Renoncer à la tenue d’élections générales, après avoir fait monter la pression pendant des semaines, ne pouvait être interprété que comme un aveu de faiblesse, que les partis d’opposition n’ont pas manqué d’exploiter.
À la première occasion, Libéraux et Caquistes ont passé à la trappe le projet de loi sur les mines, malgré leur engagement préalable à en adopter le principe et à procéder à son étude, article par article, en commission parlementaire. La ministre des Ressources naturelles s’était d’ailleurs engagée à accepter des amendements des partis d’opposition.
Pour ne pas être en reste avec le lobby des minières, la compagnie Alcoa menaçait quelques jours plus tard, dans une lettre ouverte, de fermer ses alumineries au Québec en janvier 2015, si le gouvernement ignorait sa demande de réduire le coût de l'énergie, et cela bien que des négociations soient en cours à ce sujet.
Que des multinationales profitent du statut minoritaire du gouvernement et de sa relative impopularité dans les sondages pour lui arracher des concessions ou se débarrasser d’un projet de loi jugé trop contraignant ne devrait pas nous surprendre.
Le Canada, la Suisse des minières
À de multiples occasions, au cours des dernières années, des révélations nous ont instruits sur le comportement arrogant, insolant, souvent criminel, des compagnies minières canadiennes à travers le monde.
Le Canada est un paradis fiscal pour les compagnies minières. Il s’est valu le titre peu enviable d’être la Suisse des minières. Les minières incorporées au Canada sont présentes dans plus de 100 pays et leurs activités représentaient, selon le gouvernement canadien, près de 37% des dépenses mondiales d’exploration en 2012.
Elles utilisent tous les moyens à leur disposition pour exploiter de façon sauvage les ressources naturelles du Brésil, de la Colombie, de la Grèce, du Congo et de nombreux autres pays, en payant le minimum de redevances et en agissant, souvent, au mépris des droits démocratiques et environnementaux des populations locales, le tout avec la complicité du gouvernement canadien.
Dernièrement, le gouvernement Harper annonçait une réallocation des budgets alloués au développement international et au commerce afin de soutenir de façon encore plus active les projets miniers des compagnies canadiennes à l’étranger. Selon le Globe and Mail (Ottawa to Step Up Support for Mining, 18 septembre 2013), cette stratégie s’inscrit dans la réorientation générale de la politique extérieure du Canada.
Quelques semaines plus tard, les révélations de l’ancien employé de l’agence américaine de sécurité nationale (NSA) Edward Snowden nous apprenaient jusqu’où pouvait aller l’appui aux minières. Le Centre de la sécurité des télécommunications du Canada (CSTC) espionnait le ministère brésilien des Mines et de l’Énergie, pour le compte des minières canadiennes!
Après Daniel Breton, Martine Ouellet?
Serions-nous assez naïfs pour croire que les efforts d’Ottawa en faveur des compagnies minières ne touchent que leurs opérations à l’étranger? Que le CSTC ne tend pas une oreille indiscrète aux délibérations se déroulant au sein du ministère des Ressources naturelles et du gouvernement Marois?
Qui est assez candide pour croire que le lobby minier n’est pas intervenu auprès des dirigeants du Parti Libéral et de la CAQ pour faire dérailler le projet de loi 43, alors qu’ils s’étaient formellement engagés précédemment à en adopter le principe?
Ces deux partis et leurs commanditaires ne se contentent pas d’enterrer le projet de loi, ils veulent déboulonner la ministre. Après avoir eu la peau du ministre Daniel Breton, ils rêvent d’accrocher à leur tableau de chasse celle de Martine Ouellet.
Québec solidaire avec les minières?
Les enjeux étaient clairs. Malgré ses imperfections, le projet de loi 43 représentait un progrès incontestable. C’est pourquoi les organismes, qui suivent de près le dossier, comme Québec meilleure mine!, Nature Québec, et l’Action boréale de l’Abitibi-Témiscamingue ont qualifié d’« inacceptable » le geste du Parti Libéral et de la CAQ et ont jugé « le statuo quo intolérable ».
Dans ce contexte, on ne peut que condamner l’attitude extraordinairement sectaire des deux députés de Québec solidaire, François David et Amir Khadir, qui se sont abstenus lors du vote sur ce projet de loi!
Rebâtir le momentum
Après le vote qui a mis fin au projet de loi 43, la ministre Martine Ouellet a déclaré qu’on venait d’atteindre « la limite d’un gouvernement minoritaire ». Nous ajouterions : d’un gouvernement minoritaire qui s’est placé en position vulnérable par le report du déclenchement des élections, brisant le momentum qu’il avait commencé à bâtir.
Des commentateurs politiques ont cherché à faire porter le fardeau de l’échec sur les épaules de la ministre qui n’aurait pas su manœuvrer comme Jean Charest, lorsqu’il était à la tête d’un gouvernement minoritaire.
La situation n’est pas comparable. Jean Charest ne s’attaquait pas aux minières et autres multinationales. Son parti ne défendait pas un programme d’émancipation sociale et nationale, comme celui du Parti Québécois.
Faire porter l’échec sur les épaules de la ministre est une mauvaise lecture du rapport de forces. C’est faire le jeu des minières et des multinationales. Au contraire, il faut défendre la ministre, dont la compétence, de l’avis de tous, n’est pas en cause.
Si, faute de soutien, la ministre tombe, qui sera le suivant? Ou plutôt, qui osera faire face à l’hostilité des puissantes forces qui se sont liguées contre le Parti Québécois?
Au plus vite, il faut rebâtir un momentum qui permettra au Parti Québécois de reprendre l’initiative, de déclencher des élections, et de faire élire un gouvernement majoritaire. Nous avons souvent entendu au Parti Québécois des dirigeants citer Danton qui déclarait qu’en politique, « il nous faut de l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace ».
Alors, arrêtons de tergiverser et agissons !
Respectivement président et secrétaire du SPQ Libre. Pierre Dubuc et Marc Laviolette viennent de faire paraître Le SPQ Libre et l’indépendance du Québec. Dix ans de lutte au sein du Parti Québécois. (Éditions du Renouveau québécois).
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