Les premiers camions de livraison totalement électriques faits au Québec sillonneront très bientôt le Canada, et l’entreprise lavalloise derrière ces véhicules ne veut rien de moins que concurrencer Tesla.
« On travaille en ce moment avec plusieurs opérateurs de colis. On s’attend à en produire entre 10 et 20 cette année. Pour 2018, on sera prêt à produire un volume de 800 véhicules », indique fièrement l’inventeur du camion, Sylvain Castonguay, fondateur de l’entreprise Nordresa.
Nordresa est pour le moment seule dans sa niche : les camions de livraison légers. Mais sur le marché du camion électrique, elle joue dans la cour des grands.
« Au niveau des camions, on s’attend à ce qu’il y ait d’importantes percées dans le domaine de la motorisation électrique. C’est important que le Québec se positionne, soit à l’avant-garde dans ce domaine », prévient Patrick Bonin, de Greenpeace.
Mercedes-Benz et Renault
Tesla dévoilera un camion semi-remorque en septembre et Mercedes-Benz a révélé l’année dernière un prototype de semi-remorque qui sera prêt pour la commercialisation au tournant de 2020. En Europe, le constructeur français Renault commercialise son Maxity électrique, un camion de petit tonnage, depuis 2011 déjà.
Comme ces géants étrangers, l’objectif avoué de M. Castonguay est de construire un jour ses propres camions de A à Z. Mais pour le moment, son équipe utilise le châssis de véhicules existants, le vide de son moteur et y installe des batteries importées de Corée et le système de propulsion qu’elle a développé.
Purolator
Pour démarrer, la PME de Laval s’est associée à Purolator qui lui a cédé un camion Ford E-350 pour mettre au point son prototype. Mais depuis son démarrage en mars 2015, la petite entreprise s’est émancipée et a sauté à d’autres clients petits et grands.
La compagnie de déménagement à vélo Déménagement Myette a fait l’acquisition d’un camion électrique Nordresa. La maison de négoce transatlantique PortFranc, qui souhaite établir la première route commerciale sans pétrole entre l’Europe et l’Amérique du Nord, a également l’intention d’acquérir un des engins d’ici l’automne.
« La moitié des véhicules qui circulent sur les routes de Montréal en semaine sont des commerciaux et il n’y avait pas d’offre électrique pour eux. On vient combler un vide », indique M. Castonguay en glissant qu’il lancera en janvier deux autres plateformes de véhicules de classe 4 et 6.
Bertrand Schepper, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), salue l’initiative. Selon lui, cela ne devrait être qu’un début. « On pourrait faire le pari au Québec de construire tous nos autobus et nos trains électriques nous-mêmes. On a l’expertise pour ça », lance-t-il.
Le gouvernement encore loin de son objectif
Québec veut multiplier par sept le nombre de véhicules électriques sur les routes d’ici trois ans, mais ne s’en donne pas les moyens, préviennent écologistes et constructeurs automobiles.
« Les prévisions du gouvernement sont très jovialistes. Les chiffres montrent qu’on est très loin de l’objectif », note Bertrand Schepper, chercheur spécialisé en transports à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).
Pas assez de bornes
L’Association du véhicule électrique du Québec (AVEQ) indique que 14 390 véhicules électriques circulent actuellement sur les routes de la province. Or, le gouvernement estime qu’il y en aura 100 000 en 2020, grâce à sa politique incitative (loi 104).
Pour la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ), les cibles « sont manifestement inatteignables dans les délais prévus ». Les concessionnaires sont nerveux, car la loi 104 leur imposera des quotas de vente de véhicules électriques sous peine de devoir payer des redevances à l’État.
Pour les Constructeurs mondiaux d’automobiles du Canada, « Québec ne peut pas atteindre ces objectifs sans accélérer dramatiquement tant les investissements que le déploiement d’infrastructures de recharge pour les VZE (véhicules zéro émission) », dit le président de l’organisme David Adams.
Selon l’AVEQ, le réseau de bornes de recharge est d’ores et déjà problématique.
« Nos membres sont en file d’attente aux bornes de recharge », indique Simon-Pierre Rioux, président de l’association.
Dans son analyse des coûts et bénéfices de sa politique récemment publiée, Québec estime de son côté qu’en forçant les concessionnaires à augmenter l’offre de véhicules électriques, la demande des consommateurs augmentera et fera naître un marché pour l’industrie de la fabrication, de la commercialisation et de l’installation des bornes de recharge.
Bonus-malus
« Je ne pense pas qu’obliger les concessionnaires à tenir des pourcentages de ventes de véhicules électriques change vraiment les choses, commente M. Schepper. C’est un changement de culture que ça prend, donc un cocktail de mesures. »
Pour Patrick Bonin, de Greenpeace, Québec devrait adopter un système de bonus-malus, c’est-à-dire des rabais pour ceux qui roulent vert et une surtaxe pour les pollueurs.
Les automobiles écologiques pas si vertes
Alors que les organisations écologistes et le gouvernement vantent les mérites écologiques des véhicules électriques, les chercheurs contestent les qualités environnementales de ce mode de transport.
Bien qu’en ce qui concerne le rejet de CO2 et de particules fines dans l’atmosphère, les véhicules zéro émission soient imbattables, le portrait n’est pas si vert quand on considère l’ensemble de leur cycle de vie. Qu’il soit électrique ou à essence, un véhicule reste une boîte d’acier, de plastique et de ressources polluantes de l’extraction à la fin de vie.
Lithium
« Même si les véhicules électriques émettent moins de gaz à effet de serre que l’automobile conventionnelle, les piles utilisées dans ces véhicules nécessitent beaucoup de lithium. Or, comme le pétrole, le lithium est une matière non renouvelable et polluante », indique Bertrand Shepper, chercheur à l’IRIS.
« L’exploitation de ce minerai participe à l’augmentation de la pollution de l’air, à l’assèchement des cours d’eau situés à proximité des mines, à la baisse des nappes phréatiques et à une transformation des écosystèmes et des terres agricoles », ajoute-t-il.
Batterie
En France, l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’énergie calcule que le bilan énergétique d’une voiture électrique n’égale celui d’une voiture thermique qu’au bout de 100 000 km, car la fabrication des batteries réclame une grande quantité d’énergie.
Produire un kilowattheure de capacité de stockage nécessiterait l’usage de sources d’énergie qui libèrent entre 150 et 200 kg de CO2 dans l’atmosphère, essentiellement pour l’extraction et le traitement des matières premières, indique une étude du Swedish Environmental Research Institute.
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