté, comme le projet de constitution et la loi sur la citoyenneté québécoise, plutôt que d’en faire la pierre d’assise de sa stratégie ? Une vision qui laissera un parti plus uni, même dans la défaite, puisque l’indépendance du Québec est un objectif à long terme qui rassemble et qui s’épanouit dans la continuité.

Toutefois, il y a fort à parier qu’avec un tel appui des forces souverainistes, elle pourrait compter sur l’effet de levier recherché pour aller chercher le soutien de ceux qui, d’une élection à l’autre, votent toujours pour les gagnants, justement ceux dont elle recherche en vain la sympathie avec ses gestes de souveraineté et dont le suffrage pourrait faire la différence au prochain scrutin.» Les vacances de Pauline. Le 23 juillet 2008

Voilà pourquoi le PQ de Pauline Marois stagne à 33% dans la faveur populaire, étant incapable de rapatrier les indépendantistes ou d’attirer les mous du centre.

«Le Parti québécois a été historiquement un parti qui exploitait tous les clivages qui existaient dans la société québécoise : indépendantisme/ fédéralisme, environnement/ pollution, pauvreté/richesse, jeunes/vieux. Or, afin de se rapprocher du centre, le PQ a délaissé le discours qui encourageait la polarisation autour de ces enjeux et qui entretenait les clivages politiques qui attiraient des gens de toutes tendances au sein du PQ, surtout des jeunes.

En délaissant ces clivages parce qu’il voulait plaire à des électeurs qui ne s’intéressaient pas à la politique, mais qui rêvaient juste à plus de confort, le PQ a accepté que les éléments les plus progressistes, les plus polarisés de son parti quittent le navire. Il récolte dans la présente élection ce qu’il a semé, l’abstentionnisme de ceux qui ne se retrouvent dans aucun des partis politiques présents dans l’arène politique. (...)

Si la défaite anticipée de lundi (8 décembre 2008) peut être perçue par plusieurs comme une amère défaite, à mon avis elle doit surtout être vue comme une occasion pour le PQ et les progressistes québécois de renouveler le discours, de se refaire des forces, mais surtout de moderniser leur plan d’action en revenant ostensiblement vers la gauche et l’indépendance qui ont fait les beaux jours des mouvements progressistes et du PQ.

Qui sait, si nous avons suffisamment maturé collectivement au cours de cette période, peut-être pourrons-nous alors parler d’une grande et d’une vraie coalition regroupant tous les partis de gauche qui ont intérêt à s’entendre afin que le Québec ne soit pas pris ad vitam aeternam dans les griffes des forces néolibérales qui, sans aucun doute, vont s’en mettre plein les poches à nos dépens au cours des quatre prochaines années. De quoi en faire rager plusieurs, probablement une majorité de Québécois !» Une élection historique. Le 6 décembre 2008

Pourtant, malgré l’échec de 2008, le PQ a continué à jouer à fond cette stratégie boiteuse.

«Comment ne pas constater que Pauline Marois a déjà atteint les extrêmes limites du grand écart ? Si elle s’aventure au-delà de la fragile position qu’elle a adoptée depuis qu’elle est devenue chef du PQ pour ravir quelques votes adéquistes de plus, il y a un sérieux risque de déchirement au sein de sa propre formation politique. On peut d’ores et déjà lui prédire qu’en décidant d’aller encore plus loin dans le compromis, elle tombera à coup sûr dans le vide laissé entre les deux chaises sur lesquelles elle tente vainement de se maintenir en équilibre depuis qu’elle est chef du PQ. (…)

Elle ne pourra donc plus, bien longtemps encore, continuer de tenir ce double discours qui consiste à prétendre que le Plan pour un Québec souverain améliore la position du Québec dans le Canada et conduit à l’indépendance. Ce discours fait peur aux Québécois les plus prudents et déplaît aux plus engagés. (…)

Une stratégie que Pauline Marois ne peut tout simplement pas adopter pour faire plaisir aux anciens adéquistes, puisqu’elle risque de disloquer le PQ et compromettre le projet d’indépendance.» Le grand écart. Le 4 juillet 2009

Les résultats obtenus par le PQ à l’élection partielle de Kamouraska-Témiscouata demeurent une éloquente démonstration des limites de cette approche.


«Comme ce fut le cas lors des deux dernières élections générales, lorsque les élections portaient sur des enjeux qui divisaient la gauche et la droite, le PQ a difficilement réussi à aller chercher le vote des mécontents et des indécis pendant que de nombreux indépendantistes demeuraient à la maison.

Le fait que cette fois-ci les libéraux aient obtenu 36% du suffrage alors que le PQ l’a remporté à l’arraché avec 37 % du vote dans une élection partielle où les électeurs avaient l’occasion de clairement signifier au gouvernement leur haut-le-cœur s’avère pour moi une profonde énigme. (…)

Se limiter à traiter les libéraux de corrompus ne semble pas être suffisant pour convaincre les Québécois de voter pour le Parti Québécois. Il semble même qu’en raison de la polarisation gauche-droite qui en résulte, ce discours profiterait davantage à l’ADQ …» L’énigme de Kamouraska-Témiskouata. Le 1er décembre 2010

Encore là, malgré de sérieux indices, le PQ n'a pas su corriger le tir.

L'actuelle montée de la CAQ n'a donc rien d'étonnant puisque celle-ci utilise les mêmes ressorts que la défunte ADQ.

Toutefois, si la division du vote indépendantiste semble à première vue nuire au PQ, malgré son affligeante stagnation dans la faveur populaire, ce dernier tire encore plus largement avantage de la division du vote fédéraliste entre la CAQ et le PLQ qui est sans aucun doute le phénomène le plus marquant de la présente campagne électorale.

Un scénario optimiste qui a donné lieu à une étonnante victoire du PQ lors de l'élection partielle dans Argenteuil.

«L’exacerbation de la crise sociale par le gouvernement semble avoir davantage fractionné le vote de la droite que celui de la gauche. La CAQ a fait plus mal aux libéraux que les verts, QS et l’ON au PQ.

Des électeurs traditionnellement libéraux ont probablement sanctionné le parti de Jean Charest pour son désastreux bilan en votant pour la CAQ de François Legault, alors que ceux des autres partis n’ont pas quitté leurs camps respectifs.

L’insatisfaction envers les libéraux serait-elle trop forte pour que ces derniers puissent penser remporter les prochaines élections ?»La nef des fous. Le 12 juin 2012

Cependant, un pari risqué qui pourrait bien se retourner contre le PQ si la montée de la CAQ se poursuit inexorablement jusqu’à l'élection du 4 septembre prochain et qu’il subit la défaite.

Le PQ n’aura plus qu’à s’en prendre à lui-même, bien qu’il soit alors tenté d’accabler les partisans de l’ON et de QS.

Les observateurs avertis savent tous que, loin d’être la cause du plafonnement du PQ dans les intentions de vote des Québécois, la division du vote indépendantiste qui résulte de la montée de tiers partis comme l’ON et QS est plutôt le symptôme du délaissement par le PQ des clivages indépendantistes/ fédéralistes et gauche/droite afin de courtiser une clientèle plus au centre qui s'intéresse moins à la politique et qui semble plus attirée par la CAQ comme elle l'était par la défunte ADQ.

Comment ne pas conclure dès lors que le PQ a délaissé la proie pour l’ombre?

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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3 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    31 août 2012

    Aussitôt élus, tous les gouvernements péquistes du passé, tous et sans aucune exception, y compris celui du grand champion Parizeau, se sont mis à parler et chanter avec l’électorat péquiste. Une sorte de chorale de la Chouveraineté. Mais la souveraineté est à être chantée APRÈS avoir été faite. Et pour la faire, la souveraineté, il faut prendre le pouvoir puis s’adresser à tout le peuple québécois.
    Le peuple québécois n’a nul besoin qu’on vienne lui chanter la souveraineté, la bouche en cœur. L’électorat fédéraliste est vulnérable seulement en face de son gouvernement. Ce qu’il faudrait donc, c’est qu’un gouvernement péquiste s’attelle aussitôt élu à entreprendre de jaser (tough talk) avec tout l’électorat. S’il se contentait encore de chanter l’indépendance pour faire plaisir à son propre électorat, qui a plafonné hélas depuis longtemps, il serait rapidement contraint de danser avec des partenaires indésirables, et il laisserait toute la place, tout le plancher, hélas encore, à ses ennemis pour qu’ils continuent de parler contre le Projet.
    Les indépendantistes devraient réaliser qu’APRÈS 50 ans de lutte, la position elle-même (de pouvoir) de celui ou celle qui parle et qui s’adresse à tout un peuple est bien plus déterminante que toutes les tribunes offertes par une campagne électorale, un indéniable passage obligé. La chance qui s’offre présentement aux indépendantistes ne se représentera pas de sitôt. À nous de nous unir.
    Contrairement à JMA, je suis plutôt rassuré que le P.Q. cherche le Pouvoir si intensément.

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    31 août 2012

    Retour sur Kamouraska.
    Le PQ a fait fondre une majorité de 6000 voix dans une élection complémentaire, non pas avec le thème de l'indépendance mais, bien avec celui de la corruption libérale.
    Ce n'était pas le plan de match du PQ qui menait une campagne sur des enjeux locaux. Le thème de la corruption a été imposé par des citoyens qui ont entrepris de placarder le la circonscription d'affiches : corruption libérale. Ne soyez plus complice.
    Cette intervention a fait l'objet de plainte de la candidate libérale et a rebondit dans les médias. La campagne libérale a été complètement déstabilisée par l'opération.
    Cette opération citoyenne contre les libéraux a été initié sur Vigile. net.
    Pendant que certains se contente d'écrire, d'autres agissent sur le terrains, dont moi qui fait les deux :
    Analyse de la situation et actions pour pour influencer la dynamique politique.
    On souhaiterait être plus nombreux.
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    30 août 2012

    Mettons que si j'étais Pauline Marois, je me sentirais bien mal prise. je voudrais faire l'Indépendance du québec, mais il me faudrait passer par un référendum.
    Or comme je ne suis pas complètement abrutie, je sais pertinemment que dans l'état actuel des choses, lancer un référendum, c'est crier Banzaï dans un remake de la charge de la brigade légère. on sait comment ça a fini.
    Or il y a une bande d'hallucinés qui se couchent le soir en marmonnant référendum, et qui au matin se mettent à taper du pied parce que le référendum n'est pas déclenché assez rapidement à leur goût.
    Il faut donner du temps au temps quand on veut faire des changements comme celui que l'on veut obtenir. Les Irlandais ont du patienter cinq cent ans avant de pouvoir crisser les anglais dehors. D'autres peuples on du attendre encore plus longtemps.
    Si on se mettais tous et toutes derrière le PQ et qu'on y militait au lieu de multiplier les obstacels et les partis concurrents, on aurait peut-être une chance de parvenir à faire changer les choses.
    LaFontaine l'a déjà écrit : Patience et longueur de temps valent mieux que force et que rage.
    Ce serait plaisant qu'on se mette à raisonner plutôt que de constamment résonner comme des cymbales retentissantes. Ce à quoi trop des nôtres on dirait ne savent rien d'autre à faire.
    Il va sans dire que ce commentaire ne vous vise pas personnellement monsieur Lapointe.